Brahim El Mazned
- Brahim El Mazned, vous êtes un passionné des musiques du monde. Vous êtes l’auteur de plusieurs anthologies, dont celle consacrée aux Rrways et aux Tarwaysin. Qu’est-ce qui caractérise cet art des Rways ?
- Chez les Amazighes du Sud du Maroc, à la différence d’autres cultures de la région et de celles en vigueur dans les pays arabes, la musique ne se déroule pas dans les salons, mais en plein air, avec une mixité hommes et femmes. Cette mixité est à mettre en relation avec la cohabitation des genres qui prévaut depuis toujours dans l’espace public de ces communautés. La musique des Rrways demeure celle des « gens du voyage » portée par des troubadours issus de divers villages du Sud. Elle occupe incontestablement une place essentielle dans la culture amazighe et plus largement au Maroc. Qu’elle soit poétique, festive, rituelle ou sociale, elle accompagne la vie de tous les jours des chleuhs, de la naissance à la mort, rythmant le calendrier et les grandes étapes de la vie de chacun. Au cours de leurs tournées à travers les villages du Sud du Maroc, ils ont été le trait d’union entre les communautés amazighes qui renouaient avec le sens de la fête, du partage et de la convivialité, tout particulièrement durant l’été, saison des célébrations, des moussems et des fêtes.
- Comment vous êtes-vous intéressé aux Rrways et aux Tarwaysin ?
- J’ai grandi dans un environnement où on écoutait beaucoup la musique des Rrways, à commencer par mon environnement familial. J’ai grandi avec les chansons de Rrayssa Rakia Talbensirt, Rrays Mohamed Albensir mais également Rraysa Fatima Tihihit Mqourn, qu’on écoutait à la radio mais également lors des évènements. Depuis le début du siècle dernier, des centaines de Rrways ont marqué de leur empreinte la tradition de tirruysa. Acteurs, témoins et messagers d’un passé glorieux, ils ont su, par leurs talents et leurs voix captivantes, atténuer les peines de leurs auditeurs face à la dureté de la vie sur les cimes de l’Atlas, à la sécheresse dans les vallées ou à la douleur de l’exil.
- Que pensez-vous des jeunes Rrways, Raïs ?
- Les jeunes Rrways et les Tarwaysin ont donné un nouvel élan à un style qui, dans un contexte de mondialisation, souffre d’un problème de transmission. De fait, la nouvelle génération a grandi tout en bénéficiant d’un enseignement scolaire général que n’a pas connu la génération précédente, traditionnellement formée au contact d’un Rrays. Ces jeunes n’hésitent pas à fusionner avec d’autres tendances et à pousser la fraternisation entre instruments traditionnels et modernes.
- Quid des droits d’auteurs? Avez-vous rencontré des difficultés à ce niveau ?
- Toutes les chansons interprétées dans cette anthologie l’ont été par les artistes ou par les ayants droit comme les morceaux de Lhaj Belaïd chantés par Tarwa N Lhaj Belaïd. Nous avons payé également la redevance au Bureau Marocain du Droit d’Auteur (BMDA) à Rabat. Au départ, nous souhaitions acquérir des productions des années soixantedix et quatre-vingt, mais il s’avère que c’est plus compliqué d’avoir les droits d’utilisation des maisons de production de l’époque, malheureusement. Nous nous sommes concentrés sur l’enregistrement des artistes vivants. Cette Anthologie a pu voir le jour grâce à l’implication et à la mobilisation spontanée de nombreux chercheurs, musicologues, techniciens et artistes dont une cinquantaine d’interprètes venus de plusieurs villes du Maroc, avec la volonté commune de partager leur art et contribuer à sa préservation et sa transmission.
- A quel point le rétablissement des relations entre le Maroc et Israël participera-t-il à l’enrichissement de la culture marocaine, particulièrement amazighe ?
- Cette normalisation entre les deux pays montre la force de la culture et de l’identité marocaine chez les juifs issus de notre pays. Le rétablissement des relations entre les deux pays contribuerait certainement à remettre sous les projecteurs cette riche tradition culturelle marocaine. La communauté juive vivait dans plusieurs villes du Maroc, notamment dans le Sud, à Ifrane, de l’Anti-Atlas jusqu’à Tinghir. Elle parlait la langue amazighe et connaissait les pratiques musicales et poétiques des Ahwachs et des Rrways. Il est actuellement indispensable que la nouvelle génération juive d’origine marocaine à travers le monde renoue les liens avec le Maroc et avec son patrimoine immatériel, notamment musical.
- Chez les Amazighes du Sud du Maroc, à la différence d’autres cultures de la région et de celles en vigueur dans les pays arabes, la musique ne se déroule pas dans les salons, mais en plein air, avec une mixité hommes et femmes. Cette mixité est à mettre en relation avec la cohabitation des genres qui prévaut depuis toujours dans l’espace public de ces communautés. La musique des Rrways demeure celle des « gens du voyage » portée par des troubadours issus de divers villages du Sud. Elle occupe incontestablement une place essentielle dans la culture amazighe et plus largement au Maroc. Qu’elle soit poétique, festive, rituelle ou sociale, elle accompagne la vie de tous les jours des chleuhs, de la naissance à la mort, rythmant le calendrier et les grandes étapes de la vie de chacun. Au cours de leurs tournées à travers les villages du Sud du Maroc, ils ont été le trait d’union entre les communautés amazighes qui renouaient avec le sens de la fête, du partage et de la convivialité, tout particulièrement durant l’été, saison des célébrations, des moussems et des fêtes.
- Comment vous êtes-vous intéressé aux Rrways et aux Tarwaysin ?
- J’ai grandi dans un environnement où on écoutait beaucoup la musique des Rrways, à commencer par mon environnement familial. J’ai grandi avec les chansons de Rrayssa Rakia Talbensirt, Rrays Mohamed Albensir mais également Rraysa Fatima Tihihit Mqourn, qu’on écoutait à la radio mais également lors des évènements. Depuis le début du siècle dernier, des centaines de Rrways ont marqué de leur empreinte la tradition de tirruysa. Acteurs, témoins et messagers d’un passé glorieux, ils ont su, par leurs talents et leurs voix captivantes, atténuer les peines de leurs auditeurs face à la dureté de la vie sur les cimes de l’Atlas, à la sécheresse dans les vallées ou à la douleur de l’exil.
- Que pensez-vous des jeunes Rrways, Raïs ?
- Les jeunes Rrways et les Tarwaysin ont donné un nouvel élan à un style qui, dans un contexte de mondialisation, souffre d’un problème de transmission. De fait, la nouvelle génération a grandi tout en bénéficiant d’un enseignement scolaire général que n’a pas connu la génération précédente, traditionnellement formée au contact d’un Rrays. Ces jeunes n’hésitent pas à fusionner avec d’autres tendances et à pousser la fraternisation entre instruments traditionnels et modernes.
- Quid des droits d’auteurs? Avez-vous rencontré des difficultés à ce niveau ?
- Toutes les chansons interprétées dans cette anthologie l’ont été par les artistes ou par les ayants droit comme les morceaux de Lhaj Belaïd chantés par Tarwa N Lhaj Belaïd. Nous avons payé également la redevance au Bureau Marocain du Droit d’Auteur (BMDA) à Rabat. Au départ, nous souhaitions acquérir des productions des années soixantedix et quatre-vingt, mais il s’avère que c’est plus compliqué d’avoir les droits d’utilisation des maisons de production de l’époque, malheureusement. Nous nous sommes concentrés sur l’enregistrement des artistes vivants. Cette Anthologie a pu voir le jour grâce à l’implication et à la mobilisation spontanée de nombreux chercheurs, musicologues, techniciens et artistes dont une cinquantaine d’interprètes venus de plusieurs villes du Maroc, avec la volonté commune de partager leur art et contribuer à sa préservation et sa transmission.
- A quel point le rétablissement des relations entre le Maroc et Israël participera-t-il à l’enrichissement de la culture marocaine, particulièrement amazighe ?
- Cette normalisation entre les deux pays montre la force de la culture et de l’identité marocaine chez les juifs issus de notre pays. Le rétablissement des relations entre les deux pays contribuerait certainement à remettre sous les projecteurs cette riche tradition culturelle marocaine. La communauté juive vivait dans plusieurs villes du Maroc, notamment dans le Sud, à Ifrane, de l’Anti-Atlas jusqu’à Tinghir. Elle parlait la langue amazighe et connaissait les pratiques musicales et poétiques des Ahwachs et des Rrways. Il est actuellement indispensable que la nouvelle génération juive d’origine marocaine à travers le monde renoue les liens avec le Maroc et avec son patrimoine immatériel, notamment musical.
Recueillis par Safaa KSAANI
Portrait
L’art et la culture à fleur de peau
Brahim El Mazned est dans les coulisses de nombreux prestigieux festivals. Depuis 2004, cet entrepreneur culturel infatigable est le directeur artistique du Festival Timitar des Musiques du Monde. Un festival qui accueille plus de 600 artistes et reçoit environ un demi-million de spectateurs chaque année.
Après plus de vingt ans d’activité dans le secteur culturel, Brahim El Mazned est aujourd’hui une référence incontournable en matière d’organisation de grands événements artistiques et de programmation musicale du Maroc et du monde. Il a d’ailleurs été récemment sélectionné dans le Guide de la Diversité Culturelle « Les Aventuriers de la Culture « parmi les 100 meilleurs leaders du développement culturel durable et fait partie, selon l’hebdomadaire « Tel Quel «, des cent personnes qui font bouger et promouvoir le Maroc. En 2014, le fondateur de l’agence culturelle ANYA lance Visa For Music (VFM), le premier festival et marché professionnel dévolu aux chanteurs et musiciens d’Afrique et du Moyen-Orient.
A l’écoute des productions les plus actuelles, Brahim El Mazned est également sensible à l’importance de préserver et de valoriser le patrimoine musical marocain. Son engagement envers le répertoire traditionnel s’est matérialisé par l’édition de L’Anthologie de l’Aïta (Un coffret composé de 10 Cds et 2 livrets). Premier ouvrage entièrement dédié à cet important répertoire de la musique marocaine, il a reçu le Prix de l’Académie Charles Cros en 2017 et de très bonnes critiques dans la presse. Brahim El Mazned vient aussi de finir L’Anthologie des Rrways, ces chanteurs-troubadours amazighes du Sud du Maroc.
Brahim El Mazned est dans les coulisses de nombreux prestigieux festivals. Depuis 2004, cet entrepreneur culturel infatigable est le directeur artistique du Festival Timitar des Musiques du Monde. Un festival qui accueille plus de 600 artistes et reçoit environ un demi-million de spectateurs chaque année.
Après plus de vingt ans d’activité dans le secteur culturel, Brahim El Mazned est aujourd’hui une référence incontournable en matière d’organisation de grands événements artistiques et de programmation musicale du Maroc et du monde. Il a d’ailleurs été récemment sélectionné dans le Guide de la Diversité Culturelle « Les Aventuriers de la Culture « parmi les 100 meilleurs leaders du développement culturel durable et fait partie, selon l’hebdomadaire « Tel Quel «, des cent personnes qui font bouger et promouvoir le Maroc. En 2014, le fondateur de l’agence culturelle ANYA lance Visa For Music (VFM), le premier festival et marché professionnel dévolu aux chanteurs et musiciens d’Afrique et du Moyen-Orient.
A l’écoute des productions les plus actuelles, Brahim El Mazned est également sensible à l’importance de préserver et de valoriser le patrimoine musical marocain. Son engagement envers le répertoire traditionnel s’est matérialisé par l’édition de L’Anthologie de l’Aïta (Un coffret composé de 10 Cds et 2 livrets). Premier ouvrage entièrement dédié à cet important répertoire de la musique marocaine, il a reçu le Prix de l’Académie Charles Cros en 2017 et de très bonnes critiques dans la presse. Brahim El Mazned vient aussi de finir L’Anthologie des Rrways, ces chanteurs-troubadours amazighes du Sud du Maroc.
S. K.
Repères
100 titres enregistrés par plus de 80 artistes
La musique amazighe a enfin son anthologie, intitulée «Rways, Voyage dans l’univers des poètes chanteurs itinérants amazighes». Cet ouvrage est « le fruit de deux années de minutieux travaux de recherche et de centaines d’heures d’enregistrement, mixage et mastering qui ont été nécessaires pour rassembler dans un ouvrage de qualité les morceaux les plus significatifs des répertoires anciens, mais également des nouveaux ambassadeurs de la musique Rways», nous confie Brahim El Mazned. Ce joyau du patrimoine musical amazigh se présente sous la forme d’un coffret de 10 albums réunissant une sélection de 100 titres enregistrés par plus de 80 artistes, au studio Hiba à Casablanca. Ils sont accompagnés de 3 livrets de 120 pages, en arabe, français et anglais. « La langue amazighe est présente dans les 3 livres en transcription de poèmes et noms d’artistes amazighs écrits en Tifinagh. Deux pages de glossaire, dans les trois langues du livret, contiennent les définitions des mots et expressions amazighes mentionnées dans les textes », nous détaille-t-il.
Un documentaire en plus
En parallèle de l’Anthologie, un court documentaire soustitré en trois langues sur les Rrways a été réalisé et diffusé sur les réseaux sociaux. « Nous prévoyons également la réalisation d’un Beau livre sur l’art des Rrways, qui sortira en 2021. Ensuite, plusieurs Rrways ayant participé à l’Anthologie devraient se produire l’an prochain en concert au festival de Roskilde au Danemark, et au sein de plusieurs institutions en Europe », nous dévoile Brahim El Mazned.