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Interview avec Gal Sidiki Daniel Traoré, Commandant de la Force de la MINUSCA : « Le Royaume est un grand contributeur dans les missions de maintien de la paix en Afrique »


Rédigé par Wolondouka SIDIBE Lundi 25 Juillet 2022

En marge de la 6ème édition de la Conférence annuelle sur la paix et la sécurité en Afrique (ASPACO), organisée les 20 et 21 juillet 2022 à Rabat par Policy Center For The New South (PCNS), le Lieutenant-Général Sidiki Daniel Traoré, Commandant de la Force de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République Centrafricaine (MINUSCA), s’est confié à L’Opinion. Une rencontre placée sous le thème : « La sécurité africaine en période d’incertitudes ». Eclairages.



- Que représente pour vous, Mon Général, ce genre de conférence sur la sécurité en Afrique ?

- Cette conférence, à travers le think-tank marocain qu’est le PCNS, est une opportunité de permettre aux Africains de se pencher sur la sécurité du continent. J’avais déjà eu l’opportunité de participer à la troisième édition d’ASPACO (Conférence annuelle sur la paix et la sécurité en Afrique) organisée en 2019. Elle était axée sur la problématique de la sécurité vue sous l’angle de l’institution panafricaine qu’est l’Union africaine. C’est donc une chance que nous avons de pouvoir nous concerter parce que si l’on va en rang dispersé, comme l’a évoqué l’un des intervenants au sujet de l’Union du Maghreb, nous n’arriverons pas à combattre efficacement le terrorisme ni l’insécurité.

En évoluant solitairement, nous ne parviendrons pas à instaurer la paix. Et sans paix, il n’y a point de développement. Nous ne devrions pas apporter une réponse individuelle à une problématique collective. D’où l’importance de la rencontre de Rabat sur la sécurité en Afrique.

En effet, ce cadre nous permet de trouver des réponses collectives à partir d’idées individuelles que nous venons d’exposer. C’est une synergie d’actions qui est essentielle et indispensable si nous voulons changer sérieusement la donne en matière de question sécuritaire.


- Souvent, on parle de solution africaine à la question sécuritaire. Quelle est votre analyse à ce sujet ?

- Il faut dire que la question de la sécurité est multiforme. Bien entendu, en la matière, l’Afrique doit venir avec sa vision. Celle-ci trouvera sa place dans le monde globalisé. L’exemple de la guerre russo-ukrainienne est édifiant car elle impacte tous les systèmes sécuritaires et, par conséquent, tous les dispositifs dans la sauvegarde de la paix.

Aujourd’hui, on ne peut pas vivre en vase clos, en autarcie et pouvoir régler le problème de la sécurité qui concerne le monde entier. Il faudrait plutôt partir d’un point fédérateur pour poser sa vision dans ce contexte mondial comme le fait l’Occident. Ces pays s’organisent pour apporter une solution commune. L’Afrique peut en faire autant et cela est possible.

Ainsi quand on sera en face de nos interlocuteurs occidentaux ou autres, cela permettra de trouver une réponse commune qui satisfera les intérêts des uns et des autres. Il ne faut pas se leurrer, le monde d’aujourd’hui est gouverné par le jeu des centres de puissances.


- On dit également que sans sécurité, il n’y a pas de paix et sans paix point de sécurité. Autrement dit, la paix ne doit pas être un mot mais un comportement. Qu’interpelle chez vous cette assertion ?

- C’est vrai, la paix ne doit pas être un mot mais un comportement, un état d’esprit. Généralement, comme j’aime à le dire, la restauration de la paix ou la recherche de la paix commence par soi-même, par la paix intérieure. En tant qu’individu, on est parfois en conflit avec soi-même. Donc il faut faire la paix avec soi-même et c’est partant de là que l’on peut apporter aux autres la paix dans un espace beaucoup plus large.

Par exemple, quand vous venez dans une discussion sur un conflit alors que vous-même vous êtes porteurs de tout ce qui est négatif, comment allez-vous trouver une solution de paix ? Car vous ne serez pas dans la dynamique qui concourt à la paix.


- Justement, cette conférence intervient dans un contexte particulier avec le conflit entre la Russie et l’Ukraine, l’Afrique doit-elle rester neutre ?

- Je ne crois pas tellement à la neutralité, encore moins dans ce monde globalisé, parce que quel qu’en soit l’acte que nous allons poser, il sera interprété d’une certaine façon. Il faudra que l’Afrique puisse saisir l’opportunité à travers cette guerre car cette dernière va impacter sur le rôle mondial des différents continents.

L’Afrique a donc une occasion à saisir pour pouvoir se faire entendre. Cela a déjà commencé, que ça soit au niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies ou au Conseil onusien des droits de l’homme. Le danger sera encore de partir à ce niveau en rang dispersé devant ces institutions internationales. C’est là tout le défi, car l’Afrique est aussi multiforme.


- Quel rôle peut jouer le Maroc dans la recherche de la paix et de la sécurité en Afrique ?

- Le Maroc est déjà un pays de tradition pacifique, je veux dire même dans le comportement individuel des personnes. A cela s’ajoute le fait que le Maroc s’est impliqué, depuis très longtemps, dans la question sécuritaire et de la paix en Afrique et dans le monde.

A ce niveau, le Royaume est un grand contributeur dans les missions de paix et de sécurité en Afrique. La plupart des contingents que j’ai eu à diriger, il y a toujours une forte présence de troupes marocaines. Il s’agit de contributions très louables sans compter que le Maroc est un pont entre l’Occident, l’Orient et l’Afrique. Il a, d’ailleurs, déjà présidé le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine.


- Enfin, quels sont les défis aujourd’hui qui se dressent à la MINUSCA, où vous assurez la fonction de Commandant de la Force ?

- Ces défis sont d’abord liés au nouveau contexte des conflits que nous connaissons aujourd’hui. Les Missions sont déployées dans des zones où il n’y a pas encore de paix à maintenir et où sévit encore des conflits meurtriers entre les belligérants. Alors que l’outil privilégié de la paix doit être dans les moyens pacifiques.

Les actes posés sont vus différemment selon les parties en conflit. Qu’à cela ne tienne car tant que l’on travaillera sur les fondamentaux de la paix en mettant en avant la protection de la population civile, nous arriverons toujours à accomplir l’essentiel de la mission.

Mais je dois avouer que le contexte aujourd’hui est très difficile avec en face plusieurs acteurs (étatiques, non-étatiques, internes et externes) aux intérêts antagonistes avec des visons différentes. Il faut donc tenir compte de tous ces facteurs pour pouvoir travailler et remplir son mandat. Ce n’est pas évident.




Recueillis par Wolondouka SIDIBE


Bon à savoir
 
Le général de corps d’armée Daniel Sidiki Traoré (Burkina Faso) a été nommé, le 21 janvier 2020, commandant de la Force de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en Centrafrique (MINUSCA). Le général de corps d’armée Traoré succède au général de corps d’armée Balla Keita, du Sénégal, qui achèvera son mandat le 29 février 2020.

Le Secrétaire général lui est reconnaissant pour son engagement inlassable, son service inestimable et son leadership efficace. Le général de corps d’armée Traoré a eu une carrière distinguée depuis qu’il a rejoint l’armée du Burkina Faso en 1977.

Il possède également une vaste expérience du maintien de la paix, ayant récemment servi comme commandant adjoint de la force de la MINUSCA, en 2018, et en tant que commandant du secteur ouest au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) de 2014 à 2016.

Au préalable, il était commandant de secteur de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) dans l’ouest du Darfour, de 2012-2014. Le général de corps d’armée Traoré est détenteur d’une maîtrise en sociologie et ressources humaines décernée par l’Université de Ouagadougou, au Burkina Faso, ainsi que d’une maîtrise en histoire et archéologie de l’Université de la Sorbonne, à Paris. Il parle couramment l’anglais et le français.