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Interview avec Ouadie Madih : « Les associations de protection du consommateur auront une plus grande marge de manoeuvre »


Rédigé par Safaa KSAANI Jeudi 29 Décembre 2022

Jusque-là, les associations de protection du consommateur étaient efficaces à un certain degré. Mais depuis novembre dernier, elles peuvent jouer pleinement leur rôle, avec notamment la possibilité qui leur est donnée d’ester en justice.



Ouadie Madih, président de la FNAC
Ouadie Madih, président de la FNAC
- En novembre dernier, la Fédération Nationale des Associations du Consommateur (FNAC) a obtenu l’autorisation d’ester en justice. Le chemin était long avant d’y parvenir ?

- Effectivement, le chemin était long avant d’obtenir l’autorisation d’ester en justice. Le processus a pris beaucoup de temps, de 2011 à 2018, pour que tout le processus soit accompli. La loi de la protection du consommateur, qui précise dans ses dispositions que les associations de protection du consommateur peuvent ester en justice dans certaines situations, a été promulguée en 2011. Son décret d’application, qui définit ce droit, a été publié en 2013, et ce n’est qu’en 2018 que la décision conjointe entre le ministère du Commerce et le ministère de la Justice a été signée, suite à une demande déposée par notre première association. En 2022, la FNAC a pris en charge ce dossier.

Finalement, cette autorisation a été obtenue. Elle nous permet de compléter le processus d’assistance au consommateur et de pouvoir jouer pleinement notre rôle.


- Le texte d’application de la loi 31-08 relative à la protection du consommateur a été publié au Bulletin Officiel en 2018, permettant aux associations actives dans le domaine d’ester en justice pour défendre les intérêts des consommateurs sans avoir à justifier du statut d’utilité publique. Entre-temps, que s’est-il passé ?

- Avant même la mise en place de la loi 31-08, les associations de protection du consommateur ont travaillé d’une manière acharnée pour sensibiliser, orienter et accompagner le consommateur. Depuis 2007, on a mis en place des guichets consommateurs qui portent assistance à ces derniers.

A partir de 2016, on a commencé le processus de professionnalisation de ces guichets avec le soutien du ministère du Commerce et de l’Industrie. La loi sur la protection du consommateur, qui précise dans ses dispositions que les associations de protection du consommateur peuvent ester en justice dans certaines situations, a été promulguée en 2011. Son décret d’application, qui définit ce droit, a été publié en 2013, et ce n’est qu’en 2018 que la décision conjointe entre le ministère du Commerce et le ministère de la Justice a été signée.

Dès cette année- là, une de nos associations a déposé un dossier auprès du ministère de la Justice pour obtenir cette autorisation. Mais sa demande a été refusée. En 2022, la Fédération nationale des associations du consommateur a réitéré la demande et a finalement obtenu cette autorisation tant attendue par le mouvement consumériste au Maroc.


- Qu’est-ce qui va changer ?

- Les consommateurs ne vont plus se soucier de porter un dossier en justice. C’est l’association qui va les défendre et peut même les protéger en amont si elle trouve, par exemple, des clauses abusives ou des violations de la loi 31-08 relative à la protection du consommateur. Auparavant, on se limitait à trouver une solution à l’amiable, en suppliant les fournisseurs de s’arranger avec les consommateurs.

Désormais, nous sommes obligés de passer par la phase de médiation en premier lieu, car notre mission ne consiste pas à se diriger systématiquement vers les tribunaux. Mais dans le cas où les professionnels ne veulent pas s’arranger avec les consommateurs lésés, nous avons désormais la possibilité de saisir la justice.

Notre mission est donc de porter assistance aux consommateurs et exercer tous nos droits relatifs aux faits et agissements qui portent préjudice à leurs intérêts, en formant des actions en justice, en intervenant dans des actions en cours, ou en se constituant partie civile devant le juge d’instruction, et agir en réparation devant toute juridiction au nom du consommateur. Là, le législateur distingue bien l’action qui peut être menée par la fédération ou les associations de consommateurs ayant cette autorisation, c’est d’avoir au moins deux consommateurs qui ont le même problème avec le même fournisseur pour qu’on puisse agir en les représentant.
 
Les consommateurs ne vont plus se soucier de porter un dossier en justice. C’est l’association qui va les défendre et peut même les protéger en amont

- Jusque-là, les associations ne pouvaient pas ester en justice. Une prérogative qui rendait les associations illégitimes, aux yeux des consommateurs ?

- Les associations n’ont jamais été illégitimes au regard des consommateurs. Loin de là. Nous avons la légitimité de défendre les droits des consommateurs par les textes de loi en vigueur. Certes, nous étions efficaces à un certain niveau avant novembre 2022. Maintenant, nous avons une plus grande marge de manoeuvre. Nous sommes outillés pour mener des combats avec des professionnels qui recrutent une armada d’avocats pour défendre leurs intérêts. Nous avons signé des conventions avec des experts et un cabinet d’avocats, qui sont prêts à nous orienter. Une autre convention sera bientôt signée avec les huissiers de justice, dont le rôle, en amont et en aval, est très important.


- Le rôle des guichets consommateurs reste-t-il intact ?

- Le rôle de ces guichets sera renforcé mais le processus restera le même. Le consommateur doit passer par ces guichets pour déposer sa réclamation afin qu’elle soit étudiée par la suite. Si la résolution amiable d’un litige n’aboutit pas, le dossier sera remonté à la FNAC qui fera le nécessaire.


- A quel point cela apporte un soulagement pour le consommateur ?

- C’est peut-être un soulagement pour certains consommateurs qui n’ont pas les moyens d’ester en justice et défendre leurs droits. La FNAC peut prendre en charge les requêtes des consommateurs, être mandatée par ces mêmes consommateurs pour ester en justice. Le mandat donné à la FNAC par les consommateurs est un mandat gratuit.


- Par ailleurs, il y a quelques jours, le prix du lait UHT a été revu à la hausse de même que d’autres produits laitiers dérivés. Comment expliquez-vous cette hausse des prix et est-ce que le consommateur peut ester en justice dans ce cas ?

- Sur ce point, nous avons constaté l’augmentation du prix du lait UHT. Le lait pasteurisé et ses dérivés ont également connu cette hausse des prix avant. Selon les professionnels, ces augmentations sont dues aux circonstances internationales, la sécheresse y a également contribué. C’est un argument qui peut tenir la route, mais n’oublions pas que certains fournisseurs usent de ces situations pour augmenter les prix afin d’augmenter leurs bénéfices. Malheureusement, ni la FNAC ni aucune autre organisation ne peut agir.

Il convient de noter que dans le cadre de la loi de la concurrence, du moment où le produit n’est pas subventionné ou réglementé, le prix est libre à la concurrence. On ne peut pas donc ester en justice dans ce cas en l’absence de réglementation juridique. Mais, il faut que le consommateur soit conscient et joue pleinement son rôle pour éviter l’augmentation des prix, en faisant les bons choix.

Si la consommation est réduite, le chiffre d’affaires des fournisseurs qui usent de la concurrence déloyale sera considérablement réduit. Cela peut porter ses fruits et réguler le marché en forçant les fournisseurs à revoir les prix de leurs produits.

Toutefois, notre droit de poursuivre les fournisseurs abusant des droits des consommateurs n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen de contraindre certains fauteurs de respecter les droits des consommateurs.
 


Recueillis par Safaa KSAANI








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