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Planète

Les félins marocains face au déclin


Rédigé par Oussama ABAOUSS le Dimanche 2 Août 2020

Plusieurs espèces de félins vivent encore dans les écosystèmes du Royaume. Le point en cette célébration de la Journée Mondiale du Tigre.



Une caméra-piège installée au sein du parc culturel de l’Ahagaar a livré en avril dernier la preuve que le guépard d’Afrique du Nord est encore présent en Algérie. Cette bonne nouvelle rappelle à qui veut bien s’en soucier que le Maghreb est aujourd’hui, comme jadis, un territoire où vivent plusieurs espèces remarquables de félins. Au Maroc, parmi les sept espèces de félins qui vivaient dans les divers écosystèmes du Royaume au début du siècle dernier, au moins 4 survivent -tant bien que mal- à l’état sauvage : le caracal, le serval, le chat des sables et le chat ganté. Tous jouent un rôle écologique irremplaçable. Si l’emblématique lion de l’Atlas n’existe plus dans la Nature depuis le début du siècle dernier, notre pays continue à en héberger la plus grande population (captive) au Monde, dans le jardin zoologique de Rabat. Quant au guépard, en dépit des tentatives de débusquer ses traces dans le territoire marocain, le plus rapide des animaux terrestres du monde demeure introuvable depuis plus de 20 ans.

Des espèces résistantes

« Les espèces de félins qui vivent encore au Maroc ont pour la plupart une plasticité écologique très large. Ce sont des prédateurs rares, menacés et très utiles qui ont développé des capacités d’adaptation impressionnantes», explique le Pr Imad Cherkaoui, enseignant-chercheur à l’Université Sultan Moulay Slimane de Khénifra. Ce fait explique les récentes observations du caracal et du serval dans des habitats montagneux du Moyen Atlas, alors que leur aire de répartition historique s’étend jusqu’aux zones présahariennes. « Le caracal et le serval sont des animaux très discrets qui ont tendance à s’éloigner des zones habitées. Ces animaux cherchent le plus souvent des habitats où il n’y a pas de parcours et où abondent les proies. Ces deux félins sont également d’excellents chasseurs qui, cependant, ne s’attaquent au petit bétail que très rarement », souligne Pr Imad Cherkaoui.

Le fantôme de l’Atlas

Le plus grand félin qui rôde probablement encore sous nos cieux n’est nul autre que le magnifique léopard d’Afrique du Nord. Dominant la chaîne alimentaire, le léopard (ou panthère) est paradoxalement très peu observé depuis plusieurs décennies. Pour confirmer que l’espèce existe encore au Maroc, la dernière mission de prospection a été menée de 2007 à 2017 dans le cadre d’un partenariat entre l’université Chouaïb Doukkali d’El-Jadida et l’université d’Alicante en Espagne. « Nous avions entamé le projet scientifique pour la recherche du léopard dans la région de Béni Mellal afin de savoir si l’espèce se maintenait encore au Maroc et, le cas échéant, estimer sa population et délimiter son aire de répartition », raconte Pr Hamid Rguibi, doyen de la Faculté Polydisciplinaire d’Es-Smara qui faisait à l’époque partie de l’équipe de la mission. Si ce projet scientifique n’a pas donné lieu à des observations directes du léopard, plusieurs indices ont cependant confirmé sa présence (voir interview).

Chat des sables et chat ganté

Ancêtre direct des chats domestiques, le chat ganté vit également dans plusieurs écosystèmes du Royaume où il est d’ailleurs menacé -entre autres- d’hybridation avec les chats errants. En voyant un individu de cette espèce dans la Nature, le néophyte pourrait croire qu’il s’agit d’un simple chat de gouttière. Les naturalistes arrivent cependant à reconnaître le chat ganté par quelques caractéristiques physiques : une bande sombre le long du dos, des oreilles rousses, des pinceaux à l’extrémité des oreilles et une queue au bout noir. La ressemblance du chat ganté avec le chat domestique est cependant trompeuse, car l’ancêtre est bien plus farouche et sauvage que sa descendance. Contrairement au chat ganté qui a une aire de répartition assez large, le chat des sables, pour sa part, ne ressemble pas aux chats domestiques. L’espèce qui, au Maroc, se cantonne aux milieux sahariens sablonneux est -à l’instar du guépard d’Afrique du Nord- bien adaptée à la vie dans le désert.

Si le guépard ne côtoie plus le chat des sables sous nos cieux, sa récente observation en Algérie est une bonne nouvelle pour le Maroc : « C’est un animal migrateur. Il n’est pas exclu que l’espèce arrive au Maroc depuis le territoire algérien puisque ses proies se trouvent également dans le Royaume », confie Pr Hamid Rguibi.

Oussama ABAOUSS

3 questions au Pr Hamid Rguibi, écologiste

Pr Hamid Rguibi
Pr Hamid Rguibi
« Nous sommes persuadé que le léopard existe encore dans la région que nous avons prospectée »

Membre de l’équipe qui a tenter de trouver le léopard dans la région de Béni Mellal et doyen de la Faculté Polydisciplinaire d’Es-Smara, le Pr Hamid Rguibi a répondu à nos questions.

- Après avoir enquêté de 2007 à 2017 pour trouver le léopard au Maroc, quels ont été les résultats auxquels vous êtes arrivé ?
- Nous n’avons malheureusement pas pu observer de léopard directement. Notre équipe a cependant collecté plusieurs indices de présence de l’espèce. Nous avions par exemple trouvé des traces de pattes. Il y avait aussi un cas de déprédation sur un sanglier tué par un prédateur qui avait laissé des traces de morsure de grande taille au niveau du cou. Après enquête, nous avions conclu que ces traces ne pouvaient être attribuées qu’à un léopard. Des témoignages de personnes qui vivent dans les zones que nous avons ciblées avaient également évoqué des rugissements entendus en 2015 et en 2016…

- Est-ce que vous pensez que le léopard existe encore au Maroc aujourd’hui en 2020 ?
- Aujourd’hui encore, la biodiversité marocaine reste mal connue. Le léopard est un animal qui peut parcourir de longues distances et qui sait très bien s’adapter et se camoufler. Cela dit, nous sommes persuadé que l’espèce existe encore dans la région que nous avons prospectée.

- Que faut-il faire pour augmenter les chances de conservation de l’espèce ?
- Il faut bien sûr, avant toute chose, conserver les habitats naturels souvent escarpés et riches en proies diverses où l’espèce peut encore se maintenir. Dans ces régions, cette espèce est malheureusement considérée comme nuisible par les populations. Il faut à cet égard travailler sur un bon programme de sensibilisation afin de réduire les risques que l’animal exterminé.

Recueillis par O. A.







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