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Interview avec Dr Sakina YAALAOUI : La sismothérapie, un traitement pas aussi choc qu’on ne le pense


Rédigé par Dr Anwar CHERKAOUI Lundi 27 Septembre 2021

100.000 électrochocs ou sismothérapies sont pratiqués chaque année aux USA, pour traiter certaines formes récalcitrantes de dépression et soulager certains schizophrènes de leur délire maladif, alors qu’au Maroc nous ne disposons d’aucune statistique officielle.



La sismothérapie est très développée dans le secteur libéral à Casablanca. Elle ne se pratique plus, depuis une quinzaine d’années, dans le plus grand centre national formateur en psychiatrie, l’hôpital universitaire Arrazi de Salé, par absence d’un médecin anesthésiste réanimateur sur place. C’est une raison non recevable et incompréhensible, du fait notamment que l’hôpital Arrazi fait partie du grand CHU de Rabat-Salé.

« Nous ne pouvons pas exploiter le nouvel appareil de sismothérapie, dernier modèle, complètement digitalisé », s’indigne Pr Taoufik Jalal, médecin directeur de l’hôpital Arrazi. Pour le centre universitaire psychiatrique de Marrakech, « la sismothérapie est en arrêt provisoire, suite à la rénovation architecturale des locaux qui vont abriter cette technique thérapeutique », indique Pr Fatiha MANOUDI, chef du service psychiatrique du CHU de Marrakech. Et pour en savoir plus sur l’électrochoc, sismothérapie ou convulsivothérapie, « L’Opinion » a interviewé une psychiatre praticienne dans le secteur libéral à Casablanca, Dr Sakina YAALAOUI.


- Dr Anwar CHERKAOUI : en cette fin 2021, l’utilisation de l’électrochoc comme traitement psychiatrique peut paraître anachronique. Qu’en pensez-vous ?

- Dr Sakina YAALAOUI : le traitement des maladies mentales par des électrochocs est une thérapie aujourd’hui bien maîtrisée et obéit à des règles scientifiques strictes. Le traitement par électrochoc ou sismothérapie est très efficace contre certaines formes de dépression et de schizophrénie.

L’électrochoc ou sismothérapie, appelée également électroconvulsivothérapie, a été découvert fortuitement. Cela consiste à lancer un courant électrique d’intensité variable sur le cuir chevelu du malade dans le but de créer une crise d’épilepsie. Les médecins ont alors constaté que cela donne de bons résultats chez certains malades atteints de maladies psychiatriques.

L’électroconvulsivothérapie a été découverte à la fin des années 1930. Le premier cas d’électrochoc a été appliqué en 1938 sur un malade schizophrène. Et on a constaté alors que le malade est devenu plus calme, plus sage et surtout moins délirant. La sismothérapie a été utilisée de façon empirique jusque dans les années 1970, mais son usage est aujourd’hui bien contrôlé, affirme Dr Sakina Yaalaoui.


- Dans quelles conditions se déroulent une séance de sismothérapie ?

- Toute séance d’électrochoc se fait sous anesthésie générale en présence d’un anesthésiste réanimateur. Et elle obéit donc à tout examen préanesthésique.

Dans ce sens, il faut faire tout un bilan sanguin, ophtalmique, cardiaque et neurologique, afin d’éliminer toute contre-indication ou risque de complication. Il est donc impératif avant de réaliser un électrochoc, de réaliser un Fond d’oeil et un scanner cérébral. Et ce n’est qu’en obtenant le feu vert des radiologues, qu’il n’y a pas de processus évolutif, notamment tumoral au niveau cérébral, qu’on peut alors procéder à la réalisation de la première séance de sismothérapie.


- Quelles sont les principales indications de la sismothérapie ?

- La principale indication à l’électrochoc en psychiatrie, c’est la résistance aux traitements conventionnels. Les malades qui ne présentent aucune évolution favorable sous traitement chimique (médicaments) et psychothérapeutique, donnés à la bonne dose et pendant la durée nécessaire, sont les premiers candidats à bénéficier du traitement par électrochoc.

Ainsi, quand on donne un traitement neuroleptique ou antidépresseur à la bonne dose et pour la bonne durée et que le patient ne présente aucune bonne évolution, l’électrochoc est fortement recommandé.

De même, dans certains cas de femme enceinte souffrant de dépression ou de schizophrénie, on propose la sismothérapie en première intention, étant donné que, pharmacologiquement parlant, on a les mains liées. L’électrochoc est très efficace. Et il n’y a pas de risque ni pour la femme enceinte ni pour son bébé.


- Explicitement, quelles sont alors les principales contre-indications à l’électroconvulsivothérapie ?

- Il est important de relever que toute cause qui entraîne une hypertension intracrânienne, qui peut s’exacerber par un électrochoc, est la principale contre-indication à cette technique thérapeutique. D’où la nécessité de procéder au maximum d’examens, parfois même de recourir à une IRM associée à un Fond d’oeil, afin d’éliminer tout risque pour le malade.

L’examen cardiovasculaire est également indispensable, car en cas d’antécédent d’infarctus de myocarde (communément appelé crise cardiaque) ou en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC) survenu il y a moins de 6 semaines, l’électrochoc est contre-indiqué.


- Y a-t-il une caractéristique à cette technique thérapeutique ?

- Ce qu’il faut remarquer, c’est qu’avec l’électrochoc, les résultats positifs se voient rapidement dès les premières séances, effectuées généralement durant une semaine. Le malade n’exprime plus de façon intense ces idées noires pour le dépressif récalcitrant et il est moins délirant pour le schizophrènes.

Mais, cela nécessite tout un protocole. Il y a un traitement de démarrage qui doit être intensif, pour obtenir de bons résultats. Ce sont quinze séances, à raison de 3 séances par semaine. Puis on diminue les séances en fonction de l’amélioration de l’état clinique du malade. Cela comporte par ailleurs un traitement d’entretien, à raison d’une séance par mois, voire tous les 2 mois.

Pour certains patients, une séance semestrielle est largement suffisante pour maintenir l’équilibre thérapeutique. Et j’insiste qu’en tant que psychiatre : je ne commence une séance d’électrochoc qu’en présence d’un médecin anesthésiste réanimateur, afin de parer à tout incident lié à l’acte d’anesthésie générale.


- Comment se déroule la séance de sismothérapie ?

- Chaque séance dure environ vingt minutes. Une stimulation électrique est délivrée afin de provoquer une crise convulsive généralisée qui dure entre 20 et 120 secondes. Les effets de l’anesthésie se dissipent quelques minutes après la convulsion.

Lorsqu’il retrouve conscience avec un état respiratoire et cardiovasculaire satisfaisant, le patient est conduit en salle de réveil et surveillé pendant environ une heure. Les effets secondaires sont légers et éphémères. Il peut s’agir de maux de tête ou d’amnésie critique. Le patient ne se souvient pas de l’instant juste avant l’acte. Mais c’est une amnésie de courte durée et réversible. Après la cure, très progressivement, le malade récupère ses capacités cognitives.


- En vue de quels résultats choisissez- vous cette technique thérapeutique ?

- En termes de résultats, cette technique est pratiquée essentiellement chez les adultes et non chez les personnes âgées. Et en termes de bons résultats, mon principal indicateur est la disparition des symptômes dont souffrait le patient ou la patiente. On constate que pour le malade qui était en dépression, son humeur s’améliore, parfois même présente une certaine forme d’excitation et pour le malade schizophrénique, il présente moins de délires.


- En conclusion…

- Si le taux de réponse positive à la sismothérapie est élevé, le taux de rechute peut l’être également. Cependant, il est possible de diminuer fortement ce risque grâce à plusieurs stratégies. Un suivi psychiatrique et psychothérapeutique du patient reste central et à cela s’ajoute la médication. Il est parfois possible d’utiliser la convulsivothérapie en prévention de la rechute, en espaçant progressivement les séances sur une durée de 6 mois. La sismothérapie est parfois utilisée sur du plus long terme, elle devient alors un traitement préventif de nouveaux épisodes.

 
Réalisée par Dr Anwar CHERKAOUI








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