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Interview avec Krzysztof Karwowski : « Nos échanges avec Rabat dépassent les 1,5 milliard de dollars »


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 23 Août 2022

Féru du Royaume où il a passé une partie de son enfance, l’ambassadeur polonais met toute son énergie dans sa mission. Dans cette interview, il nous parle de l’essor du commerce bilatéral et du groupe de Visegrad avec un aperçu sur les projets de partenariat en cours. Entretien.



Krzysztof Karwowski, ambassadeur de Pologne à Rabat
Krzysztof Karwowski, ambassadeur de Pologne à Rabat
- La coopération commerciale a visiblement prospéré ces dernières années, peut-on avoir un aperçu sur son bilan ?

- J’avoue que les relations bilatérales sont très bonnes, et je pèse mes mots quand je dis cela. Cela fait des années que Rabat et Varsovie coopèrent étroitement, ce qui a été couronné par un essor sans précédent sur le plan économique que nous avons remarqué lors des deux dernières années. Je me réjouis que nous ayons franchi la barre symbolique de 1,5 milliard de dollars de volume des échanges commerciaux qui ont connu une hausse fulgurante, voir même surprenante, en augmentant de 50% en 2021, avec une hausse de 25% l'année précédente. 

Permettez-moi de préciser que cet épanouissement profite au Maroc qui exporte à la Pologne 880 millions de dollars et n’en importe que 650 millions. Ceci signifie que le Maroc s’en sort excédentaire à hauteur de près de 200 millions. Nos deux pays ont pu réaliser une telle performance malgré les contraintes de la pandémie. Si nous en sommes arrivés là, c’est grâce en partie à Tanger-Med qui est resté toujours opérationnel. Cela prouve que le potentiel du négoce bilatéral est important, j’ai l’intime conviction que les deux pays peuvent faire plus.


- Qu’en est-il des investissements ?

- Nous avons un investisseur de taille au Maroc, il s’agit de « CAN-PACK », qui opère dans le secteur de l’aluminium et qui produit presque 1 milliard de cannettes par an. Presque toute canette de boisson que vous buvez provient de l’usine située à quelques kilomètres de l’aéroport Mohammed V à Casablanca. Le groupe, je le rappelle, est polonais avec un capital américain. Récemment, un nouvel investisseur polonais est arrivé au Maroc, qui a pris part au capital de « Centrale Laitière ». J’ajoute que l’entreprise polonaise « POLMLEK » a remplacé BEL dans« Safilait ».

Ceci dit, pour la Pologne, le Maroc est devenu un Hub et une porte d’entrée en Afrique, vu son dynamisme. C’est ce qui explique cette appétence pour le Business. Durant la pandémie, nous avons éprouvé le besoin de diversifier notre commerce, sachant que 80% des exportations polonaises vont vers le marché européen qui demeure très concurrentiel. D’où la nécessité d’avoir des débouchés supplémentaires et le Maroc est l’un des partenaires commerciaux sur lequel nous pouvons compter. Il s’agit du premier partenaire commercial en Afrique et le deuxième exportateur africain vers la Pologne après le Nigeria.


- Quels sont les produits marocains les plus demandés en Pologne et vice versa ?

- L’éventail de note commerce bilatéral a radicalement changé ces dernières années. Autrefois, les phosphates dominaient les importations polonaises. Maintenant, les choses ont changé. Le Maroc exporte de plus en plus de voitures fabriquées localement, tandis que la Pologne exporte au Royaume des voitures de marques Opel et Volkswagen, montées dans les usines du Sud. Les importations polonaises de produits textiles et agroalimentaires auront également tendance à augmenter dans les années qui viennent, sachant que le Maroc est d’ores et déjà un fournisseur important. La Pologne mise, pour sa part, sur les produits électroménagers et sur les produits de consommation intermédiaire tels que les câbles de voiture. Notre industrie, je le rappelle, est concurrentielle dans ces secteurs.


- Nous avons remarqué un rapprochement politique sans précédent entre les deux pays avec des échanges de visites. Y aura-t-il de futures visites de responsables polonais ?

- Nous ne sommes qu’à la veille d’un rapprochement inédit entre les deux pays. Les échanges fréquents de visites ne sont que les prémices d’une véritable alliance. Les visites ont eu lieu au plus haut niveau. Je rappelle celle du président du Sénat qui s’est entretenu avec le Chef du gouvernement et les présidents des deux Chambres du Parlement marocain, en plus du président de la CGEM. Cela montre l’importance qu’attachent les responsables polonais à la coopération avec le Maroc.

Actuellement, nous préparons la visite de notre vice-ministre des Affaires étrangères qui sera focalisée sur le partenariat économique. Nous travaillons également avec nos amis marocains pour tenter d’organiser une visite du chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, à Varsovie et celle du vice-ministre des Affaires étrangères polonais qui aura peut-être lieu en octobre ou novembre 2022. Il y aura aussi des visites d’hommes d’affaires, mais je n’en dirai pas plus.

Tout cela s’ajoute au nouveau format de coopération entre le Maroc et les pays de Visegrad (V4). Par ailleurs, force est de constater que la coopération n’est pas qu’économique, mais elle s’étend au domaine culturel et politique.

Je saisis cette occasion pour dire qu’un traité bilatéral est en cours d’élaboration entre le Maroc et la Pologne, qui comprend la coopération culturelle, universitaire et sportive. Ce rapprochement entre le Maroc et la Pologne intervient dans une conjoncture difficile, marquée par la perturbation du monde à cause de la guerre en Ukraine. Donc, nous sommes en quête de nouveaux partenaires qui soient tout aussi ouverts et crédibles que le Maroc.


- Compte tenu du rapprochement du Maroc avec les pays de Visegrad, est-ce que ces derniers pourraient devenir un intermédiaire audible entre le Royaume et l’UE ?

- Il est évident qu’il existe des intérêts communs entre les pays de Visegrad et le Maroc qui est perçu comme un partenaire stratégique en Afrique. Concernant l’Union Européenne, je ne peux pas affirmer avec certitude le rôle d’intermédiaire auquel vous faites allusion, mais je peux dire que le groupe de Visegrad devient de plus en plus important au sein de l’UE d’un point de vue économique. Le groupe représente 65 millions d’habitants, soit une population égale à celle de la France. Avec l’initiative des Trois Mers qui réunit des pays Baltes, Balkans, l’Autriche et le Groupe Visegrad, nous formons un flanc de l’Est avec une coopération efficace et un potentiel de développement et de croissance important.


- Quel rôle jouent les Chambres de commerce dans la promotion du négoce entre les deux pays ?

- Je rappelle que les contacts entre les deux Chambres de Commerce datent de plusieurs années. Après la pandémie, les contacts et l’échange de visites ont repris et nous avons l’ambition d’encourager les hommes d’affaires marocains à venir en Pologne pour y découvrir des débouchés. C’est pour cette raison que nous attendons impatiemment la visite au Maroc du vice-ministre des Affaires étrangères qui sera accompagné des représentants de la Chambre de Commerce, en plus des hommes d’affaires. L’objectif est d’aboutir à des projets communs.


- Parlons de la politique, peut-on s’attendre à une présence plus importante de la Pologne au Sahara, compte tenu de la volonté des hommes d’affaires polonais d’investir dans les provinces du Sud ?

- D’abord, le voyage de la délégation d’hommes d’affaires polonais a été préparé par l’ambassade du Maroc en Pologne qui fait un énorme travail pour promouvoir le business. Ce fut une visite de reconnaissance et d’exploration au Sahara. Les investisseurs polonais ont eu l’occasion de découvrir les opportunités qu’offrent Laâyoune et Dakhla. Nous avons appris, en début d’année, que l’entreprise polonaise LUG, spécialisée dans l’éclairage, ouvrira un bureau à Laâyoune. Outre cela, le groupe « Oknoplast », spécialisé dans la fabrication des fenêtres, est très intéressé par le marché marocain.



Recueillis par Anass MACHLOUKH


Gazoduc Maroc-Nigeria : qu’en pense la Pologne ?
 
Le Gazoduc Maroc-Nigeria, bien qu’en phase d’étude, fait parler en Europe du moment que le vieux continent cherche des alternatives au gaz de la Russie qui a suspendu ses livraisons aux pays européens en représailles aux sanctions occidentales. « J’avoue que cette initiative m’intéresse beaucoup, le projet demeure dans une phase préliminaire.

Certes, l’Europe aura de plus en plus besoin du gaz et surtout de sources alternatives après l’arrêt des fournitures russes, mais la Pologne, pour sa part, n’est pas tout aussi dépendante que les autres pays européens du moment qu’elle ne dépend pas du gaz russe depuis longtemps », explique l’ambassadeur.

Ce dernier ajoute que Varsovie compte plus sur le gaz norvégien à travers le gazoduc baltique, dont les travaux sont achevés. « Nous avons également construit un grand port pour l’acheminement du gaz naturel liquéfié (GNL). Nous nous sommes mieux préparés que le reste des pays européens en anticipant les conséquences de l’invasion injustifiée à nos yeux de l’Ukraine par la Russie », a-t-il conclu sur ce sujet.
 








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