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Interview avec Rachid Abardi : «En temps de guerre, le droit a peu de poids face à la peur»


Rédigé par Safaa KSAANI Jeudi 3 Mars 2022

Des juristes franco-marocains souhaitent offrir une aide juridique aux étudiants et familles bloqués en Ukraine. Cette interview est l’occasion pour l’Association française des talents juridiques (AFTJ) de porter un message d’alerte sur la situation de ces jeunes auprès des professionnels du droit.



Interview avec Rachid Abardi : «En temps de guerre, le droit a peu de poids face à la peur»
- L’Association française des talents juridiques, immatriculée à Toulouse, souhaite offrir une aide juridique aux ressortissants bloqués en Ukraine. Quelle est la genèse de cette initiative ?

- La genèse de cette initiative à été les nombreux appels de détresse que nous avons reçus de la part de ressortissants marocains pour qui, d’habitude, nous assurons un service d’assistance juridique, d’aucuns avaient un fils, une fille ou un parent sur place qui n’arrivait pas, malgré les annonces, à traverser les frontières ukrainiennes.

De nombreuses familles nous ont exprimé leurs difficultés à passer les frontières alors qu’aujourd’hui le droit des conflits armés a permis de faire des exceptions, notamment en termes de franchissement des frontières quand il y a un danger immédiat.


- Pourtant, de nombreux ressortissants se sont trouvés incapables de passer les frontières des différents pays limitrophes. A qui incombe cette responsabilité ?

- La responsabilité est bipartite. Aussi bien les autorités ukrainiennes qui privilégient leurs ressortissants que les Polonais, par exemple, qui souhaitent éviter une vague migratoire incontrôlée. En ces temps de troubles, ce genre de sujet est au goût du jour en Europe. il n’en fallait pas plus.


- Sur le plan juridique, qu’en dit la loi ?

- Sur le plan juridique, la convention de 1951 relative au statut des réfugiés et notamment l’article 33 dispose en ces termes :» Aucun des Etats contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques”.

La convention de Genève est donc très claire sur le sujet, mais, malheureusement, en temps de guerre, le droit a peu de poids face à la peur. Vous avez aussi le droit des conflits armés qui dispose en des termes similaires pour favoriser la protection des étrangers et plus généralement des victimes du conflit.

Malheureusement, le respect de ce droit n’est pas garanti en temps de guerre où les pays comme l’Ukraine qui privilégient leurs ressortissants pour le passage des frontières et écartent, comme de nombreuses vidéos en témoignent, les ressortissants étrangers, ce qui est une violation du protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés. Les ressortissants bloqués en Ukraine sont en droit de passer les frontières limitrophes de ce pays.


- Comment comptez-vous intervenir concrètement pour amener votre aide aux ressortissants et à leurs familles ?

- Pour ce qui est de notre intervention concrète, nous avons quatre juristes aguerris sur place, dont le docteur Samy Jeanner, et qui aident les ressortissants qui nous contactent ou qui sont envoyés par d’autres associations ou organismes comme Amnesty International, Human Rights Watch… Je lance aussi une main tendue aux juristes pour qu’ils rejoignent notre initiative, même à distance.

Leurs engagements peuvent faire la différence et sauver des vies ! Notre but est d’aider les ressortissants marocains qui n’arrivent pas à quitter l’Ukraine à pouvoir passer les frontières, soit avec les autorités polonaises, soit avec les autorités moldaves.


- Quel message souhaitez-vous transmettre aux professionnels du droit, aux institutions ?

- Nous souhaitons remercier Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui a dépêché du personnel supplémentaire pour soutenir l’ambassade et nous aimerions effectivement voir les accords que nous avons avec l’Ukraine et les pays limitrophes se traduire sur le terrain. Seule la voix diplomatique peut encourager les protagonistes à agir. Alors, un message du gouvernement marocain, en ce sens, serait le bienvenu.


- La compagnie nationale Royal Air Maroc (RAM) a mis en place des vols spéciaux en faveur des Marocains établis en Ukraine.

- Actuellement, la RAM ou l’Ambassade du Maroc en Ukraine ont mis en place des mesures pour rapatrier les Marocains bloqués en Ukraine. C’est un bon début, sauf que cela représente un nombre de personnes assez restreint. La majorité des ressortissants marocains sont encore dans la zone de danger.

Les pays ayant réagi le plus rapidement sont de deux types : les pays européens qui ont un moyen de pression économique et militaire sur l’Ukraine pour faire en sorte que la loi soit respectée, et les pays comme les USA ou les pays du Commonwealth qui ont une grande expérience de la gestion de crise et de l’exfiltration de leurs ressortissants.


Recueillis par Safaa KSAANI

Guerre en Ukraine


La demande d’asile, une autre alternative pour fuir la zone de danger
 
Le rapatriement volontaire est l’une des solutions durables pour les réfugiés et les demandeurs d’asile offertes par le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) en Ukraine.

Les demandeurs d’asile et les réfugiés reconnus souhaitant retourner dans leur pays d’origine ou de résidence habituelle peuvent contacter l’ONG partenaire du HCR la plus proche et demander leur rapatriement en remplissant le formulaire de rapatriement volontaire (à remplir par l’ONG partenaire), peut-on lire sur le site web de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés. L’apposition de signature sur le formulaire ne les oblige pas à retourner dans leur pays d’origine, nuance-t-on.

“Vous pouvez retirer votre demande de rapatriement si vous décidez de le faire après une consultation avec le HCR ou pour d’autres raisons. Aucune personne ne sera rapatriée contre son gré”, souligne-t-on.

Le HCR précise également qu’il fournit différents types d’assistance en matière de rapatriement volontaire : informations sur la situation dans un pays d’origine / une région particulière afin qu’une décision éclairée puisse être prise au sujet du rapatriement ; dispositions pour un retour sûr et digne dans le pays d’origine; liaison avec l’ambassade concernée afin d’obtenir des documents de voyage, des visas ou des permis d’entrée; petites subventions de rapatriement volontaire; facilitation d’autres aspects liés au rapatriement.

Toutefois, le HCR se réserve le droit de refuser les demandes de rapatriement volontaire si la situation dans le pays d’origine ou le lieu de résidence habituelle est jugée très dangereuse. Le HCR peut refuser une demande de rapatriement si le demandeur a l’intention de retourner dans son pays d’origine uniquement pour une courte visite, et non pour un rapatriement permanent, conclut-on.

S. K.