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Interview avec Gabriel Yared : « Une bonne musique de film est avant tout une musique mémorable »


Rédigé par Mina Elkhodari Jeudi 17 Novembre 2022

Le compositeur français d’origine libanaise Gabriel Yared marque sa présence dans le programme « In conversation with » organisé en marge du Festival international du film de Marrakech (FIFM) qui se poursuit jusqu’au 19 novembre.



Crédit photo : VALERY HACHE / AFP
Crédit photo : VALERY HACHE / AFP
Orchestrateur et compositeur de musique pour le cinéma qui a signé d’inoubliables musiques de films dans une carrière de plus de 40 ans couronnée d’un César pour la meilleure musique de film pour « L’Amant » puis d’un Oscar de la meilleure musique de film pour « Le Patient Anglais » , Gabriel Yared - ou le génie de la musique - revient sur la genèse de son rapport à la musique arabe classique et nous livre sa vision d’une bonne musique pour le 7ème Art.


- Vous avez commencé votre parcours musical par des cours d’accordéon, avant de vous tourner vers le piano. D’où est née votre passion pour la musique et pour le piano en particulier ?

-L’accordéon n’a jamais était un choix. J’avais 4 ou 5 ans, je ne me souviens pas, mais c’est mon père qui me raconte que j’ai passé un jour devant une vitrine pour acheter des choses pour le Noël, c’est à ce moment là que j’ai dis je veux ça (un piano). Vous savez comment on peut être inconscient quand on est habité et passionné, généralement on se rend pas compte de cela.

En fait, tout ce qui est de la musique pour moi était comme une résonnance en moi qui réagit à ce que je vois. Donc, j’ai fait beaucoup d’accordéon avec un professeur tchèque qui, à cette époque, avait dit à mon père : « Je lui ai tout appris, il est temps qu’il fasse un autre instrument » et j’ai fait le piano.


- Vous êtes né au Liban avant de vous installer au Brésil et ensuite en France, comment est-ce que la musique classique arabe vous a-t-elle influencé ?

- La musique classique arabe ne m’a pas influencé au départ tout simplement parce que je ne l’aimais pas quand j’étais au Liban. Quand j’ai quitté mon pays pour aller au Brésil et après vers Paris, je suis retourné une fois au Liban. Ma grande mère avait dans la bibliothèque de feu son mari un grand livre qui s’appelle « Le Congrès de la Musique Arabe 1932 au Caire » qui est le premier livre où tous les musicologues notables du bassin méditerranéen, y compris l’Afrique du Nord, ont écrit tous les macamates et les rythmes arabes. Je l’ai pris avec moi vers Paris avec une idée claire : je m’en fou de la musique arabe. C’était de la variété, charmante et mignonne mais qui ne m’intéressait pas du tout.

Petit à petit, à cause de certains projets de films comme celui avec Costa-Gavras qui s’appelle « Hanna K » qui se passe en Palestine et un film avec le réalisateur Marouan Bagdadi qui s’appelle « Les Petites guerres » en 1982 réalisé au Liban, j’ai commencé à ouvrir ce livre et j’ai découvert que la musique classique arabe est extrêmement riche. Je me suis donc rendu compte que ce j’entendais au Liban ne représentait pas du tout la réalité des choses.

La musique arabe m’a forcément inspiré sur un plan rythmique mais aussi en termes d’élargissement. Pour cela, il ne faut pas toujours se dire : moi j’aime cela et je n’aime pas cela. Au moment où nous n’arrivons pas à aimer autre chose, c’est parce qu’on n’a pas encore appris d’où elle vienne. C’est pour cela, en fait, que je recommanderai l’éclectisme le plus absolu et pour s’ouvrir à toutes les musiques du monde parce qu’elles contiennent une certaine vérité qu’on aurait tort de s’en passer.

Evidemment, car la musique arabe est très sophistiquée et ce n’est pas ce qu’on entend. Quand on entend les musiciens arabes classiques quand ils improvisent, c’est de toute beauté... C’est un ensemble qui forme une vraie culture à part entière que j’admire.
 
La musique arabe m’a forcément inspiré sur un plan rythmique mais aussi en termes d’élargissement.

- Après plus de 40 ans de carrière et plus de 100 musiques de films, laquelle est la plus proche de votre coeur ?

- (Rire), ce qui n’est rien car d’autres compositeurs ont en fait déjà 500 et plus. J’estime que je suis dans une moyenne. Je ne pourrais pas vous dire car je ne réécoute jamais ma musique. Pour moi, le passé reste un passé. Si je réécoutais attentivement, je dirais sûrement que je n’aurais pas dû faire ça ou cela car je suis très critique envers moi-même et Dieu merci car c’est cela qui me permet de me renouveler tout le temps. Mais, il y a une seule musique qui me dépasse que j’ai composée pour un film qui s’appelle « Camille Claudel ». Quand je l’écoute encore, je me dis : Gabriel, comment tu l’as fait ?


- Vous êtes présent à la 19ème édition du Festival international du film de Marrakech. Qu’est-ce qu’une bonne musique de cinéma pour vous ?

- Oui, ce festival lui-même (rires). Une musique réussie est celle qui se marie parfaitement avec les images et qui reste gravée dans la mémoire du spectateur quand il quitte la salle. Pour qu’elle reste, c’est que le réalisateur lui a laissé de l’espace pour s’exprimer et pour la faire bien entendre pour ne pas entendre que le dialogue et la musique derrière sur des paysages ou autres. C’est une musique qui a un thème.

Tout le monde se souvient par exemple des films « Docteur Jivago » sorti en 1965, « Lawrence d’Arabie » en 1962 ou « L’Affaire Thomas Crown » en 1968, car il y a un thème qui reste gravé dans la tête de chacun. Une musique de film réussie est une musique qui fait son travail de musique de film mais qui a aussi un thème important et marquant qui fait qu’on ne l’oublie jamais.



Recueillis par Mina ELKHODARI

 

 








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