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La croissance nationale otage des turbulences géoéconomiques


Rédigé par Saâd JAFRI Mercredi 23 Mars 2022

Avec un ciel trop peu généreux, des prévisions d’inflation alarmantes et des développements géopolitiques liés à la guerre en Ukraine qui noient les cours internationaux dans de fortes incertitudes, l’économie marocaine flirte dangereusement avec le scénario du chaos. BAM prend ses précautions.



Dans un environnement international marqué par des chamboulements géopolitiques liés à la guerre russo-ukrainienne et les défis conjoncturels, dont on citera, et non des moindres, le renchérissement des matières premières, la persistance des perturbations des chaînes mondiales de production et d’approvisionnement et les fortes pressions inflationnistes, les prévisions macroéconomiques du Royaume ne peuvent être qu’entourées d’incertitudes.

En détail, l’inflation poursuit son accélération entamée en 2021, tirée par les pressions d’origine externes liées à la flambée des prix des produits énergétiques et alimentaires et la hausse de l’inflation chez les principaux partenaires économiques du Maroc. Après un taux de 1,4% en 2021, l’inflation devrait ressortir à 4,7% en 2022 avant de revenir à 1,9% en 2023.

«Du jamais vu depuis des années», a alerté le Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, lors de la traditionnelle conférence de presse tenue à l’issue de la première réunion du Conseil de BAM de l’année 2022, ajoutant qu’il est nécessaire de procéder à une actualisation plus fréquente de l’indice des prix à la consommation (IPC) en cette conjoncture.

Tenant compte de ce contexte, et vu le retour prévu de l’inflation à des niveaux modérés en 2023, le Wali de la Banque centrale affirme que le maintien d’une orientation accommodante de la politique monétaire est de mise. L’idée est de continuer à soutenir l’activité économique et à réduire l’impact de l’environnement international sinistré. Contrairement aux attentes de plusieurs analystes et agences financières internationales, qui tablaient sur une hausse du taux directeur pour maîtriser l’inflation, BAM a décidé de le garder à 1,50%.

Il est vrai qu’avec une inflation de 4,7%, logiquement, il faut hausser le taux de la Banque centrale pour maîtriser cette dernière. Toutefois, Jouahri précise qu’«en face de ces prévisions, il y a un retour à moyen terme à un taux en deçà de 2% (NDLR : 2023)». Vu l’évolution de la conjoncture, BAM cherche à travers le maintien du taux directeur à converger les objectifs d’une inflation maîtrisée et le soutien de l’activité économique.

Si, par contre, les estimations pour 2023 faisaient état d’un taux d’inflation élevé, la hausse du taux directeur aurait été justifiée, a expliqué le parton de la Banque, ajoutant que la configuration dans laquelle se trouve aujourd’hui le Maroc est marquée par «un taux de croissance relativement faible», qui devrait se situer à 0,7% en 2022, avant de progresser à 4,6% en 2023.

Rien n’est figé !

Avec un ciel qui s’est montré peu généreux, la campagne agricole devrait enregistrer, selon les prévisions de la Banque centrale, une production céréalière autour de 25 millions de quintaux, et ce, après 103,2 millions de quintaux un an auparavant. La valeur ajoutée agricole devrait ainsi baisser de 19,8%, ramenant la croissance au taux précité après un rebond qui aurait atteint 7,3% en 2021.

En 2023, sous l’hypothèse d’une récolte moyenne de 75 millions de quintaux, la valeur ajoutée agricole augmenterait de 17%, estime BAM. Cela dit, Jouahri a précisé que les estimations agricoles ne tiennent pas compte des pluies qu’a connues le Royaume durant la semaine dernière, qui auraient des effets significatifs sur les cultures printanières.

Si ces dernières sont sauvées, on pourrait voir un taux de croissance situé entre «2% et 2,5%», a assuré le Wali, notant que Bank Al-Maghrib continuera d’assurer un suivi étroit de l’évolution de la conjoncture économique et financière et procédera à une actualisation régulière de ses prévisions et de ses analyses. Pour ce qui est des activités non agricoles, BAM indique qu’elles devraient se consolider graduellement, avec une progression de 3% de leur valeur ajoutée en 2022 et en 2023.

Pas de LF rectificative : Jouahri persiste et signe

Après la flambée des prix des matières premières et des prix à la pompe sur les marchés internationaux, l’éventualité d’une Loi des Finances rectificative était au rendez- vous des débats publics, surtout qu’une partie non-négligeable des hypothèses de la loi de budget actuelle ne sont plus d’actualité. Le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lakjaâ, avait écarté cette hypothèse, lors d’un passage à MFM Radio, rassurant que l’Exécutif est capable de mobiliser les financements requis sans toucher aux dépenses liées à l’investissement public.

Abdellatif Jouahri partage le même avis que le ministre : «Le gouvernement a besoin de mobiliser les moyens pour les injecter dans la Caisse de Compensation, financer les programmes relatifs au soutien des secteurs du tourisme et du transport. Mais côté recettes, il y a deux éléments qui vont jouer un rôle déterminant pour couvrir les besoins». Primo, il y a les recettes (12 MMDH) en provenance des financements innovants, prévues dans la LF 2022 et qui passeront à 20 MMDH. Ensuite, il y a les quelque 4,5 MMDH que le gouvernement dégagera suite aux résultats de l’OCP, dont les filières ont profité de la hausse de la roche et des engrais sur le marché international.

La marge dégagée permettra à l’Etat de financer les plans du soutien annoncé auparavant par l’Exécutif. Pour ce qui est de l’investissement, Jouahri a fait des annonces qui prêtent à l’optimisme, notamment en déclarant que le Fonds Mohammed VI est déjà opérationnel et que son responsable sera nommé incessamment. Sans surprise, la Ligne de précaution de liquidité (LPL) était également à l’ordre du jour des discussions.

Rappelons dans ce sens que, le 7 avril 2020, le Maroc avait procédé à un tirage sur la LPL pour un montant équivalent à près de 3 milliards de dollars (dont le tiers a été remboursé par anticipation en décembre 2020), pour faire face au choc de la crise Covid. «Le Trésor doit examiner la situation du marché et étudier ses options pour engager sa sortie à l’international (…) s’il le juge nécessaire.

Pour le moment, le Trésor peut réfléchir à autre chose pour mobiliser des financements extérieurs, comme le renouvellement de la LPL, car le choc est présent», a noté Jouahri, ajoutant que la guerre en Ukraine et ses conséquences peuvent justifier la négociation d’une LPL. Il s’agirait d’une bouée de sauvetage supplémentaire que le gouvernement pourrait utiliser pour répondre aux besoins de la conjoncture, surtout au cas où le chamboulement économique international s’accentue davantage.



Saâd JAFRI

La croissance nationale otage des turbulences géoéconomiques








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