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Interview avec Mouad Merabet : «La levée définitive des restrictions n’est pas souhaitable pour le moment»


Rédigé par Anass MACHLOUKH Jeudi 21 Avril 2022

Bien qu’elle semble oubliée, la pandémie est toujours là et plusieurs questions sont en suspens. Eventualité d’une nouvelle vague, avenir de la campagne de vaccination, sort des stocks de vaccins, possible levée des restrictions, Mouad Merabet, l’épidémiologue en chef du ministère de la Santé, répond à nos questions. Interview.



Ph : Mehdi Moussahim
Ph : Mehdi Moussahim
- Maintenant que la pandémie recule, les gens revendiquent la levée des restrictions, est-ce possible ?

- Personnellement, je ne suis pas d’accord pour lever définitivement les restrictions en vigueur. Même l’Organisation Mondiale de la Santé a critiqué la levée brusque et brutale des restrictions en Europe. Force est de rappeler que quelques pays ont connu des flambées de contagions mais ils ont pu s’en sortir grâce à une bonne couverture vaccinale.


Vivons-nous les derniers jours de la pandémie ?

- Pour appréhender clairement l’évolution de la pandémie au Maroc, il existe trois phases. Nous avons commencé par les cas importés, avant de passer vers la phase des clusters et puis nous sommes arrivés à l’étape de transmission communautaire. Dès que nous avons franchi cette étape de circulation communautaire, nous avons été confrontés aux vagues enclenchées par les variants.

Actuellement, bien que la pandémie recule remarquablement, il serait prétentieux de conclure qu’elle est éradiquée dans la mesure où nous sommes dans une phase « inter-vague ». Nous pouvons dire, selon les données dont nous disposons, que nous sommes dans une accalmie qui dure. Ce qui est intéressant, c’est que la situation actuelle est la meilleure de toutes celles que nous avions vécues en termes d’incidence, de taux de reproduction, de positivité, d’incidence des cas graves et de mortalité. Cela montre à quel point le pays a été immunisé.


- Il y a un nouveau rebond de la pandémie en Chine, faut-il s’en inquiéter ?

- Il faut se détromper en regardant ce qui se passe en Chine. Il ne s’agit pas, en effet, d’une réapparition du virus, mais plutôt du début de la vague Omicron que ce pays vit pour la première fois. Les Chinois sont confrontés à cette recrudescence tardive parce qu’ils ont opté pour la stratégie du Covid-zéro avec un confinement strict. Ceci a compliqué l’acquisition d’une immunité par rapport aux nouveaux variants. C’est une stratégie qui ne fonctionne pas. Ce qui peut nous faire peur, c’est la probabilité de mutation qui peut se produire. Espérons que le virus qui a commencé là-bas y finisse.
 
« Nous sommes en cours d’élaboration d’une étude sur le Covid-long au Maroc ».

- La campagne de vaccination continue son marasme, nous sommes à près de 64% de personnes ayant pris les deux doses et 17% de prise de la dose de rappel. Si le relâchement continue, pouvons-nous nous contenter de ces résultats ?

- Manifestement, la campagne est dans une stagnation globale. Les meilleurs résultats ont été obtenus lors de la vague Delta pendant l’été 2021. Lorsque les gens constatent que la mortalité a autant reculé, il est difficile de les convaincre de se faire vacciner. Or, nous pouvons assister à une relance de la campagne en cas d’un nouveau variant. Le ministère a pris toutes les mesures pour que la vaccination soit à la portée de tout le monde, en plus des efforts de sensibilisation.


- Comme la campagne stagne, les stocks de vaccins non utilisés risquent d’être périmés, est-ce le cas actuellement ?

- Je n’ai pas une idée sur l’état actuel des stocks, mais soyez sûr que lorsqu’un vaccin dépasse sa durée de validité, il ne sera plus utilisé. C’est une évidence sachant que le Maroc est assez expérimenté dans la vaccination pour gérer ce type de situation.


- Est-il temps de vivre avec la Covid-19 comme nous le faisons avec la grippe saisonnière ?

- Il y a un grand débat sur cette question, il existe actuellement trois scénarios envisageables sur le plan scientifique. Un premier scénario prévoit la durabilité du virus sous forme d’une endémo-épidémique avec une saisonnalité. C’est l’état d’une grippe qui resurgit à intervalles réguliers.

En revanche, il est possible qu’on soit confronté à un nouveau variant plus contagieux mais moins virulent. Les experts au niveau international n’excluent pas, quoique peu probable, l’hypothèse d’une nouvelle souche beaucoup plus grave que ses prédécesseurs. En revanche, le scénario d’extinction est tout aussi crédible comme ce fut le cas pour le SARS en 2003.


- Omicron a-t-il contribué à renforcer l’immunité collective au Maroc ?

- Oui, effectivement, pour la simple raison qu’il est très transmissible avec un R0 de 10, soit deux fois plus la reproduction de Delta. Il est clair qu’Omicron a contribué à améliorer le niveau de l’immunité à l’échelle de la population.


- Le Molnupiravir s’est-il avéré efficace après son usage au Maroc ?

- Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’études d’efficacité, mais en gros le médicament a été administré convenablement. Nous n’avons pas reçu de réclamations concernant des effets secondaires. Je rappelle que le Molnupiravir n’a pas été utilisé massivement puisque nous n’avons reçu qu’une faible quantité, environ 30.000 boîtes. Il a été prescrit en général pour les personnes vulnérables et âgées.

Nous avons un protocole thérapeutique assez riche et diversifié, les malades peuvent prendre le Molnupiravir ou l’Azithromycine, en plus des vitamines.


- Selon l’expérience accumulée, l’immunité naturelle est-elle meilleure que celle acquise par le vaccin ?

- En pathologie infectieuse, il existe des maladies immunisantes et celles qui ne le sont pas. Par exemple, la rougeole est immunisante pour autant qu’elle ne peut pas réapparaître chez une personne qui en a été atteinte auparavant.

Par contre, la Covid-19 n’est pas immunisante puisqu’il y a le risque de réinfection. L’immunité naturelle acquise par la maladie ne dure pas plus de trois mois. Ce qui est sûr pour le moment, c’est que les pays ayant les meilleures couvertures vaccinales sont ceux qui ont le taux de létalité le plus bas.



Recueillis par Anass MACHLOUKH








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