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Interview avec Khadija Zoumi : « La loi sur les violences faites aux femmes n’a pas eu l’effet escompté »


Rédigé par Safaa KSAANI Mardi 11 Janvier 2022

“Sexe contre bonnes notes” est un phénomène qui vient d’être révélé au grand public dans toute son ampleur. Zoom avec Khadija Zoumi, présidente de l’Organisation de la Femme Istiqlalienne (OFI).



- Plusieurs affaires de harcèlement sexuel impliquant des professeurs ont été récemment dévoilées dans la presse et sur les réseaux sociaux. Quel commentaire en faites-vous ?

- Parler de « sexe contre bonnes notes » est parler de violence sexuelle et d’un type de corruption dangereux et méprisable qu’on ne peut combattre qu’en activant tous les mécanismes disponibles nécessaires.

L’Organisation de la Femme Istiqlalienne suit de près ces cas de violence. Ce phénomène a pesé lourdement sur de nombreuses étudiantes pendant de nombreuses années.


- Ces violences dans le milieu universitaire sont-elles le reflet de la société ? Ces cas sont-ils l’exception qui confirme la règle ?

- Quand on parle de violence conjugale, tous les maris ne sont pas violents, et toutes les femmes ne sont pas violentées. Idem dans le milieu universitaire où les professeurs ne sont pas tous des “malades mentaux”.

Par conséquent, la logique de la généralisation n’est pas acceptable, et il n’est pas acceptable que nous trouvions de tels phénomènes dans l’espace des universités. Par ailleurs, l’OFI dénonce toute violence, qu’elle soit économique, sociale ou conjugale, dans les espaces publics ou privés. Chaque société apporte son lot de mauvaises habitudes et de traditions, qui font que les plaintes déposées restent sans suite.

Généralement, les victimes ne déposent pas plainte, par peur des représailles, peur du regard de leur entourage, peur d’être seules contre tous. Aujourd’hui, des étudiantes osent en parler. Les autorités et le ministère de tutelle ont réagi.


- Le phénomène a-t-il été accentué par la pandemie ? La loi sur les violences faites aux femmes a-t-elle eu l’effet escompté ?

- L’OFI appelle à la protection des familles marocaines, à la protection des étudiants et à la protection de tous les citoyens contre ce fléau qui se multiplie et se diversifie. Nous appelons à renforcer la prise de conscience du phénomène à travers de nouvelles méthodes, étant donné que l’entrée en vigueur de la loi n’a pas eu l’effet escompté.

Au contraire, la violence a considérablement augmenté après la promulgation de ladite loi. Et la violence a augmenté pendant la crise sanitaire et s’est répandue partout.


- Quelques mois après la propagation de la pandémie, l’OFI a publié un livre qui traite des violences pendant cette période. “Le sexe contre bonnes notes” vous inspire ?

- Comme toujours, nous tirons la sonnette d’alarme à travers, entre autres, la publication d’ouvrages. Un livre sera bientôt publié, où nous aborderons les thèmes suivants : “Quel est le rôle des médias dans la lutte contre les violences ?”, “La violence à l’université, le sexe contre les notes”, “Violences économiques, quelle approche ?” “Lectures croisées du Code de la famille”, “Une lecture des politiques publiques et des plans de lutte contre les violences”, ainsi que “La violence, le handicap et la fragilité, quelle relation ?”.


- La loi est-elle insuffisante ?

- Cette loi a ouvert une porte, mais elle comporte des failles, notamment le fait que c’est à la victime qu’il revient le fardeau de la preuve. La loi contre la violence a beau être présente, mais toute loi qui n’est pas appliquée ou exécutée reste rigide. On n’oublie pas de souligner que la loi en question était, depuis le premier jour de son adoption, l’objet de nombreuses observations de la part d’associations spécialisées dans ce domaine.


-Face à ces contrastes, quelle est la solution d’ultime recours ?

-A mon avis, nous devons aujourd’hui rétablir des ponts forts au sein du système moral et oeuvrer à inculquer ces valeurs aux enfants depuis leur bas âge. L’ultime solution est de travailler à diffuser une culture de coexistence fondée sur la paix.

Par conséquent, l’OFI essaie de contribuer au débat public à travers la dénonciation de toutes les formes de violence ou discrimination fondée sur le genre ou la couleur de peau, et dans tous les espaces, que ce soit dans les maisons, les usines, les domaines agricoles, les cafés, les écoles, les universités ou la rue. Également, l’OFI exige l’application de la loi contre la violence, et même une reconsidération de celle-ci pour contenir toutes les formes de violence afin d’être précis.

Les généralisations sont inadmissibles lorsque nous discutons de ces phénomènes odieux, qui peuvent causer des maladies psychologiques graves. Nous devons les combattre par le sérieux et la rigueur nécessaires.


Recueillis par Safaa KSAANI

L'info...Graphie


« Sexe contre notes »


Le dossier chaud passé à Miraoui
 
Depuis l’investiture du nouvel Exécutif, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation supérieure se retrouve embarqué dans le dossier chaud des étudiantes victimes de harcèlement sexuel de la part de certains professeurs. Ce dernier a fait preuve d’engagement et de rigueur, en dépêchant une commission d’inspection, afin d’écouter les plaignantes et interroger plusieurs personnes impliquées dans cette affaire.

Les membres de la Commission devront ainsi livrer leur rapport au ministre de l’Enseignement supérieur. Il sera également question de protéger l’ensemble de cette communauté estudiantine : aussi bien les étudiants que les enseignants, de manière à éviter tout dérapage.

Par ailleurs, Abdellatif Miraoui a donné ses instructions pour instaurer un Numéro vert, valable pour tous les établissements universitaires et les grandes écoles, dont les interlocuteurs sont chargés de recevoir et d’instruire l’ensemble des plaintes qui seront recueillies, y compris les plaintes anonymement formulées.
 

Harcèlement sexuel


Les étudiants universitaires se révoltent
 
Les étudiantes prennent les choses en main. Depuis plusieurs semaines, le scandale de « sexe contre bonnes notes » éclate dans les universités et a pris de l’ampleur suite aux révélations sur les réseaux sociaux.

La première affaire de chantage sexuel à secouer le pays date de septembre dernier après la diffusion sur les réseaux sociaux de messages à caractère sexuel échangés entre un enseignant et ses étudiantes. Le 28 décembre, à Oujda (nord-est), des dizaines d’étudiants ont manifesté pour protester contre le harcèlement sexuel qu’aurait infligé un enseignant à plusieurs élèves de l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion (ENCG), de l’université Mohammed 1er.

Deux jours après, un autre scandale a éclaté, cette fois à Tanger. Ce jour-là, une dizaine d’étudiants de l’Ecole supérieure Roi-Fahd de traduction (ESRFT), de l’université Abdelmalek-Essaadi, avaient porté plainte contre un professeur pour avoir fait visionner à une étudiante une vidéo pornographique, selon des témoignages. L’enseignant a été suspendu et l’université a lancé un dispositif anti-harcèlement.

Si certaines étudiantes osent faire part de leurs souffrances et déposent plainte contre les “agresseurs”, certaines n’ont pas pu se défendre. Tel était le cas d’une étudiante à Agadir en 2009 qui s’est suicidée sous les pressions et le harcèlement répété de son professeur. Et les exemples ne manquent pas.
 

Corruption sexuelle


Transparency Maroc publie un guide pour accompagner les victimes
 
Suite au scandale « sexe contre bonnes notes » qui a secoué le milieu universitaire, Transparency Maroc a publié un guide de lutte contre la corruption sexuelle portant sous le thème : « Nouvelles normes d’intégrité et de responsabilité : reconnaître l’impact de la corruption sur les femmes ».

Réalisé en partenariat avec l’association internationale des juges femmes (IAWJ), Transparency International (TI) et l’Union des femmes juges du Maroc, ce guide, de 74 pages, est un outil destiné à informer, sensibiliser, alerter et aider les personnes physiques (hommes et femmes) et morales (administrations, entreprises, ONG) à lutter contre la corruption sexuelle.

L’objectif de ce guide est de promouvoir un discours national sur l’impact de la corruption sur les droits des femmes, d’informer et de sensibiliser les victimes de la corruption sexuelle sur leurs droits, et de renforcer la connaissance des victimes de la loi et des recours qui existent…

À ce sujet, TM souligne que les incriminations contenues dans le code pénal peuvent permettre la sanction de cette forme très particulière de corruption. D’après cette ONG, plusieurs articles du code peuvent servir de base à la poursuite de ce type de comportement. Par exemple, l’article 250 relatif au trafic d’influence, « où on trouve le même terme “avantage” qui est utilisé dans l’article 248 relatif à la corruption, pour faire obtenir ou tenter d’obtenir une faveur en contrepartie d’un droit ou d’un service censé être gratuit ».

TM fait remarquer que la corruption sexuelle se nourrit du silence des victimes. Pour l’ONG, la première étape est de briser ce silence, et d’oeuvrer pour la mise en place de mécanismes qui permettront aux victimes de dénoncer ce crime. TM recommande ainsi un certain nombre de mesures. Parmi ces mesures : Conseiller, orienter et accompagner les victimes dans leurs démarches de dépôt de plainte.

 








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