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Journée de la migration : Maroc, de pays de transit à terre d’accueil


Rédigé par Hiba CHAKER Lundi 20 Décembre 2021

A l’ancienne médina de Tanger, ville fascinante et historiquement multiculturelle, « L’Opinion » est allé recueillir des témoignages de migrants de différents backgrounds sur leur expérience dans cette ville aux portes de l’Europe.



LP/Olivier CORSAN
LP/Olivier CORSAN
Jadis pays de migration, le Maroc, grâce à sa position géographique et sa politique migratoire, devient de plus en plus un carrefour migratoire. Alors que le dernier recensement général de la population et de l’habitat qui remonte à 2014 compte près de 86.000 migrants installés au Maroc, des chercheurs et sociologues estiment que ce chiffre dépasse 200.000 aujourd’hui. Cette évolution est principalement due aux initiatives de Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui a mis en place, en 2013, la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA), une stratégie qui se veut humaniste.

Ainsi, deux campagnes de régularisation ont été organisées (2014 et 2018) d’un total de 50.000 ressortissants subsahariens. Cette stratégie s’est en outre renforcée lorsqu’en janvier 2020 l’Union Africaine avait accordé, pour la première fois de son Histoire, au Roi Mohammed VI le titre de leader africain sur les questions de la migration, puis a inauguré l’Observatoire Africain des Migrations à Rabat. Toutefois, malgré ces avancées, les migrants installés au Maroc, en situation régulière ou irrégulière, souffrent encore d’inégalités, de racisme et de xénophobie parfois. Témoignages.

Le Maroc, pays d’accueil

Venu du Sénégal pour faire ses études à l’ENCG Tanger en 1998, Ndiaye Mar Bassine, actuellement journaliste et rédacteur en chef, n’a plus quitté le Maroc. « Je me considère toujours migrant, vu que je ne dispose pas de la nationalité marocaine malgré les longues années que j’ai passées ici. Toutefois, je ne me considère pas comme un étranger. Je suis totalement intégré que ce soit sur le plan professionnel, dans mon quartier, etc… Je n’ai aucun problème et je ne peux pas faire plus en termes d’intégration ».

Pour le journaliste, c’est « l ’aspect accueillant de la société marocaine et l’aspect volontariste de l’Etat (qui) font que le Maroc est devenu un pays d’accueil avec une politique unique dans la région », vision partagée par B., migrant en situation irrégulière, qui nous déclare avoir vécu « un long voyage douloureux où j’ai passé trois ans en Libye et un an et demi en Algérie avant de réussir à arriver au Maroc. Les conditions d’accueil dans ces deux pays sont horribles. Violences, racismes, xénophobie… J’ai vu et survécu à des drames », « Le Maroc est un champion en accueil des migrants ! », ajouta-t-il avec un sourire qui cache beaucoup de douleur.

Tous les chemins mènent à Tanger

Si une majorité de migrants fuient la pauvreté et l’instabilité politique pour venir au Maroc, c’est l’amour qui a guidé Ana Frankyde de la Colombie à Tanger. « J’avais 20 ans quand j’ai rencontré mon mari, d’origine marocaine, et avait décidé de venir s’installer avec lui ici », raconte la soixantenaire qui a passé plus de la moitié de sa vie au Maroc.

Si Ana se considère aujourd’hui comme Marocaine et salue l’accueil et la bienveillance des Marocains, elle annonce toutefois qu’il y a « Beaucoup de préjudices et de fausses représentations sur les migrants qui persistent ». Des préjugés qui trouvent leurs racines dans l’ignorance et le manque de communication, selon M., un migrant en situation irrégulière à Tanger depuis quelques années.

« Les Marocains sont très accueillants et ils le deviennent encore plus quand on parle et on échange. C’est le manque de communication et la peur de ce qu’on ne connaît pas qui poussent parfois quelques Marocains à tenir des positions défensives et racistes envers les migrants ». C’est ce que nous confirme B., un autre migrant en situation irrégulière : « Personnellement, je reçois des dons très généreux de la part des tangérois ici. En tant que migrants arrivés ici après de longs périples, vivants dans l’incertitude, parfois nous sommes à bout d’efforts. On ne sait plus quoi faire et c’est les Marocains à travers les associations et les initiatives personnelles qui nous viennent en aide ». Le jeune migrant qui espère être régularisé ajoute qu’ « il ne faut pas se concentrer sur ceux qui nous traitent différemment, parce que le racisme a toujours existé et continuera à exister ».

Femme et migrante, la double vulnérabilité

L’immigration féminine a également connu une croissance considérable. « Etre à la fois femme et migrante rend la vie plus compliquée », nous annonce amèrement M., une migrante camerounaise installée à Tanger depuis quelques années. Si au début la jeune femme est venue au Maroc pour visiter sa cousine, aujourd’hui ça fait plus de 5 ans qu’elle a décidé de rester ici définitivement. « J’ai maintenant deux enfants, qui font leurs études à l’école marocaine. On est bien ici et on ne pense pas ni à revenir à notre pays ni à aller en Europe », nous déclare la jeune maman.

« Moi, j’ai fait l’effort de m’intégrer et j’ai réussi à le faire, j’ai appris de nouvelles choses et je voulais aussi aider les autres migrantes pour s’intégrer », ainsi, M. travaillait comme agent communautaire au sein de la Fondation Orient-Occident.

« Dans le cadre de mon travail, je devais assister des migrantes qui étaient en situation irrégulière. J’accompagnais des femmes enceintes aux hôpitaux, aux administrations…. Une majorité de ces femmes étaient victimes de racisme, de maltraitance, de violences physiques et psychiques. Elles ont été humiliées… et ne réussissent pas à trouver de la protection ».

Les problèmes persistent

Malgré cette avancée dans la politique d’accueil des migrants, deux types de problèmes persistent à travers différents témoignages, parfois glaçants. Les premiers qui sont liés aux relations à l’échelle individuelle entre migrants et marocains et ceux liés aux autorités. Cette journée mondiale de la migration est alors l’occasion de plaider pour une mobilisation de la société civile et des autorités pour promouvoir les valeurs de respect, d’acceptation de l’autre et de reconnaissance envers autrui afin de garantir un vivre ensemble dans un esprit de paix et d’harmonie.


Hiba CHAKER

 

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