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Actu Maroc

Lancement de la 5G : Que sont devenues les théories complotistes ? [INTÉGRAL]


Rédigé par Omar ASSIF Mercredi 10 Décembre 2025

Déployée à grande vitesse au Maroc, la 5G s’impose aujourd’hui comme une réalité technique. Un contraste frappant avec les théories complotistes qui avaient accompagné son émergence.



L’entrée de la 5G dans le paysage numérique marocain s’est faite avec une rapidité inédite. À peine le service lancé par les trois opérateurs, des milliers d’antennes ont été activées et près de soixante villes se sont retrouvées couvertes en quelques jours. Maroc Telecom, Orange Maroc et Inwi ont ouvert simultanément leurs réseaux, chacun dans ses périmètres pilotes, propulsant instantanément le pays dans une nouvelle génération mobile. Pour les usagers qui disposent d’un smartphone compatible, la transition a été tangible : débits nettement supérieurs, temps de réponse plus courts et premières applications exigeantes rendues possibles dans les zones équipées. Ce déploiement express, soutenu par plus de six mille stations de base opérationnelles, tranche avec les années d’attente liées aux arbitrages techniques et réglementaires. Il marque surtout un changement de phase : la 5G n’est plus un objectif annoncé, mais une technologie disponible et mesurable dans de nombreuses agglomérations. Pourtant, avant de s’imposer comme une évidence technique, elle a aussi été le terreau d’un ensemble de théories complotistes aujourd’hui bien datées.
 
Des théories complotistes

Pour illustrer, revenons au printemps 2020, bien avant que la 5G ne devienne une réalité marocaine. Cette nouvelle génération mobile alimentait déjà des théories conspirationnistes d’une ampleur inédite (voir article ci-contre). En Europe, des dizaines d’infrastructures et d’antennes relais avaient ainsi été volontairement incendiées sur fond de rumeurs affirmant que la technologie affaiblissait les défenses immunitaires et contribuait à la propagation du Coronavirus. À l’époque, Younes Haffane, expert marocain en transformation digitale, rappelait que «la 5G a soulevé principalement des inquiétudes par rapport à la santé humaine et à la sécurité des réseaux». Concernant la santé, notait-il, l’OMS avait déjà déclaré que les ondes électromagnétiques utilisées dans la 5G n’étaient pas néfastes pour l’être humain. Mais il alertait aussi sur un autre volet : «La multiplication des objets et capteurs intelligents va augmenter les risques d’attaques malveillantes, imposant aux responsables de sécurité informatique de s’adapter pour mitiger ces risques». Des mises au point qui peinaient alors à endiguer l’emballement complotiste.
 
Les études scientifiques

Depuis 2023, plusieurs travaux scientifiques permettent de mesurer avec précision ce que représente réellement la 5G pour la santé humaine. Les campagnes d’exposition menées dans dix pays européens, publiées en 2025 dans la revue «Environment International», montrent que les niveaux de champ électromagnétique observés en zones urbaines restent très en dessous des seuils internationaux, même dans les quartiers où la 5G est pleinement active. Les études biologiques offrent le même constat : un article paru en 2025 dans Scientific Reports, portant sur l’effet d’un signal 3,5 GHz modulé 5G, n’a relevé aucune modification significative des marqueurs de stress oxydatif. D’autres travaux menés en conditions réalistes n’ont pas identifié d’impact mesurable sur l’excitabilité neuronale. Les agences sanitaires, comme l’UK Health Security Agency ou l’Autorité suédoise de radioprotection, ont mis à jour leurs rapports en 2025 et convergent vers une conclusion commune : aucune donnée nouvelle ne démontre un risque avéré, tout en appelant à poursuivre la veille sur les futures fréquences encore peu étudiées.
 
5G et industries 4.0

L’installation progressive de la 5G dans plusieurs villes marocaines repositionne aujourd’hui le débat sur ses usages plutôt que sur les craintes qui avaient entouré son émergence. Les opérateurs, les entreprises et les collectivités commencent à explorer les applications rendues possibles par la réduction de la latence et l’augmentation des capacités réseau : automatisation industrielle, gestion intelligente des équipements, développement d’outils numériques en temps réel ou encore optimisation de la production dans les secteurs à forte intensité technologique. L’écosystème économique national, engagé depuis plusieurs années dans la modernisation de ses outils, voit dans cette nouvelle génération mobile un levier pour améliorer la compétitivité et soutenir la transition vers l’industrie de la donnée. Comme le résumait alors Younes Haffane, expert en transformation digitale : «La 5G sera importante pour maintenir notre compétitivité sur les secteurs industriels que nous avons investis durant la dernière décennie. Elle fait partie des infrastructures de base pour l’industrie 4.0».
 
Omar ASSIF

 

3 questions à Mouhcine Chami, président de l’AMTIC : « Pour le Maroc, il y a un fort potentiel»

Président de l’Association Marocaine des Technologies de l'Information et de la Communication (AMTIC), Mouhcine Chami répond à nos questions.
Président de l’Association Marocaine des Technologies de l'Information et de la Communication (AMTIC), Mouhcine Chami répond à nos questions.
  • Quels usages réels et opérationnels la 5G rend-elle possibles actuellement à travers le monde ?
     
Voici quelques exemples actuels : les véhicules autonomes bénéficient de la communication instantanée entre voitures et infrastructures. Dans le domaine de la télémédecine, il est désormais possible de réaliser des opérations à distance en temps réel grâce à la faible latence : ceci permet à un médecin d’un pays d’opérer un malade dans un autre sans se déplacer. Dans l’industrie 4.0, les usines intelligentes utilisent des capteurs connectés et des robots autonomes. La 5G permet aussi d’avancer dans les domaines de la réalité augmentée et virtuelle, que ce soit dans le jeu vidéo, la formation ou le tourisme immersif. Pour le streaming 8K et le cloud gaming, la technologie permet de voir des vidéos à la demande avec des qualités encore plus importantes, sans latence ni interruption. Ceci dit, la technologie 5G va peut-être, à mon sens, concurrencer la communication satellite, surtout pour les services TV. Enfin, les drones peuvent être contrôlés à distance pour la surveillance, la livraison ou l’agriculture.
 
  • Quels sont les secteurs qui tireraient le plus grand avantage de la 5G au Maroc ?

Pour le Maroc, il y a un fort potentiel. Plusieurs secteurs marocains pourraient tirer un fort avantage de cette technologie, surtout dans les domaines prioritaires du pays. Dans l’agriculture, elle peut permettre le développement de l’agriculture de précision, grâce aux drones, capteurs, et à l’irrigation intelligente. Dans le secteur de la Santé, elle peut faciliter la télémédecine dans les zones rurales. En éducation, la 5G permettrait de développer des contenus interactifs à distance, comme la réalité virtuelle ou les laboratoires virtuels. L’industrie et la logistique pourraient aussi en bénéficier, en automatisant et en optimisant la production. Enfin, pour les villes intelligentes, la 5G permettrait une meilleure gestion du trafic, de l’énergie et de la sécurité urbaine. Cela dit, le potentiel sera énorme et le travail aussi. Nos industries classiques doivent nécessairement évoluer vers des industries 4.0 qui demandent ce type de technologies.
 
  • Qu’est-ce qui distingue la 5G des générations précédentes comme la 3G ou la 4G ?

La 5G se distingue principalement par trois paramètres majeurs. D’abord, le débit est beaucoup plus élevé : jusqu’à 10 Gbps, soit 10 à 100 fois plus rapide que la 4G. D’ailleurs, un test avec un téléphone connecté à la 4G va nous permettre d’avoir un débit d’une vingtaine de Mbits, suffisant pour des services comme les réseaux sociaux, la vidéo en flux type Netflix ou Forja de la SNRT avec une qualité 4K, ou encore WhatsApp, sachant que la communication téléphonique normale demande encore moins de débit que ça. Ensuite, la latence est très faible : il s’agit du retard que font les données entre l’envoi de la requête et le retour de la réponse. Cette latence en 5G va faire moins de 1 milliseconde, contre 30 à 50 ms en 4G et 100 à 300 ms en 3G. Enfin, la connectivité est massive : la 5G peut connecter simultanément un grand nombre d’appareils (jusqu’à 1 million/km²), ce qui est idéal pour l’Internet des objets (IoT) et aussi très utile pour des événements à grand public, éventuellement des événements comme la Coupe d’Afrique ou la Coupe du Monde que notre pays compte organiser en 2030.
 

Déploiement 5G : Un mois après, un nouveau cap pour le réseau national 5G

Un mois après son lancement commercial simultané par les trois opérateurs, la 5G s’impose déjà comme l’un des chantiers numériques les plus ambitieux du pays. Environ soixante villes sont désormais partiellement couvertes et les premières antennes compatibles se multiplient, amorçant une bascule progressive vers un réseau capable d’absorber les usages à très forte intensité de données. Derrière ce déploiement express se dessine une transformation structurelle : l’extinction programmée des réseaux 2G et 3G à l’horizon 2030, la montée en puissance d’une connectivité pensée pour accueillir jusqu’à un million d’objets connectés au kilomètre carré, et un effort d’investissement massif évalué à plusieurs dizaines de milliards de dirhams. L’arrivée de nouveaux câbles internationaux, elle aussi attendue avant 2030, complète ce mouvement en renforçant la capacité du Maroc à soutenir des services numériques toujours plus exigeants. Ensemble, ces éléments posent les bases d’une décennie où l’infrastructure télécom deviendra un pilier essentiel de la compétitivité nationale.

Désinformation numérique : Des théories 5G virtuelles qui s’imposent puis dérapent dans le réel

Depuis 2020, la 5G s’est imposée comme l’un des terrains privilégiés de la désinformation. D’abord cantonnées à quelques cercles marginaux, les théories se sont rapidement propagées en ligne, accusant cette technologie d’affaiblir le système immunitaire, de provoquer des maladies ou même de «transmettre» le Coronavirus. Relayés par des influenceurs, des chaînes conspirationnistes et des groupes organisés sur Facebook, YouTube ou Telegram, ces récits ont gagné du terrain dans plusieurs pays. Le basculement a eu lieu lorsque ces rumeurs ont quitté l’espace numérique pour provoquer de véritables passages à l’acte. Au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Irlande ou encore en Australie, des dizaines d’antennes ont été incendiées ou vandalisées. Dans plusieurs villes britanniques, des techniciens télécoms ont été pris à partie, insultés ou menacés alors qu’ils intervenaient sur des équipements sans lien avec la 5G. La Nouvelle-Zélande a également recensé une série d’attaques coordonnées contre des pylônes, tandis que certains services occidentaux alertaient sur un risque de radicalisation autour de ces récits. Aux États-Unis, un homme a été condamné pour avoir incendié plus d’une vingtaine de tours, persuadé par des vidéos complotistes que les antennes participaient à un «plan de contrôle global». Partout, les plateformes ont fini par supprimer les contenus les plus viraux, mais tardivement : la mécanique complotiste avait déjà produit des dégâts matériels, des interruptions de service et une suspicion durable envers les opérateurs.

 







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