Vers une gestion participative
« La publication des décrets d’application de la loi 22-07 sur les aires protégées va permettre d’activer les nouvelles dispositions prévues par ce texte, notamment en ce qui concerne la participation et la concertation avec les acteurs locaux dans la prise de décision et dans les processus de conservation de ces espaces. Cette loi va également apporter la force réglementaire des plans d’aménagement et de gestion des aires protégées qui (entre autres) détaillent les divers zonages, interdictions et usages possibles, et qui entreront en vigueur par décret après un processus de concertation avec les acteurs locaux », explique Zouhair Amhaouch, chef de la division des parcs et réserves au Département des Eaux et Forêts. La loi 22-07 permettra en outre d’élargir le réseau des aires protégées du Royaume à travers la création de nouveaux sites. « Ces dernières années, il n’était pas possible de créer de nouvelles aires protégées, car l’ancienne loi de 1934 avait été abrogée alors que la nouvelle loi n’était pas encore active. Là, on a un outil pour renforcer le réseau des aires protégées et bien sûr pour répondre aux engagements internationaux du Maroc », souligne Zouhair Amhaouch.
Le rôle de l’écotourisme
Alors que plusieurs représentations de la société civile environnementale s’inquiètent de voir se construire des hôtels dans des zones vulnérables des aires protégées, se pose la question de l’arbitrage entre valorisation économique et conservation des zones naturelles fragiles. « Le mouvement des ONG est important, car il permet d’avoir une veille locale au niveau des aires protégées. Mais il n’est pas dit dans la loi qu’il est interdit de faire des projets touristiques dans ces zones. Au contraire, un des objectifs et missions des parcs nationaux est de valoriser le patrimoine naturel et culturel par l’écotourisme au bénéfice des populations locales, ce qui leur permet de bénéficier de ces espaces sans avoir systématiquement besoin d’en exploiter les ressources naturelles.
C’est pour cette raison que le développement d’infrastructures dédiées au tourisme durable au sein des aires protégées et des sites RAMSAR est une réalité au niveau international », nuance notre interlocuteur qui, par ailleurs, évoque plusieurs mécanismes, normes et précautions relatives au zonage et à la fragilité des sites qui sont mis en oeuvre pour garantir le bon équilibre entre préservation de la biodiversité et développement de l’écotourisme.
Le chantier des plans de gestion
« En plus de la loi sur les études d’impact qui implique des mesures quantifiables et tangibles, les plans d’aménagement pourront également encadrer les projets de valorisation écotouristique en garantissant le respect de l’intégrité des sites », poursuit le chef de la division des parcs et réserves. « Actuellement, les plans d’aménagement et de gestion des aires protégées ont déjà été préparés sur le plan technique. L’enjeu actuel est de réussir le processus de concertation avec les acteurs locaux pour ensuite institutionnaliser ces plans par décret. Pour mener à bien cette mission, nous sommes en cours de développer un outil de « chartes des parcs nationaux » que les acteurs locaux pourront consulter et valider », confie la même source. « Les différentes aires protégées du Royaume ne sont pas au même niveau de concertation ou d’acceptabilité socioéconomique des acteurs. C’est pour cela que nous commencerons par ceux qui sont déjà en stade avancé. Le processus global aboutira certainement dans quelques mois », conclut Zouhair Amhaouch.
Repères
Pour célébrer la biodiversité, l’Association One Health Maroc et l’Association Ibn Al Baytar organisent, le samedi 29 mai, une matinée de communication à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de l’Université Ibn Zohr à Agadir. Au cours de cette cérémonie, sera également inauguré le premier Jardin One Health de Plantes Aromatiques et Médicinales au Maroc, développé par les deux Associations en partenariat avec la Fondation Argan Care, l’Odyssey Conservation Trust, la coopérative Aguerd et le village d’Aglagal.
Territoires du patrimoine communautaire
Du 31 mai au 04 juin, aura lieu une série de webinaires sur les Aires et territoires du Patrimoine communautaire (APAC). Intitulé « Carrefour des APAC», cet événement (tenu en marge des célébrations de la Journée internationale pour la Biodiversité) est organisé par plusieurs associations environnementales marocaines (MBLA, CAM, AOFEP, AESVT, M&D, AGIRE) en collaboration avec le programme de microfinancements du Fonds pour l’Environnement Mondiale et du PNUD dans le cadre de la Global Support Initiatives/projet opérationnalisation du CAM.
3 questions à Mostapha Madbouhi
« Les entreprises doivent intégrer la problématique de la biodiversité dans leurs stratégies »
Point focal au Maroc de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD), et chef de service chargé de la biodiversité du Département de l’Environnement, Mostapha Madbouhi a répondu à nos questions.
- La Journée internationale de la biodiversité insiste cette année sur la responsabilité collective. Comment interpréter cet appel ?
- La Journée internationale 2021 a choisi pour cette année le thème : « Nous faisons partie de la solution ». Cet appel tente de responsabiliser l’ensemble des êtres humains en évoquant le rôle qu’ils jouent en tant que consommateurs. Si la demande mondiale en denrées multiples et diverses a participé à accentuer l’érosion de la biodiversité, elle n’en demeure pas moins un levier formidable pour inverser la tendance pour peu que les consommateurs soient conscients de leur responsabilité et qu’ils optent dans leur choix de consommation pour des produits durables. D’un autre côté, l’innovation technologique et la digitalisation sont également des outils qui peuvent servir la cause de la biodiversité. C’est une autre partie de la solution dont les acteurs doivent s’impliquer et être conscients de leur rôle dans ce chantier. Il y a également les entreprises qui doivent aussi s’impliquer pour que nous puissions tous amorcer un changement transformateur à même de renverser la tendance d’érosion de la biodiversité.
- Comment se décline cet appel à l’engagement au niveau national ?
- Cet appel est applicable à tous les territoires et à notre pays également. Dans le webinaire organisé par notre département à cette occasion, nous avons par exemple invité des acteurs de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) au Maroc, car ils ont un rôle important à jouer. Les entreprises marocaines doivent intégrer la problématique de la biodiversité dans leurs stratégies. Pour les cas des entreprises qui produisent des denrées issues des écosystèmes naturels, il faudrait garantir des processus de production qui soient durables puis les certifier avec des labels identifiables afin de donner la possibilité aux consommateurs de les privilégier et jouer ainsi leur rôle également.
- Comment institutionnaliser cette dynamique de transition et de certification ?
- Au Maroc, le socle qui encadre cette transition, c’est la stratégie nationale de développement durable (SNDD). Cette feuille de route évolutive ne tardera pas à intégrer ces nouvelles notions de sorte à ce qu’elles soient institutionnalisées et puissent concerner l’ensemble des acteurs.