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Interview avec Nacer Jabour: «Le Maroc connaît une activité sismique modérée et relativement diffuse»


Rédigé par Rime Taybouta Jeudi 16 Février 2023

Le terrible tremblement de terre qui a secoué la Turquie et la Syrie a semé la crainte dans le cœur de plusieurs internautes, qui s’interrogent si un tel scénario peut se produire au Maroc. Nacer Jabour, chef de division à l’Institut national de géophysique, nous donne des explications.



  • La Turquie et la Syrie ont connu un séisme gigantesque, causant des milliers de morts. Quelles sont les causes de cette catastrophe ?
 
Le séisme est déclenché par plusieurs facteurs, notamment la tectonique des plaques qui est le moteur des déformations de la croûte en surface, des déformations qui donnent le relief en se prononçant souvent par des séismes, par des mouvements lents ou des blocs qui composent la surface de la terre. La Turquie est à la croisée des plaques tectoniques, la faille qui a bougé lors du séisme dévastateur, M=7,8, est une zone de contact entre la plaque arabique et la plaque anatolienne. Cette limite de plaques lithosphériques a emmagasiné les contraintes tectoniques pendant longtemps et le temps de rupture est arrivé pour libérer toute l’énergie accumulée dans les roches. Ilconvient de noter que plus la phase de stockage des contraintes est longue, plus la magnitude générée sera importante. Les ruptures en surface de cet accident géologique sont stupéfiantes, ce qui permetla contribution de plusieurs segments de failles dans ce méga tremblement de terre.
 
  • Qu'est-ce que la magnitude d’un séisme, et comment est-elle calculée ?
 
La magnitude est une mesure de l’énergie libérée par le séisme sous forme d’ondes sismiques et sous forme de chaleur liée aux frottements entre les blocs en interactions opposées. Le premier sismologue qui a établi une échelle de calcul est Richter avec son fameux instrument, appelé WOOD ANDERSON. Actuellement, plusieurs techniques sont utilisées pour le calcul de cette caractéristique du choc sismique sans disposer de l’instrument original. Ces techniques font un calage adapté à l’échelle de Richter en utilisant les amplitudes ou la durée des ondes sismiques et même des parties entières des signaux sismiques par inversion mathématique pour arriver à des valeurs physiquement plus précises.
 
  • La situation dont souffre la Turquie peut-elle s'étendre à des pays aussi loin que le Maroc ?
 
La région touchée par les séismes forts en Turquie n’a d’influence directe que sur son voisinage proche. Les failles de la région du Moyen Orient et du Plateau d’Anatolie seront progressivement déstabilisées. Sur le long terme, les répliques actuelles seront suivies par des séismes dans d’autres zones relativement lointaines, mais leur influence ne touche pas cette région puisqu'elle est située sur le bassin Ouest de la Méditerranée.
 
  • Le Maroc est-il menacé par les séismes ?
 
De par sa position près des limites des plaques tectoniques, le Maroc connaît une activité sismique modérée et relativement diffuse. Les séismes destructeurs ont une périodicité irrégulière du fait de la complexité du contexte sismotectonique du Maroc. Les systèmes de failles offrent une image hétérogène dans leur configuration et leur fonctionnement. La sismicité historique donne aussi une idée sur la sévérité des tremblements de terre ainsi que sur les zones exposées. Rappelons que pour la période récente, le séisme d’Agadir de 1960 est un exemple dans les annales de sismologie.
 
 
 
  • Peut-on prédire un séisme ou peut-on avoir des signes avant-coureurs ?
 
La prédiction des tremblements de terre est un thème de recherche, aucune méthode de prédiction n’a donné de résultats sur tous les séismes récents. Les signes avant-coureurs sont multiples dans le champ géophysique, variation dans le champ magnétique terrestre, variation du niveau des nappes souterraines, émanation élevée des gaz rares du sol, déformation de la forme de la terre dans une zone proche du foyer potentiel, et même des changements dans les comportements des animaux et bien d’autres anomalies. Faire une synthèse des signes précurseurs est très difficile et aucun outil d’aide à la décision n’est encore mis au point sur ce sujet.
 
  • Après la catastrophe, quelle est la bonne démarche pour assurer les opérations de sauvetage ?
 
Il faut d’abord disposer d’un plan d’urgence, les préparations des interventions avant la catastrophe sont la base de tout schéma-guide pour les opérations de sauvetage. Ce plan d’intervention doit être aussi dimensionné suivant les scénarios les plus pessimistes.
 
  • Comment peut-on se protéger des risques liés aux séismes ?
 
Le meilleur moyen pour se protéger des risques liés aux séismes est le règlement de construction parasismique. Il s’agit de bâtir suivant les normes de résistance des ouvrages assurant un niveau de protection et suivant les moyens économiques du pays. Sans oublier la classification par intérêt des bâtiments qui permet une distribution du degré d’importance sur tous les types d’édifices.
 
  • Au Maroc, comment les ravages des séismes (humains et matériels) sont-ils anticipés ? Y a-t-il des mesures à prendre dans ce sens ?
Au Maroc, il existe actuellement une stratégie nationale de réduction des risques naturels parmi lesquels le risque sismique, le risque de tsunami, le risque d’inondation et les glissements de terrain. La problématique des risques doit être intégrée dans les plans de développement à tous les niveaux de décision en collaboration avec toutes les parties prenantes, le ministère de l'Intérieur, les départements ministériels, la Protection Civile, la société civile, etc…