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Interview avec le Consul du Maroc à Strasbourg : Décryptage des difficultés qui compromettent le travail consulaire


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mercredi 28 Décembre 2022

En réaction au dernier rapport du CESE, le Consul du Maroc à Strasbourg nous livre sa vision sur l’amélioration du rendement des services consulaires tout en partageant sa méthode de travail. Entretien.



-Le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a fait état de l’insatisfaction des MRE des services consulaires, qu’en pensez-vous et comment remédier à ce vieux marronnier ?

- Le constat du CESE est indéniable, SM le Roi a également soulevé ce problème dans Ses discours. Il y a eu depuis lors une nouvelle stratégie pour régler deux soucis principaux : l’encombrement et la désorganisation des consultants qui donnent une mauvaise image du Royaume à l’étranger.

Le second problème est le poids et la complexité des procédures administratives. Les MRE se plaignent depuis longtemps de cela et surtout du fait qu’ils se voient obligés de faire d’innombrables allers-retours pour obtenir leurs papiers. Je rappelle qu’il s’agit de problèmes qu’on rencontre dans l’administration marocaine en général. Cela fait plus d’un an que les choses s’améliorent avec l’organisation des prises de rendez-vous. Cela permet de mieux encadrer l’accueil des usagers et de régler leurs problèmes dans un laps de temps très réduit en fonction des procédures.

Dans notre cas, le retrait du passeport, par exemple, se fait en cinq minutes, tandis que le dépôt des demandes de la Carte d’identité nationale ou du passeport peut prendre une heure au maximum. Outre cela, pour éviter les allers-retours, nos services prennent soin de s’assurer que le demandeur dispose de toutes les pièces demandées avant la validation du rendez-vous, ainsi il est sûr de ne pas devoir revenir une seconde fois. En somme, je puis vous assurer qu’il n’y a plus de scènes d’encombrement.


- Ils sont nombreux à se plaindre de l’injoignabilité des services consulaires, comment faites-vous pour éviter cela?

- En réalité, il est difficile de répondre par téléphone à toutes les sollicitations puisque nous avons un effectif limité. Mais nous avons pensé aux réseaux sociaux comme alternative. Nous avons ouvert le chat pour les demandes d’informations avec un délai de réponse très court. Il existe également un numéro vert.


- Quelles sont, selon vous, les caractéristiques d’un bon consul ?

- Le consul a quatre ans de service. La vocation d’un consulat ne se résume pas dans l’aspect administratif. Il y a aussi le côté humain. Quand les gens viennent au consulat, ils pensent venir à la mère patrie. Donc, il est absolument primordial que le bureau du consul soit accessible à tout le monde et qu’il reste à l’écoute. Personnellement, je reçois parfois des personnes qui veulent juste parler et faire part de leurs problèmes quotidiens. En somme, les MRE ont besoin juste d’attention.


- Comment le manque de moyens et d’effectifs affecte-t-il la performance des consulats ?

- Il est vrai que les moyens restent limités, mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire. La diaspora marocaine, je le rappelle, est très quali ée avec un esprit de volontariat hors pair. Il su t de travailler avec elle. Par exemple, nous faisons des projets culturels, des ateliers et d’autres activités telles que les « journées portes ouvertes » avec les associations et parfois même on travaille ensemble avec une répartition des tâches.


- À quel point le Guichet unique, l’une des recommandations du CESE, est-il en mesure d’aider les consulats ?

- Il est évident que le Guichet unique est plus que jamais nécessaire. En attendant l’activation de cette plateforme, nous avons, pour notre part, en plus de l’amélioration des canaux de communication, créé une association dont le but est de promouvoir des investissements au Maroc et surtout dans les provinces du Sud. Nous travaillons actuellement sur l’organisation d’un grand évènement. L’objectif est de s’adresser à la diaspora économique marocaine en lui exposant les opportunités. Là, c’est une forme parmi d’autres du Guichet unique.
 
”Il faut aller vers les MRE au lieu d’attendre qu’ils aient besoin de venir”.

- En parlant d’investissements des MRE, pour les promouvoir davantage, faut-il, selon vous, créer des Chambres de commerce marocaines dans les pays de résidence au lieu de se contenter des conseillers économiques dans les ambassades ?

- Je vous rappelle que j’étais moi-même conseiller économique avant de devenir consul. Je peux vous assurer que les investisseurs trouvent facilement toutes les informations dont ils ont besoin. Les relais sont nombreux, j’en cite les cabinets de conseil, les ambassades, etc. Ce qui manque, par exemple, c’est l’accompagnement au Maroc et l’organisation des visites de terrain en partenariat avec les Conseils régionaux d’investissement.

Pour notre part, on le fait souvent et de façon plus fluide puisqu’il n’est plus nécessaire de passer par des procédures bureaucratiques. Il suffit que les gens intéressés contactent les services consulaires et nous nous occupons du reste. L’essentiel est que la réponse soit rapide.


- Le CESE insiste sur le rôle des consulats mobiles, quelles sont les difficultés que vous rencontrez lorsque vous les organisez ?

- Nous organisons régulièrement des consulats mobiles. Dans notre cas, ils sont organisés chaque mois au niveau de la région de Strasbourg. Je parle ici des consulats dédiés à la remise des documents.

Pour ce qui est des consulats mobiles “tout service”, on en a organisé seulement deux et ce ne fut malheureusement pas un succès pour la simple raison qu’il est difficile de gérer les foules énormes qui se présentent. Nous recevons parfois 2000 personnes, c’est ingérable vu l’effectif limité du personnel déployé et la capacité d’accueil des salles réservées. Je précise ici qu’on ne peut pas accueillir plus de 100 personnes à la fois. Le reste des gens se trouvent dans l’obligation d’attendre dehors. Pour remédier à cela, nous avons proposé au ministère d’appliquer, là aussi, la logique de la prise du rendez- vous. C’est en cours d’examen.
 
”Il faut aller vers les MRE au lieu d’attendre qu’ils aient besoin de venir”. Nous pensons à intégrer la prise des rendez-vous dans les consulats mobiles”.

- Le rapport du CESE fait état de deux tiers des MRE qui n’envisagent pas leur futur au Maroc, d’où la question de ce qu’on peut faire pour convaincre les compétences de revenir au Maroc. Qu’en pensez-vous ?

- De mon point de vue, il ne faut pas penser cela avec des sentiments. Gardons à l’esprit que nombre de Marocains expatriés ont une double culture, qu’ils vivent parfois très mal. Il y en a qui ne peuvent pas revenir pour des raisons culturelles. Ceci n’empêche qu’ils peuvent être utiles au Maroc de là où ils sont.

Je suis personnellement témoin de plusieurs “success stories” dans ce sens. Je vous cite un exemple qui m’a marqué. Un docteur, professeur à l’Université de Lorraine, a invité, en collaboration avec le consulat, des doctorants marocains à compléter leur formation sur les énergies renouvelables en France après avoir constaté qu’ils avaient besoin de machines pour mettre en pratique leur savoir théorique. Résultat des courses : nous avons gagné quatre docteurs. Par ailleurs, il y a des MRE qui ont décidé de se rapatrier mais pour des raisons logiques et rationnelles.


- Pourquoi n’existe-t-il pas de services ou de centres culturels rattachés aux missions diplomatiques marocaines ?

- Nous n’avons pas de centres culturels proprement dits. Mais le consulat peut jouer ce rôle. Pour oeuvrer plus efficacement pour le rayonnement culturel du Royaume à l’étranger, il faut des moyens. Il faut un service culturel au vrai sens du terme avec un chef de service secondé par trois ou quatre fonctionnaires. Aussi faut-il des services étudiants.

En effet, nous faisons des initiatives dans la limite des moyens mis à notre disposition dans le cadre de la promotion du patrimoine national et le renforcement des liens des MRE avec le Maroc. Par exemple, nous multiplions les ateliers d’apprentissage de l’arabe et de la calligraphie, nous encourageons des jeunes à faire des voyages à la mère patrie. Nous faisons également la promotion des romanciers et des intellectuels franco-marocains. Nous avons invité dernièrement Hassan Aourid.
 
Les MRE peuvent être utiles au Maroc de là où ils sont”.

- La France connaît une montée de la xénophobie et du discours d’extrême- droite, ceci préoccupe-t-il les MRE ?

- Les Marocains sont connus pour être ouverts et rassembleurs. Ils comprennent très bien que les débats sur l’immigration sont dus à des calculs électoralistes et n’y prêtent pas attention. En général, les Marocains que je connais ici vivent tranquillement loin de ce qu’on peut voir dans certains médias. Ils sont bien intégrés.
 


Propos recueillis par Anass MACHLOUKH

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Services consulaires


Les réseaux sociaux au service de la proximité
 
Dans la région de Strasbourg, 150.000 personnes sont immatriculées auprès du consulat, indique M. Kaissi, précisant que leur nombre pourrait dépasser la barre des 200.000 si on compte les non-immatriculés. Concernant le modèle de travail, notre interlocuteur insiste sur la proximité avec les communautés marocaines puisqu’à ses yeux, “il est indispensable d’aller vers les gens et ne pas attendre qu’ils éprouvent le besoin de venir au consulat, et ce, afin qu’ils ressentent l’intérêt que leur porte leur pays par l’intermédiaire de ses services consulaires”.

“L’accessibilité est capitale. Raison pour laquelle nous demeurons accessibles à nos compatriotes à travers les réseaux sociaux le maximum possible”, poursuit le consul, dont les services exploitent du mieux qu’ils peuvent les réseaux sociaux pour rester joignables. “Il est possible de prendre des rendez-vous par appel vidéo, en plus des rencontres physiques”, a-t-il repris, ajoutant que ses services restent ouverts à toutes les formes de contact pour peu que les gens en manifestent la volonté.

En se basant sur sa propre expérience, M. Kaissi confie que “près de 80% des problèmes rapportés par les gens relevant de sa zone de compétence peuvent être réglés seulement par un simple échange sans formalités administratives”.

Il nous donne l’exemple d’une femme venue se plaindre du harcèlement dans le métro et d’autres endroits publics à Strasbourg. “Comme elle ignorait la loi et les voies de recours judiciaires, nous avons fait appel à une grande avocate franco-marocaine qui a eu l’obligeance de répondre à notre sollicitation pour organiser une rencontre de sensibilisation. Nous travaillons aussi avec des associations spécialisées qui ont pris part à cette initiative en organisant également des ateliers de sensibilisation”, a conclu notre interlocuteur.

 








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