L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

La loi peut mieux faire pour protéger les travailleurs à la tâche


Rédigé par Mina Elkhodari Mardi 15 Novembre 2022



A l’heure actuelle, un bon nombre d’entreprises optent pour le recrutement des employés à tâches pour remplir des missions précises pour une durée déterminée et ce, en raison de l’augmentation du besoin de l’entreprise en matière de ressources humaines, selon des contrats à durée déterminées dont la validité se termine avec la fin de la mission ou de la tâche, objectif du recrutement. C’est bien involontairement qu’un certain nombre de jeunes que nous avons rencontrés sont devenus travailleurs à la tâche ou à la demande.

Au printemps de 2020, quand il a obtenu sa licence en économie et gestion, Ayoub s’est lancé dans le travail à la tâche, à travers ses amis de quartier, avec une société de transport réputée faire la distribution de marchandises aux alentours de Casablanca. « Tout les jeunes de mon quartier voyaient en ce travail l’opportunité pour sortir du chômage auquel ils sont condamnés, faute d’opportunités mais aussi du fait des conditions exigeantes de la part des employeurs », a indiqué Ayoub.

Et d’ajouter : «Ce qui compte pour la plupart de nous c’est d’avoir un revenu pour assurer sa vie… La vie est dure et nous n’avons pas le temps de penser aux conditions de travail, notamment le contrat». Pour cet homme de 25 ans, véritable habitué du travail à la tâche depuis 2 ans, ce nouveau mode d’emploi apporte une solution au chômage qui persiste chez les jeunes diplômés.

« Travail à la tâche, la loi peut mieux faire »

« Un saisonnier peut être recruté pour répondre à des besoins ponctuels mais réguliers, tels que la cueillette, les vendanges ou encore le tourisme hivernal ou estival », nous éclaire Maître Nizar Bouknou, avocat du travail au barreau de Marrakech. Il voit clairement que« certaines entreprises optent pour ce genre de recrutement afin de se soustraire de leurs obligations juridiques envers les employés et ce, surtout dans les cas de licenciement abusif de l’employé ». Et d’ajouter que la nature du contrat conclu, souvent temporaire, s’impose même en cas de recours contre l’employeur devant le tribunal, sous prétexte que ses missions sont temporaires et instables malgré que la réalité prouve l’inverse.

Pis encore, les employés sont souvent obligés de signer des contrats de travail temporaires pour des durées limitées et variées dans le temps, ce qui représente une violation claire du chapitre 501 du Code de travail. Celui-ci stipule que « le contrat liant l’entreprise d’emploi temporaire à tout salarié mis à la disposition de l’utilisateur est un contrat écrit. Ce contrat doit indiquer ce qui suit : les qualifications du salarié, le montant du salaire et les modalités de son paiement, la période d’essai, les caractéristiques du poste que le salarié occupera, le numéro d’adhésion de l’entreprise d’emploi temporaire et le numéro d’immatriculation du salarié à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale… Et quid de l’article n°504 incitant l’entreprise utilisatrice à prendre toutes les mesures de prévention et de protection à même d’assurer la santé et la sécurité des salariés temporaires qu’elle emploie. Faute de quoi, elle est punie d’une amende de 2.000 à 5.000 dirhams, lit-on dans le chapitre qui suit. Ceci explique en partie le choix de ces entreprises de conclure avec l’employé des contrats oraux.

En effet, le tribunal se trouve généralement dans la difficulté de se prononcer, en cas de licenciement abusif ou de différend, car il est difficile de prouver la relation de travail, sa continuité ou le lien légal entre l’employeur et le salarié. Tous ces éléments profitent, selon Nizar Bouknou, aux entreprises au détriment des droits de l’employé. «Il faut arrêter de considérer que les entreprises optent pour ce genre de recrutement pour des raisons fiscales. En fait, il s’agit d’une technique utilisée par les entreprises pour esquiver leurs obligations juridiques et leurs engagements contractés en vertu du contrat oral conclu avec l’employé ».

Afin de mettre fin à ces pratiques frauduleuses, l’inspection du travail est, selon Nizar Bouknou, appelée à jouer son rôle, à travers le contrôle des conditions de travail des employés dans les divers domaines, pour s’assurer que les règles en matière de travail sont respectées, notamment celles relatives au contrat écrit conclu entre les deux parties dans le respect des dispositions du code de travail.



Mina ELKHODARI

Trois questions à Me Nizar Bouknou

La loi peut mieux faire pour protéger les travailleurs à la tâche

« Les travailleurs à la tâche sont de plus en plus conscients des procédures »
 
Maître Nizar Bouknou, avocat du travail au barreau de Marrakech, a répondu à nos questions sur la tendance de l’emploi à la tâche.

-Pour meubler leur temps, de nombreux jeunes au chômage travaillent à la tâche. Assistons-nous à une nouvelle tendance de l’emploi ?


-Ce nouveau modèle d’emploi n’est ni récent ni ancien. Il s’agit d’une technique favorisée par les entreprises pour se soustraire de leurs obligations et non pas, comme avancé, pour couvrir le besoin en ressources humaines résultant de l’augmentation de l’activité de l’entreprise.


-On a l’impression que les travailleurs à la tâche ignorent leurs droits... ?

-D’après nos observations, il y a deux cas de figure. Une catégorie plus sensible à ce genre de questions liées au travail et plus consciente de ses droits en tant qu’employés. Ce qui fait qu’elle avance bien et va jusqu’au bout en engageant une action en justice. Une autre catégorie est moins consciente du cadre juridique régnant la relation employé-employeur.

Ses composants préfèrent ne pas poursuivre en justice leur employeur par peur des procédures judiciaires jugées longues et moins encourageantes. Certains sont découragés en raison de l’absence d’un contrat de travail écrit contenant des informations sur l’employeur et la durée de la mission pour prouver la relation de travail devant le tribunal.


-Constatez-vous une prise de conscience de la part des employés ?

-Nous constatons une amélioration de la situation avec la prise de conscience des employés du rôle ultime de l’inspecteur de travail, l’importance du respect des règles de l’emploi (salaire, contrat…). Les concernés sont de plus en plus conscients des procédures et des actions à engager en cas de violation de leur droit de salarié à la tâche. Nous avons, aujourd’hui, six affaires en cours dans ce sens. Il s’agit de six employés qui ont travaillé des années avec des contrats temporaires pour finir victimes de violation de leurs droits.


Recueillis par M.E.
 








🔴 Top News