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Culture

L’art, la mémoire : L’Ecole de Casablanca, le passé en soutien à la modernité des arts plastiques


Rédigé par Badr SELLAK le Mercredi 1 Juin 2022

La MENART Fair, dont la 2ème édition s’est tenue du 19 au 22 mai à Paris, est désormais l’une des plus grandes manifestations artistiques dédiées aux scènes artistiques de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du nord).



Lors de cette édition, la MENART Fair a mis à l’affiche les oeuvres de l’Ecole de Casablanca, un groupe d’artistes marocains aux sensibilités avant-gardistes, formé en 1969. Ce groupe, incluant des artistes tels que Mohamed Melehi et Mohamed Chebaa, a vu ses débuts quand Farid Belkahia devint directeur de l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca en 1962, introduisant de nouveaux éléments au programme d’études, afin d’inculquer une nouvelle vision auprès des jeunes artistes. L’Ecole de Casablanca se présente comme un mouvement artistique moderne, enraciné dans la mémoire culturelle marocaine.

Cette mise à l’affiche est indicative d’un intérêt accru envers les oeuvres de plusieurs artistes marocains qui ont connu leur apogée durant les années 70, comme le montre par ailleurs, Artcurial, maison d’enchères internationale, qui a organisé le 28 mai Un Printemps Marocain, une vente aux enchères qui comprenait l’un des tableaux les plus prisés de Mohamed Melehi. Même un an et demi après sa mort, les oeuvres de Melehi ne cessent d’attiser la curiosité des collectionneurs et de l’art moderne. Son oeuvre est désormais emblématique de l’art moderne marocain.

Si Melehi a vu un intérêt grandissant envers ses oeuvres, il s’agit également d’une redécouverte des oeuvres de plusieurs artistes marocains de la même époque, tels que Chebaa et Farid Belkahia, et une valorisation accrue de leurs oeuvres sur le marché de l’art.

L’Ecole de Casablanca est le mouvement fondateur de l’art moderne marocain. Leur oeuvre éprouvait une démystification de l’art auprès des non-initiés, remplaçant l’idée de l’art comme activité marginale, isolée dans les cercles académiques, couplée à une ré-imagination de la mémoire culturelle marocaine. Cette vision qui concilie entre une représentation d’avant-garde et les traditions d’arts populaires au Maroc, est une quête d’inspiration dans un passé redécouvert, comme l’affirme Farid Belkahia « la tradition est le futur de l’homme ».

La saga de l’Ecole de Casablanca remonte à 1969. Ces artistes ont organisé des expositions-manifestes à la place Djemaa El Fna, intitulées Présence Plastique. Leur manifeste, publié par la revue Souffles, présente l’objectif de cette manifestation destinée aux non-initiés, dans le but «d’éveiller leur curiosité, leur esprit critique, le stimuler pour qu’ils intègrent de nouvelles expressions plastiques au rythme de leur vie, dans leurs espaces quotidiens ». L’exposition, déroulée au regard des passants à la place Djemaa El Fna, entourée des conteurs, musiciens Gnawas et des charmeurs de serpents, constitue, rétrospectivement, la genèse du mouvement d’art moderniste au Maroc.

Le groupe de Casablanca constitue l’avènement de l’une des premières générations d’artistes marocains à avoir expérimenté avec des approches inédites une réinvention de la culture nationale d’après l’indépendance.

L’oeuvre des artistes tels que Melehi et Gharbaoui prônait une liberté de création implacable, éprouvée par le style abstrait que plusieurs artistes marocains, même aujourd’hui, favorisent. Un style qui s’est transformé sous les pinceaux des artistes, créant de nouveaux motifs, inspiré d’une fusion éclectique allant de l’iconographie des tapis berbères et l’esthétique Sufi, à la calligraphie ou encore l’abstraction géométrique du mouvement Hard Edge.

De nos jours, les motifs explorés par ces artistes pionniers servent toujours de thématique récurrente dans l’oeuvre des jeunes artistes contemporains dont la cote est favorable auprès des grandes galeries et maisons d’enchères. Les portraits pittoresques de Hassan Hajjaj éprouvent une sensibilité pour les couleurs vives et éclatantes de Melehi, en une reformulation des symboles de la mémoire culturelle marocaine. Younes Rahmoun, quant à lui, évoque dans son oeuvre l’esthétique des bonnets de laines chamarrés, la lumière tamisée des maisons d’adobe et l’ambiance de villages isolés du Rif. L’oeuvre de cette génération émergente se distingue par une transformation de l’espace classique de l’oeuvre artistique, et l’adoption de nouvelles techniques au niveau des supports (toile, installation, projection …etc). Cette novation technique se manifeste aussi dans une tendance à revoir les traditions artistiques et à reformuler le langage visuel à travers la mémoire.

Cette rénovation culturelle sert à rétablir une sorte de connectivité entre les artistes de chaque génération, une accumulation intergénérationnelle de l’art et de la culture, qui est désormais un aspect très convoité dans la production artistique contemporaine, permettant une croissance des secteurs artistiques et créatifs.



Badr SELLAK