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Interview avec Samir Rachidi : « On peut produire le kilogramme d’hydrogène vert le moins cher »


Rédigé par Safaa KSAANI Lundi 28 Novembre 2022

L’hydrogène vert n’est plus une utopie, mais il est bel et bien devenu réalité. Pour inscrire le Maroc dans cette perspective, SM le Roi Mohammed VI a présidé, mardi 22 novembre, une réunion de travail consacrée à l’accélération de la mise en oeuvre de la feuille de route nationale de production d’hydrogène vert et de ses dérivés. Détails avec le patron de l’Institut de Recherche en Energie Solaire et Energies Nouvelles (IRESEN).



Samir Rachidi, DG par Intérim de l’IRESEN
Samir Rachidi, DG par Intérim de l’IRESEN
- Sa Majesté le Roi Mohammed VI vient de lancer la réflexion autour d’une «offre Maroc» couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène vert. Comment voyez-vous cette offre ?

- Sur l’annonce royale de Sa Majesté le Roi, je la ressens, d’abord en tant que Marocain et en tant qu’acteur dans l’écosystème, comme un second souffle à l’impulsion donnée par Sa Majesté en 2009/2010. Ce second souffle est caractérisé par le pragmatisme et l’innovation. D’abord, on construit sur les acquis : il n’est pas question de mettre en cause ce qui a été démarré, mais on le consolide. Et de plus, on accélère car on a fixé des objectifs pour 2030 de produire 52% de l’énergie à partir de sources renouvelables. 2030, c’est demain ! On est à 37% aujourd’hui alors qu’on devait être à 42% en 2020.

Sa Majesté recommande d’accélérer le rythme. L’autre point évoqué dans le communiqué du Cabinet royal, c’est la compétitivité. Il ne s’agit pas de faire des énergies renouvelables parce qu’il faut le faire, mais parce qu’elles sont compétitives. La transition énergétique verte permettra de ne pas mettre en otage sa croissance économique au profit de sa consommation énergétique.

La notion de décarbonation de l’économie est également un point important souligné dans le communiqué du Cabinet royal, et qui m’a marqué. C’est une nouveauté dans les communications royales. La décarbonation est un défi majeur puisqu’on ne parle plus que de l’énergie renouvelable mais d’un écosystème et d’une vision holistique.

Pour être neutre en carbone, il faut implémenter la souveraineté énergétique, l’efficacité énergétique, le renouvelable, mais aussi tout ce qui est électrifiable par le renouvelable, comme l’industrie et la chimie lourdes ou encore le transport. D’où l’importance de l’hydrogène vert. D’ailleurs, c’est la première fois que Sa Majesté le Roi se prononce sur cette nouvelle thématique sur laquelle l’IRESEN travaille depuis 5 ans avec les différents partenaires. On était les premiers à annoncer les premières études pour voir cette opportunité. L’idée est de continuer le travail, et les acquis qu’il y a eu ces cinq dernières années dans l’écosystème de l’Hydrogène vert, il faut renforcer.


- Etes-vous en discussion avec des investisseurs potentiels ?

- Avant de décider sur un investissement, un investisseur cherche avant tout de la donnée. En tant que centre de recherche, oui, nous sommes en discussion avec une dizaine d’investisseurs sérieux étrangers et marocains. Chaque partie prenante de l’écosystème a des choses à dire et à partager. Certains partenaires peuvent même s’associer à l’investisseur puisqu’ils en ont les prérogatives. A chaque fois que nous recevons à l’IRESEN un potentiel investisseur au Maroc, nous essayons de faire la promotion de notre pays par rapport à ce que nous sommes, en tant que centre de recherche. Et on se propose en tant que partenaire local de savoir-faire avec cet investisseur.


- Selon vos projections, est-ce que les prix de production de l’hydrogène vert seront compétitifs au niveau international ?

- Personne n’a la réponse à cette question (sourire). Quand vous regardez le prix du kilogramme de l’hydrogène vert, entre 60 et 70% vient principalement du renouvelable, du kilowattheure électrique. En effet, l’hydrogène vert est fabriqué à partir de l’eau dans des électrolyseurs pour séparer la molécule d’eau. A travers l’énergie électrique, on obtient donc le H2 et le O2.

Cet oxygène est un gaz industriel exploitable. L’hydrogène obtenu de cette opération est vert, puisque l’énergie utilisée est verte, notamment celle renouvelable. Le coût de l’électricité dans le produit final, l’hydrogène électrolytique, représente 70%. Donc, le renouvelable est important. Si on veut diminuer le coût de l’hydrogène vert, il faut diminuer le coût de l’énergie renouvelable.

En tant que chercheur marocain, j’estime qu’on peut faire le kilowattheure le moins cher au monde. Automatiquement, on peut produire le kilogramme d’hydrogène le moins cher. Et ça se trouve de manière positive, car c’est de l’hydrogène vert et non pas gris ou bleu, ça fait attirer des investisseurs.


- L’expérience marocaine dans le domaine de l’hydrogène vert constitue une source d’inspiration pour les pays du continent africain. Le Royaume peut-il devenir un fournisseur clé d’hydrogène vert ?

- On peut être fournisseur de l’hydrogène vert. Le Maroc peut avoir un leadership industriel mais aussi d’expertise. On aura une avancée de 10 ou 15 ans par rapport à d’autres pays du continent. Cela se monétise. On peut les aider à faire leurs feuilles de route. Nous sommes Africains et nous n’avons pas une vision biaisée, en comparaison avec des pays d’autres continents. Le benchmark devient réaliste.
 



Recueillis par Safaa KSAANI

Portrait


Son carburant : l’énergie
 
Du solaire aux batteries en passant par l’hydrogène, aucune solution énergétique n’a de secret pour Samir Rachidi, l’actuel patron de l’Institut de Recherche en Energie Solaire et Energies Nouvelles (IRESEN). Ce jeune de 37 ans y a gravi les échelons avant de devenir DG par intérim.

Samir Rachidi a commencé comme chef de département de stockage de la bioénergie et l’hydrogène avant d’être promu directeur de l’Hydrogène et Systèmes thermiques puis directeur scientifique de l’Institut. Avant l’IRESEN, il a été responsable de programme au niveau de la R-D au sein de MASEN sur des projets solaires et photovoltaïques. Mais son premier poste a été décroché en France dans une start-up en tant qu’ingénieur en biotechnologie. “Il s’agissait de gilets d’assistance à la respiration. C’est très loin du renouvelable”, se souvient-il.

Ce féru de physique et de chimie a fait ses études au niveau de l’Ecole des mines Saint-Etienne en se spécialisant sur des procédés énergétiques, environnement et sciences de matériaux. Sa soif de connaissance et de recherche a guidé toutes ses études jusqu’à un doctorat. Le sujet de thèse comme par hasard était sur l’hydrogène, précisément sur des piles à combustible à l’hydrogène de type TEM.

Doctorat en poche, il décide de rentrer au bercail. Ce père de trois enfants est avant tout un produit de l’école publique marocaine de Kénitra. Il a passé une année à l’Ecole royale de l’Air de Marrakech (ERA) et a été apte ensuite à suivre une scolarité en classes préparatoires, à Tanger et au Lycée Moulay Youssef de Rabat pour la deuxième année.

La passion pour les énergies renouvelables est née par hasard. “Mais le hasard fait parfois bien les choses”, croit-il. “J’ai suivi des parcours par défaut car je ne savais pas quoi faire au début. Je devais être toujours parmi les meilleurs de classe. C’était un objectif tracé par ma mère qui nous poussait à étudier tout court. J’avais une passion pour l’espace et l’aéronautique puisque mon père est pilote dans l’armée”, s’épanche-t-il en confidences. Mais la transition s’est faite naturellement. Homme de convictions, il croit dur comme fer au trio énergie, eau et écologie pour réindustrialiser le pays. Des enjeux totalement en phase avec les convictions du DG de l’IRESEN, déterminé à mettre le savoir-faire technologique de l’Institut au service de la transition énergétique.