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Interview avec Ismaïl El Omari : « Notre responsabilité envers la Terre doit rester centrale »


Rédigé par Safaa KSAANI Mardi 25 Novembre 2025

Architecte de formation, Ismaïl El Omari a fait le pont entre le monde bâti et l’exploration spatiale habitée. Dans cette interview, le co-fondateur de la Moroccan Association for Space Studies (MASpaceStudies) dévoile comment il conçoit des refuges psychologiquement viables pour la Lune et Mars.



- Votre parcours est unique, de l’architecture au monde de l’exploration spatiale habitée (architecture spatiale & participation à un programme spatial analogique) et à la fondation de la Moroccan Association for Space Studies. Qu’est-ce qui a été le déclencheur principal de cette transition vers l’exploration spatiale ? Et quels sont les tenants et aboutissants de ce projet ?

- Depuis que je suis enfant, l’exploration spatiale m’a toujours fasciné. C’était un univers que je gardais vivant en moi, presque comme un rêve discret que je nourrissais au l des années. Mais le véritable déclencheur de ma transition vers l’architecture spatiale est arrivé de façon totalement inattendue, en regardant le film Thee Martian. J’ai ressenti une connexion profonde entre le personnage principal, isolé sur Mars, et son habitat, son seul refuge dans un environnement radicalement hostile. Ce lien presque intime entre un humain et un espace conçu pour survivre m’a profondément marqué. C’est à ce moment-là que j’ai compris qu’il existait une passerelle naturelle entre mon métier d’architecte et le monde de l’exploration spatiale. J’ai littéralement découvert la porte de l’architecture spatiale. Cette transition m’a ensuite conduit à participer au tout premier workshop dédié à ce sujet au niveau de l’International Space University, à ma toute première mission spatiale analogique et enfin à co-fonder la Moroccan Association for Space Studies. Les tenants et aboutissants de ce projet sont clairs : utiliser mon humble petite histoire pour démocratiser les sciences spatiales au Maroc, inspirer les jeunes, et contribuer à construire un écosystème spatial local. C’est pour moi une manière de réunir passion personnelle, engagement éducatif et vision pour l’avenir.

- Comment votre formation initiale en architecture vous aide-t-elle à aborder les problèmes de conception spatiale ?

- Ma formation en architecture m’aide énormément à aborder la conception spatiale, car elle m’a appris à penser l’espace autour de l’humain. Mais la différence névralgique entre l’architecture terrestre et l’architecture spatiale réside dans le changement radical d’environnement. Nous ne concevons plus pour la planète Terre, mais pour des mi- lieux comme la Lune, Mars, ou encore pour des modules habités en orbite, tels que la Station Spatiale Internationale ou la Station Chinoise Tiangong. Dans ces environnements extrêmes, l’architecture ne se limite plus à organiser des volumes : elle devient un outil essentiel pour préserver le bien-être psychologique, mental et physique des astronautes. Les couleurs, la lumière, la sensation d’espace, la capacité à se retirer ou à socialiser, chaque détail influence directement leur moral, leur performance et leur santé. Ma formation m’a appris à intégrer ces dimensions, à concevoir des espaces qui rassurent, stimulent ou apaisent ; des qualités indispensables lorsqu’on vit isolé, conné et loin de notre planète.

- Au-delà des données scientifiques, quel est l’enseignement humain ou philosophique le plus marquant que vous avez tiré de votre mission spatiale analogique simulant la vie sur Mars ?

- Au-delà des aspects scientifiques, ma mission spatiale analogique m’a surtout offert un enseignement profondément humain. Elle m’a fait réaliser à quel point l’humanité cherche à devenir une civilisation interplanétaire. Mais pour y parvenir, ce ne sont pas seulement la technologie ou l’ingénierie qui comptent. Ce sont surtout des valeurs simples, mais essentielles, à savoir : la collaboration, le travail d’équipe, l’acceptation de l’autre et la résilience. Ce sont, selon moi, les véritables outils pour franchir les frontières de notre monde et bâtir un futur spatial responsable. Mais, paradoxalement, cette immersion dans un environnement simulé martien m’a aussi renforcé dans une conviction que l’exploration spatiale n’est pas seulement un moyen de quitter la Terre, c’est un formidable catalyseur scientifique, technologique et humain pour apprendre à mieux vivre ici, sur notre chère planète bleue. En nous éloignant symboliquement de la Terre, on réalise à quel point elle est précieuse et à quel point nous devons la préserver. Feu Sa Majesté le Roi Hassan II avait déjà exprimé cette vision dans Son discours le 14 janvier 1986 à Marrakech : «Nous nous approchons de l’an 2000. Sans doute, nos petits-enfants visiteront la Lune ou Mars en n de chaque semaine... Mais Dieu ne nous a offert que notre planète Terre. Nous nous devons donc de protéger ses spécificités». Cette citation montre combien Feu Sa Majesté le Roi Hassan II était visionnaire, anticipant l’avènement de programmes spatiaux durables comme le programme Artemis de la NASA. Son message reste plus pertinent que jamais : même en visant les étoiles, notre responsabilité envers la Terre doit rester centrale.

- Pour que les initiatives dont vous faites partie (Moroccan Association for Space Studies, clubs universitaires ASTREA et ASTROMED) prennent de l’ampleur, quel type de soutien institutionnel ou privé espérez-vous voir se concrétiser au Maroc ?

- Que ce soit au niveau de la Moroccan Association for Space Studies, que j’ai co-fondée, ou des clubs universitaires qui m’ont fait l’honneur de m’avoir comme mentor, le club ASTREA de l’École Nationale des Sciences Appliquées d’Agadir (ENSA-A) et le club ASTROMED de la Faculté de Médecine et de Pharmacie d’Agadir (FMPA), la mission principale de toutes ces initiatives est de créer une ouverture vers le monde de l’exploration spatiale, un univers devenu aujourd’hui profondément pluridisciplinaire (Architecture, Ingénierie, Médecine, Psychologie, Economie, Biologie, Education .. ). Pour que ces initiatives prennent davantage d’ampleur au Maroc, un soutien institutionnel et privé est essentiel. Au niveau institutionnel, il s’agirait de reconnaître l’importance de la formation spatiale dès le niveau scolaire et universitaire, de faciliter l’accès à des infrastructures adaptées et de soutenir financièrement et logiquement des programmes éducatifs et scientifiques. Du côté privé, un accompagnement via le mécénat, les partenariats avec des entreprises technologiques ou des start-ups innovantes et l’accès à des mentors et experts internationaux peuvent permettre de stimuler la curiosité, la créativité et l’engagement des jeunes. Ces soutiens ne sont pas seulement matériels ou nanciers. Ils signifient aussi une reconnaissance de l’importance de l’espace comme moteur d’innovation et d’inspiration, ainsi qu’une confiance dans le potentiel de la jeunesse marocaine à contribuer à ce domaine fascinant. Pour moi, c’est en combinant ces énergies que nous pourrons vraiment créer un écosystème durable, capable de former et d’inspirer la prochaine génération d’explorateurs et de scientifiques.

- Sans révéler de secrets industriels, quel est le prochain grand projet ou la prochaine grande étape de votre carrière ou de vos organisations pour l’année à venir ?

- Cette année 2025 a été pour moi incroyablement riche et stimulante. J’ai eu la chance d’animer une dizaine de conférences dans plusieurs Facultés et Grandes Ecoles nationales, et ce qui m’a le plus marqué, c’est l’enthousiasme et la curiosité extraordinaires de la jeunesse marocaine, issue de formations très diverses. Cela m’a profondément convaincu que l’exploration spatiale est un monde qui parle à tous, et qu’il est possible de susciter des vocations dès le plus jeune âge. La prochaine étape, que ce soit sur le plan personnel ou à travers la Moroccan Association for Space Studies, sera de multiplier les programmes et événements destinés aux enfants et aux jeunes de notre pays. Avec nos moyens modestes mais une volonté inébranlable, nous voulons contribuer à construire, pierre par pierre, le socle d’un futur programme spatial pensé par une expertise 100% marocaine et véritablement diversifiée. Pour ma part, il ne s’agit pas seulement de parler d’espace, mais de dire aux enfants et aux jeunes de mon pays qu’eux aussi peuvent un jour participer à cette aventure extraordinaire, celle de porter les couleurs de notre pays vers d’autres mondes et faire partie d’une future Royal Moroccan Space Agency, inshaa Allah !







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