Dévoilé par la Commission européenne le 23 septembre 2020, le projet de nouveau pacte européen sur la migration et l’asile a pris la forme d’un « paquet » de quelques 500 pages : une communication prolongée de trois recommandations, différents textes contenant des lignes directrices et surtout cinq propositions de directives et de règlements (adressés aux autres institutions de l’UE) qui ont déjà fait pour certains ou vont faire pour d’autres, l’objet d’une procédure législative ordinaire dans le cadre de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil européen.
Ce projet ne se limite pas à l’UE, mais couvre aussi la rive sud de la Méditerranée dans son ensemble, y compris l’Afrique subsaharienne. Il interpelle également le Maroc pour quatre raisons principales :
- L’application du nouveau pacte, dans le cadre du partenariat renouvelé avec le voisinage méridional et du nouveau programme pour la Méditerranée, se fera avec un plan d’action particulier ou spécial pour chaque pays tiers partenaire, dont le Maroc.
- Leadership du Royaume dans le domaine de la gouvernance migratoire, dans le cadre de l’Union Africaine en liaison notamment avec l’Agenda Africain sur la Migration qui constitue un des apports majeurs du Maroc à l’UA.
- Relations migratoires euro-marocains étroites, avec d’une part une très forte présence en Europe de la communauté marocaine résidant à l’étranger (essentiellement en France, en Espagne, en Italie, en Belgique, aux pays-Bas, en Allemagne, en Angleterre et les pays scandinaves) et d’autre part le statut (du Maroc en tant que pays du voisinage (pays d’émigration, de transit et d’immigration) directement concerné par les politiques migratoires de l’UE et leurs dispositifs de régulation des migrations euro-méditerranéens.
- La quatrième raison renvoie à certaines convergences entre la volonté affichée de l’UE de drainer les compétences du Maroc (le transformant en réservoir de talents), et l’option d’encourager les départs par certains responsables institutionnels (CCME, ANAPEC) et des études menées par des chercheurs marocains en migration sur financement de l’UE (groupe « NAMAN » en partenariat notamment avec le HCP, le CCME et initialement, la direction des Etudes et de la Coopération à l’ex-ministère délégué chargé des MRE).
Le projet de pacte est encore en discussion politique pour ce qui est des aspects relatifs à l’asile, compte tenu des divergences entre européens sur l’alternative au « règlement de Dublin » et les réticences formulées par le groupe du Visegrade (Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchéque). Pour les aspects règlementaires et institutionnels, le travail est en cours, mais globalement, il apparait que si sur la question de la répartition des réfugies entre Etats membres de profonds désaccords existent, un consensus est fait par contre s’agissant des relations avec les Etats tiers dans un esprit sécuritaire renforcé et la nécessité pour l’UE de drainer la matière grise des pays du Sud.
Au niveau de la démarche politique, le projet de pacte vise l’instauration du partenariat migratoire sur mesure avec les pays-tiers par une série « d’apports » politiques et économiques qui sont à opérationnaliser dans le cadre du volet politique extérieure de l’UE ou dimension externe. Ceci en s’appuyant sur l’ensemble des politiques, outils, instruments et leviers dont l’UE dispose, allant de la politique de délivrance des visas Schengen (qui peuvent être au compte goutte) à la coopération au développement, en passant par les investissements, le commerce, l’emploi, la mise à niveau institutionnelle, les bourses Erasmus...
L’objectif est de les utiliser comme moyens de pression et de chantage pour obtenir des résultats mesurables pour ce qui est d’endiguer la migration clandestine et pour le retour forcé des migrants en situation administrative irrégulière, avec notamment la signature d’accords communautaires de réadmission, visant également les étrangers en situation administrative irrégulière, qui auraient transité par ces pays de passage. Le projet de nouveau Pacte insiste sur le fait que la coopération des pays-tiers est un élément crucial pour sa mise en œuvre et tous les éléments et composantes de cette politique, ne doivent pas être traités par les Etats membres seuls, mais par l’UE dans son ensemble.
Voilà pourquoi, il serait hautement souhaitable que le Maroc prenne certaines initiatives.
Quelques propositions d’action pour le Maroc
- Initiative marocaine souhaitable dans le cadre de l’Union Africaine en prévision du prochain Sommet UA-UE (Bruxelles, 17 et 18 février 2022) et de la présidence française de l’UE durant 6 mois à partir du 1er janvier 2022, qui compte finaliser le Pacte durant cette période.
- S’inspirer de l’Agenda Africain sur la Migration pour faire infléchir le projet de pacte européen sur la migration et l’asile, par le biais d’un dialogue migratoire égalitaire euro-africain.
- Mener par l’Observatoire Africain des Migrations domicilié à Rabat, une réflexion et une concertation dans un esprit afro-africain.
- Autres priorités marocaines :
- Etablir une stratégie nationale globale cohérente et intégrée en matière de MRE.
- Maintenir et approfondir la Stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA) et restaurer politiquement et institutionnellement la visibilité au secteur des « affaires de la Migration ».
- Mettre à niveau le cadre juridique dans le domaine migratoire et de l’asile (loi 02-03, loi sur l’asile…).
- Mettre en place un Observatoire national des migrations efficient, relatif aux divers volets de la migration internationale pour le Maroc (immigration étrangère et asile au Maric, émigration du Maroc vers l’étranger et communauté marocaine à l’étranger), un observatoire qui soit ouvert, sans exclusive à toutes les parties concernées (chercheurs, syndicats, ONG de la société civile).
- Elaborer et suivre un programme national de la recherche en matière de migration, fournissant des réponses articulées aux défis et enjeux migratoires propres au Maroc et non pensées par rapport à l’agenda de ses partenaires techniques et financiers étrangers, un programme financé par conséquent de manière interne pour se soustraire aux influences extérieures, principalement celle de l’UE.
- Recarder le discours officiel d’un certain nombre de responsables institutionnels qui encouragent par leurs analyses et rhétorique, le pompage par l’UE des talents et des compétences marocaines au déterminent du développement multidimensionnel du pays, dans le cadre du Nouveau Modèle de développement.
Ce projet ne se limite pas à l’UE, mais couvre aussi la rive sud de la Méditerranée dans son ensemble, y compris l’Afrique subsaharienne. Il interpelle également le Maroc pour quatre raisons principales :
- L’application du nouveau pacte, dans le cadre du partenariat renouvelé avec le voisinage méridional et du nouveau programme pour la Méditerranée, se fera avec un plan d’action particulier ou spécial pour chaque pays tiers partenaire, dont le Maroc.
- Leadership du Royaume dans le domaine de la gouvernance migratoire, dans le cadre de l’Union Africaine en liaison notamment avec l’Agenda Africain sur la Migration qui constitue un des apports majeurs du Maroc à l’UA.
- Relations migratoires euro-marocains étroites, avec d’une part une très forte présence en Europe de la communauté marocaine résidant à l’étranger (essentiellement en France, en Espagne, en Italie, en Belgique, aux pays-Bas, en Allemagne, en Angleterre et les pays scandinaves) et d’autre part le statut (du Maroc en tant que pays du voisinage (pays d’émigration, de transit et d’immigration) directement concerné par les politiques migratoires de l’UE et leurs dispositifs de régulation des migrations euro-méditerranéens.
- La quatrième raison renvoie à certaines convergences entre la volonté affichée de l’UE de drainer les compétences du Maroc (le transformant en réservoir de talents), et l’option d’encourager les départs par certains responsables institutionnels (CCME, ANAPEC) et des études menées par des chercheurs marocains en migration sur financement de l’UE (groupe « NAMAN » en partenariat notamment avec le HCP, le CCME et initialement, la direction des Etudes et de la Coopération à l’ex-ministère délégué chargé des MRE).
Le projet de pacte est encore en discussion politique pour ce qui est des aspects relatifs à l’asile, compte tenu des divergences entre européens sur l’alternative au « règlement de Dublin » et les réticences formulées par le groupe du Visegrade (Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchéque). Pour les aspects règlementaires et institutionnels, le travail est en cours, mais globalement, il apparait que si sur la question de la répartition des réfugies entre Etats membres de profonds désaccords existent, un consensus est fait par contre s’agissant des relations avec les Etats tiers dans un esprit sécuritaire renforcé et la nécessité pour l’UE de drainer la matière grise des pays du Sud.
Au niveau de la démarche politique, le projet de pacte vise l’instauration du partenariat migratoire sur mesure avec les pays-tiers par une série « d’apports » politiques et économiques qui sont à opérationnaliser dans le cadre du volet politique extérieure de l’UE ou dimension externe. Ceci en s’appuyant sur l’ensemble des politiques, outils, instruments et leviers dont l’UE dispose, allant de la politique de délivrance des visas Schengen (qui peuvent être au compte goutte) à la coopération au développement, en passant par les investissements, le commerce, l’emploi, la mise à niveau institutionnelle, les bourses Erasmus...
L’objectif est de les utiliser comme moyens de pression et de chantage pour obtenir des résultats mesurables pour ce qui est d’endiguer la migration clandestine et pour le retour forcé des migrants en situation administrative irrégulière, avec notamment la signature d’accords communautaires de réadmission, visant également les étrangers en situation administrative irrégulière, qui auraient transité par ces pays de passage. Le projet de nouveau Pacte insiste sur le fait que la coopération des pays-tiers est un élément crucial pour sa mise en œuvre et tous les éléments et composantes de cette politique, ne doivent pas être traités par les Etats membres seuls, mais par l’UE dans son ensemble.
Voilà pourquoi, il serait hautement souhaitable que le Maroc prenne certaines initiatives.
Quelques propositions d’action pour le Maroc
- Initiative marocaine souhaitable dans le cadre de l’Union Africaine en prévision du prochain Sommet UA-UE (Bruxelles, 17 et 18 février 2022) et de la présidence française de l’UE durant 6 mois à partir du 1er janvier 2022, qui compte finaliser le Pacte durant cette période.
- S’inspirer de l’Agenda Africain sur la Migration pour faire infléchir le projet de pacte européen sur la migration et l’asile, par le biais d’un dialogue migratoire égalitaire euro-africain.
- Mener par l’Observatoire Africain des Migrations domicilié à Rabat, une réflexion et une concertation dans un esprit afro-africain.
- Autres priorités marocaines :
- Etablir une stratégie nationale globale cohérente et intégrée en matière de MRE.
- Maintenir et approfondir la Stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA) et restaurer politiquement et institutionnellement la visibilité au secteur des « affaires de la Migration ».
- Mettre à niveau le cadre juridique dans le domaine migratoire et de l’asile (loi 02-03, loi sur l’asile…).
- Mettre en place un Observatoire national des migrations efficient, relatif aux divers volets de la migration internationale pour le Maroc (immigration étrangère et asile au Maric, émigration du Maroc vers l’étranger et communauté marocaine à l’étranger), un observatoire qui soit ouvert, sans exclusive à toutes les parties concernées (chercheurs, syndicats, ONG de la société civile).
- Elaborer et suivre un programme national de la recherche en matière de migration, fournissant des réponses articulées aux défis et enjeux migratoires propres au Maroc et non pensées par rapport à l’agenda de ses partenaires techniques et financiers étrangers, un programme financé par conséquent de manière interne pour se soustraire aux influences extérieures, principalement celle de l’UE.
- Recarder le discours officiel d’un certain nombre de responsables institutionnels qui encouragent par leurs analyses et rhétorique, le pompage par l’UE des talents et des compétences marocaines au déterminent du développement multidimensionnel du pays, dans le cadre du Nouveau Modèle de développement.
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration