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Les fondements de la pensée sociale et économique chez Allal El-Fassi


Rédigé par Dr Abdel Jabbar Rachidi le Vendredi 12 Juin 2020

La pensée sociale chez Allal El-Fassi constitue l'un des fondements intellectuels sur lesquels ce leader et érudit a bâti sa thèse sur l'État et la société, parallèlement à ses pensées politique, économique, religieuse et nationale.



Nous tenterons de nous concentrer sur les plateformes et les bases de cette pensée sociale dans le contexte des circonstances que traverse aujourd’hui le Maroc à l’instar du monde entier, à savoir la pandémie de Corona 19, et sur la nécessité pressante de procéder à des révisions conséquentes des choix et approches de libéralisme débridé qui se fait au détriment des besoins fondamentaux de la société.
 
Nous tenterons également de mettre la lumière sur la pensée économique chez le leader Allal El Fassi, compte tenu de la relation dialectique et déterminante qui relie l'économique au social dans sa pensée.
 
La pensée sociale chez Allal El Fassi s’appuie sur le nécessaire affranchissement de soi de l’emprise de l'égoïsme et de la prépondérance de l’intérêt individuel, et sur la délivrance de la société du penchant vers l'individualisme.

Elle appelle à l’adoption de l'esprit de regroupement, de coopération, de cohésion et de solidarité sociale comme méthode à suivre dans la vie, et à s’engager dans le creuset des liens qui font la collectivité, la tribu, la ville et enfin l'État, à condition que ces groupes soient au service de l'individu.
 
Valeurs nationales et éthique islamique

Les principaux déterminants du projet national chez le leader Allal El-Fassi sont la consécration, dans la vie publique, des valeurs nationales et de l’éthique islamique et leur renforcement au sein de la société par la sensibilisation aux droits et devoirs, la diffusion de la connaissance et la lutte contre l'ignorance, le rejet des discriminations et des loyautés autres qu’à l'intérêt public et à l'État, l'attachement avec conscience et mobilisation à l'esprit d’unité nationale, la promotion du patriotisme et le renforcement de l’amour de la patrie.

Allal El Fassi appelait dans ce contexte au renouveau religieux et à la révolution contre certaines idées fausses par le combat des pratiques mystiques, du charlatanisme et de certaines coutumes et traditions qui perpétuent le sous-développement et l'ignorance de la religion authentique.
 
Il a défendu la mise en adéquation sociale de la réflexion sociétale qui doit puiser sa substance de l’environnement social afin qu’elle puisse jouer son rôle dans le démantèlement des déséquilibres sociaux et dans la rupture avec les causes du sous-développement de la société et de la dépravation généralisée. Il s’agit aussi de créer des solutions pour réformer la société et l’État loin de toute autarcie, de s’ouvrir sur les expériences des autres et de s’en inspirer sans que cela ne s’oppose aux fondamentaux de la nation marocaine et à ses constantes.

La réflexion sociétale chez Allal El-Fassi est avant tout une réflexion morale.
 
La réflexion sociétale chez Allal El-Fassi est avant tout une réflexion morale, avec ses fondements religieux et ses émanations idéologiques, qui soumet le phénomène social à l’étude, l’analyse et la critique, à la lumière des finalités de la charia et des cinq fondamentaux qui sont la préservation de la religion, de la vie humaine, de la raison, de la progéniture et des biens.

Dans ce cadre, Allal El-Fassi explique dans son recueil : "Propos sur la philosophie, l’histoire et la sociologie"  que "la réflexion sociétale doit faire du dogme la base et l’émanation parce qu'elle constituera la norme de jugement les choses".

Il ajoute dans la page 142 : «Nous ne pouvons construire une pensée sociale individuelle sur un problème donné que si nous le placions dans le cadre de notre pensée sociale générale qui est fondée sur un dogme et une morale».

Allal El-Fassi  estime que la construction sociale nécessite l'unité sociale absolue qui se réalise par l'adhésion sociale des individus au sein de la société et au renforcement de l'esprit national et du sentiment d'appartenance à la patrie. Il met en garde contre les tendances tribales ou ethniques qui à même de menacer la cohésion de l'État et de la société. Il insiste également sur le renforcement de l'identité nationale face à l'aliénation et sur les valeurs unificatrices de la nation, qui constituent le corps et l’humanisme marocain, face aux appels à la division et à la séparation.

Ijtihad, Raison et ouverture
 
Allal Al-Fassi considère que la famille, ou ce que l’on qualifiait de «petite patrie», est le noyau de base de la société qui doit recevoir toute l’attention de la part de l'État. Si ce noyau se porte bien, toute la société est alors en bonne santé.

Aussi, il a appelé à réformer l’état de la famille et de la société par la lutte contre l’ignorance et le sous-développement et par la consécration d'un enseignement moderne encadré par les valeurs et l'éthique islamiques, avec l'adoption de l'ijtihad, la raison et l'ouverture sur l'esprit de l'époque, car il estimait que l’objectif suprême de l’utilisation de la raison est l’atteinte de la vérité divine.

Droit à la santé
 
De même qu’il défend le droit des individus à des services de santé de qualité, les considérant comme relevant de la responsabilité fondamentale de l'État. Pour rappel, Allal El Fassi a longuement traité dans son  célèbre ouvrage « L’autocritique », page 394, de la quarantaine, ses règles et les mécanismes de prévention pendant les épidémies.

Il note  que « combattre ces maladies et les éradiquer, ou du moins, les atténuer en limitant leur propagation, est un devoir du gouvernement et de chaque membre de la société. Ils doivent tous coopérer pour réaliser des mesures requises par les règles de santé, dont la plus importante est la mise en quarantaine des personnes atteintes de maladies contagieuses et leur isolement en les hébergeant dans des sanatoriums qui répondent aux conditions de santé, d'hygiène, dotés des commodités nécessaires, et  dont les chambres et les dépendances sont régulièrement stérilisés par la pulvérisation de matières stérilisantes dans toutes les directions».
 
Pour Allal El Fassi, les problèmes sociaux sont interdépendants et liés les uns aux autres et sont aussi les causes et les conséquences les uns des autres.

Il voit en même temps, par exemple, que le phénomène de la prostitution renvoie à la problématique de la pauvreté et de la richesse, lesquelles nous renvoient à la répartition de la richesse nationale et de l'organisation des ressources. Il renvoie également à la question de la santé et des soins, ainsi qu'à celle de la famille et de l'éducation, et à bien d'autres questions.

Allal El-Fassi insiste sur le concept de l’État - providence qui doit fournir le minimum requis en matière de services sociaux, tels que l'éducation et la santé, gratuitement, pour assurer une vie décente aux travailleurs et aux paysans, ainsi qu'aux pauvres et nécessiteux.

La pauvreté et l’injustice sociale
 
Traitant de la question de la pauvreté, Allal El-Fassi considère que cette problématique résulte de l'injustice sociale et de la mauvaise répartition des richesses.

Garantir le niveau minimum pour une vie décente, insiste-t-il, oblige la société et de l'État. Il défend dans la foulée la part arrêtée pour les pauvres dans l’argent des riches conformément aux enseignements islamiques et aux textes coraniques qui reconnaissent l’un des droits économiques et financiers, à savoir la Zakat à extraire de l’argent des riches au profit des pauvres. Allal Al-Fassi défend ce droit, non pas comme étant un acte de charité facultative, mais comme l’un des piliers de base de la société musulmane.

Le leader incitait à une véritable révolution intellectuelle, de même qu’il appelait à  débarrasser la société des fausses croyances héritées et à s’émanciper réellement des mythes du passé et des mensonges du présent. Il appelait également à la réforme des conditions sociales et à l'instauration de la justice et de l'égalité entre les citoyens. 
 
Le leader Allal El Fassi était, en outre, parmi des premiers défenseurs des questions féminines et s'attaquait aux diverses formes d'injustice et de discrimination dont la femme était l’objet. Il n'avait de cesse d'attirer l'attention sur l'importance primordiale d’accorder tout l’intérêt à la jeune fille, à garantir son éducation et sa libération des archaïsmes sociaux. Il mettait continuellement en avant la nécessaire amélioration des conditions de la femme et sa jouissance de tous ses droits pour une implication dans la vie publique aux côtés de l’homme.

Allal El-Fassi a s’est distingué en mettant au point une nouvelle vision de la pensée économique et sociale, qui est «L’égalitarisme  économique et social» en tant que troisième option, loin et du communisme totalitaire et du libéralisme sauvage et ce, dans un contexte mondial marqué par la lutte et la polarisation entre ces deux pôles. 

Le regretté leader défendait la liberté d’appropriation et le droit à la propriété privée comme l’un des droits consacrés par l'Islam et les chartes internationales et non relevant de ce qui est partagé avec la société. C’est à dire que la propriété individuelle ne doit pas faire partie des biens communs à la société. De même qu’il a défendu le secteur public, la copropriété et l’appartenance à l'État des moyens de production. Ainsi, « personne n'a la propriété de l'eau, des pâturages, du bois et de tout ce qui est pesé, soit les minéraux, les combustibles, les liquides, les forêts et les pâturages publics".
 
Pour une économie égalitaire
 
Allal El Fassi a appelé à la mise en place d'une économie égalitaire dans laquelle les rôles du secteur public soient complémentaires avec ceux du secteur privé, en plus de l'économie mixte. Dans ce cadre, il a appelé dans son livre «Les doctrines économiques» à la libération économique et sociale, à la limitation de la dépendance à l'étranger et à la réalisation de la sécurité alimentaire et de l'autosuffisance à travers la marocanisation et la réforme des terres agricoles, le soutien de l’agriculteur marocain tout en le dotant du droit d’exploitation de la terre et des outils de production.
 
L’Égalitarisme économique et social a aussi appelé à la réduction des inégalités spatiales et sociales, à l’élargissement de la classe moyenne, à la promotion de l’élément humain et sa jouissance de ses droits économiques et sociaux, à la lutte  contre l'ignorance et le sous-développement, à l'égalité des chances entre les citoyens, à la promotion de l’enseignement public, au soutien de  l'économie sociale et solidaire, au soutien des coopératives eu égard à leur grande valeur ajoutée, à ne pas hypothéquer l’économie par le seul capital financier.

Allal El-Fassi insiste dans ses écrits sur une question centrale dans la jonction entre l’économique et le social et la considère parmi les problèmes les plus importants de la société, c’est la question de la répartition des richesses et de l'émergence d'un ordre économique dans lequel une classe bien déterminée de personnes domine les moyens de production, monopolise la sphère économique et asservit la classe ouvrière, tout en s’assurant un enrichissement obscène et illégitime.
 
 
Le leader Allal affirme que «tout problème social contemporain trouve ses raisons dans ce sinistre monopole de la richesse entre les mains d'une minuscule minorité qui n'a pas acquis ce qu’elle possède par les voies autorisées par Dieu et adoptées par la raison»…

Il attire notre attention sur le danger du capitalisme sauvage et ses conséquences sur notre liberté et sur la souveraineté de nos décisions ; en raison notamment de la cupidité des capitalistes, de leurs tentatives de corrompre les penseurs, les dirigeants et autres intellectuels.

Il précise dans ce sens : «La liberté à laquelle nous aspirons n'aura aucune valeur si nous sommes esclaves des intérêts que ces financiers nous font miroiter moyennant quelques menues dividendes par lesquels ils veulent nous tenter et nous soumettre à leur pression pour qu’on devienne leurs alliés dans leur visées d’assujettissement économique de notre nation et d’exploitation éternelle de ses richesses».
 
Et d’ajouter que «l'Islam a consacré le principe de la solidarité collective, considérant la collectivité directement responsable du décès des personnes mortes de faim, érigeant la défaillance en responsabilité pénale».
 
Allal Al-Fassi s'est opposé à l'usure, au monopole de la richesse et à l'accumulation des richesses par un groupe restreint face à un autre groupe pauvre. Il a également appelé à combattre le monopole qu’il a considéré effectivement comme un acte illicite, et à combattre la concurrence déloyale et la complicité dans la vente et la détermination des prix du marché.

C’est pourquoi il considère dans son ouvrage : «Propos sur la philosophie, l’histoire et la sociologie» que la question appelle une prise de conscience sociale pour exiger la justice, puis pour asseoir la coopération entre le gouvernement et le peuple en vue de recenser les potentialités de la nation et les moyens de généraliser le profit à tous, par la création de l’emploi et la promulgation des lois qui protègent et l'industrie et la classe ouvrière.

Le Waqf  représente l’un des sujets principaux sur lesquels insiste le leader Allal El Fassi. Il a défendu ce régime comme étant l’une des composantes essentielles de l'économie islamique qui fait du bien dédié la propriété de la communauté islamique pour exploitation à des fins caritatives ou d’apprentissage ou tout autre action d’intérêt public qui ne contredit pas l’intention des donateurs. Il appelait aussi au volontariat pour mettre en place des projets d'intérêt public, à l’image du chantier de la route de l’unité.
 
La justice sociale est une composante essentielle de la vison égalitariste. Aussi, Allal El Fassi incitait à une répartition équitable des richesses, à l'égalité des droits et des obligations et à l'équité sociale et spatiale. Il revendiquait le bannissement de la logique du «Maroc utile» et du «Maroc inutile».

Nous pouvons dire que l'Egalitarisme économique et social trouve sa référence essentielle dans les fondements de l'économie islamique dont le leader Allal El-Fassi épousait la doctrine et défendait la philosophie dans le cadre de la dynamisation de l'Ijtihad et de l’observation des finalités, de sorte à ne pas bannir le ce qui est licite et ne pas rendre licite ce qui est illicite.
 
Dr Abdel Jabbar Rachidi
 



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