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Justice : Entre progrès, défis sociaux et lutte contre la criminalité


Rédigé par L'Opinion Mardi 11 Novembre 2025

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a rendu public son rapport annuel au titre de l’année 2024, offrant une radiographie complète du fonctionnement du système judiciaire marocain. De la baisse notable des mariages de mineurs à la montée des affaires d’authentification d’actes matrimoniaux, en passant par les efforts accrus contre les crimes financiers et la traite des êtres humains.



Le CSPJ relève une baisse de 17,02% des demandes d’autorisation de mariage de mineurs par rapport à 2023, traduisant l’impact progressif du cadre légal instauré par les articles 20 et 21 du Code de la Famille, qui soumet ces unions à une autorisation judiciaire exceptionnelle. En 2024, 16.730 demandes ont été déposées au nom de filles, soit 98,5% du total, contre 255 pour les garçons. Parmi ces demandes, 10.570 ont été acceptées, représentant 63,18% du total.

Les statistiques révèlent des disparités régionales marquées : Errachidia affiche le taux d’acceptation le plus élevé (81%), tandis que Settat enregistre le plus bas (20,1%). Plus de 55% des demandes sont concentrées dans cinq villes : Marrakech, Fès, Kénitra, El Jadida et Béni Mellal.

Le phénomène demeure largement rural, avec 13.091 demandes en milieu rural (78,13%), contre 3.664 en milieu urbain (21,87%). Les taux d’acceptation atteignent 87,5% en ville et 79,6% à la campagne.

Le Conseil souligne que les réponses purement juridiques restent insuffisantes face à une problématique enracinée dans la pauvreté, l’analphabétisme et le décrochage scolaire. Il appelle à des politiques publiques coordonnées pour renforcer la scolarisation des filles, combattre les mariages précoces et changer les mentalités traditionnelles encore ancrées dans certaines zones.
 
Hausse des authentifications de mariages et stabilité des divorces
 
Le rapport du CSPJ signale une augmentation de 17,44% des affaires d’authentification d’actes de mariage par rapport à 2023. Cette évolution traduit une régularisation accrue des unions non enregistrées, souvent causées par l’éloignement administratif ou la méconnaissance de la loi. Les juridictions de Béni Mellal arrivent en tête pour le nombre d’affaires enregistrées.

Cette hausse met toutefois en lumière la persistance de mariages non authentifiés, posant un défi à la protection juridique des épouses et des enfants. Le Conseil recommande la multiplication des campagnes de sensibilisation pour encourager la formalisation des unions et garantir les droits des familles.

Concernant les dissolutions de mariage, le divorce par consentement mutuel domine désormais la scène judiciaire, représentant plus de 96% de l’ensemble des affaires enregistrées en 2024.

Ce chiffre est perçu par le CSPJ comme une évolution sociétale positive, révélatrice d’une maturité croissante et d’une préférence pour les solutions consensuelles, limitant les répercussions psychologiques sur les enfants.

À l’inverse, dans la catégorie des divorces judiciaires, le Tatliq Chiqaq (divorce pour discorde) s’impose comme la voie quasi exclusive, totalisant 97% des cas. Les autres motifs de dissolution - absence, préjudice ou défaut d’entretien - demeurent marginaux, en raison de procédures plus complexes. Globalement, le nombre d’affaires de divorce judiciaire reste trois fois supérieur à celui des divorces classiques, ce que le rapport attribue à la simplicité de la procédure par discorde.

Crimes financiers : 416 décisions et des délais de traitement réduits

Le CSPJ relève une amélioration significative des performances des sections spécialisées dans les crimes financiers, qui ont rendu 416 décisions judiciaires en 2024. La Cour d’appel de Fès arrive en tête avec 144 décisions, pour un délai moyen de 90 jours, suivie de Marrakech (141 décisions, 356 jours), Rabat (78 décisions, 228 jours) et Casablanca (53 décisions, 323 jours).

Le rapport note une réduction importante des délais de traitement, notamment à Marrakech, où ils ont baissé de 67% entre 2023 et 2024. Cette amélioration est attribuée à une meilleure coordination entre les responsables judiciaires et les structures centrales, qui a permis d’accélérer la prise de décision et de renforcer la reddition des comptes.

Les Chambres spécialisées dans les affaires de blanchiment d’argent ont rendu 312 décisions en 2024, dont 228 en première instance et 84 en appel. La Cour d’appel de Marrakech domine avec 117 décisions, pour un délai moyen de 117 jours, suivie de Rabat (81 décisions, 350 jours), Fès (79 décisions, 62 jours) et Casablanca (35 décisions, 121 jours).

En matière de crimes terroristes, la section de Rabat, seule compétente au niveau national, a rendu 177 décisions, dont 85 en Première instance et 92 en Appel. Le taux de traitement dans les délais de référence atteint 99%, soit 175 affaires sur 177, un niveau inédit d’efficacité. Le Conseil salue cette performance comme un gage de réactivité et de fermeté du système judiciaire face à des crimes menaçant la sécurité nationale.
 
Traite des êtres humains : une vigilance renforcée
 
Les tribunaux marocains ont rendu 160 décisions relatives à la traite des êtres humains en 2024, dont 84 en première instance et 76 en appel. La Cour d’appel de Rabat se place en tête avec 26 décisions, suivie de Tanger (21) et Marrakech (20). Dans 52% des affaires, les accusés ont été condamnés, contre 34% d’acquittements et 14% de requalifications vers d’autres infractions telles que le proxénétisme ou le viol sur mineur.

Le nombre total de personnes condamnées s’élève à 120, dont 76 hommes et 44 femmes. Les Marocains représentent 94% des condamnés, les autres étant de nationalités diverses, confirmant le caractère transnational de ce crime. Les 269 victimes recensées bénéficient d’une prise en charge légale selon la loi 14-27, garantissant protection, assistance et réinsertion sociale.

Le rapport 2024 du CSPJ dresse ainsi le portrait d’une justice plus efficace, plus spécialisée et plus réactive, tout en soulignant les limites persistantes d’un système encore confronté à des réalités sociales complexes. Entre réduction des mariages précoces, accélération des procédures financières et maturation du traitement des divorces, la justice marocaine poursuit sa modernisation. Mais le Conseil rappelle que l’efficacité judiciaire ne peut être durable sans un ancrage social fort, fondé sur l’éducation, la prévention et la lutte contre les inégalités.







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