-Quelle lecture faites-vous de la résolution du Conseil de Sécurité. Peut-on dire que c'est la fin officielle du conflit ?
La résolution 2797 du Conseil de sécurité de l’ONU, votée avec 11 voix positives, 3 abstentions et seulement une voix contre (l’Algérie) est un immense succès pour le Maroc et un tournant historique dans l’histoire du conflit dit du « Sahara occidental ».
Il y a deux phrases clé dans cette résolution. La première est que le « Conseil » affirme que « l’autonomie réelle sous souveraineté marocaine constitue la solution la plus réaliste et applicable » et il « salue le large soutien international exprimé à cette initiative » (le plan marocain de 2007 donc).
La deuxième phrase clé est que le Conseil de sécurité « invite les parties à s’engager dans ces discussions sans conditions préalables, en prenant la proposition marocaine d’autonomie comme base ». Traduction ? L’ONU, par la voix du Conseil de sécurité, affirme pour la première fois qu’il n’y a pas de solution au conflit politique en dehors de l’autonomie dans la souveraineté marocaine.
Jusqu’à présent le Maroc avait gagné la bataille des Etats. Par un travail patient et acharné de plus de 25 ans, il avait amené les deux tiers des Etats du monde sur sa position, à savoir la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental dans un cadre d’autonomie. Ce qui est nouveau c’est que cette stratégie est maintenant validée par l’ONU qui abandonne le cadre poussiéreux de la Guerre froide dans lequel ce conflit était gelée depuis des décennies. La majorité est claire et forte et il n’y a aucun veto de la part de l’un ou plusieurs des 5 membres permanents.
Maintenant est-ce à dire que le conflit est terminé ? Le Maroc a gagné la bataille politique mais si l’Algérie s’obstine dans le déni géopolitique et historique ce n’est pas la responsabilité du Maroc ! Les dirigeants algériens vont devoir prendre leurs responsabilités. Peuvent-ils continuer à soutenir le Polisario et refuser la voix de la sagesse ? Nous le saurons bientôt.
“La résolution 2797 du Conseil de sécurité de l’ONU est un immense succès pour le Maroc”
-Que signifie, selon vous, le plan d’autonomie comme base de négociation ?
Cela veut dire que la souveraineté marocaine du Sahara n’est pas un objet de discussion ; c’est un préalable qui doit être accepté par tous avant de commencer à discuter de la forme que peut prendre l’autonomie des populations sahraouies dans le cadre de la marocanité.
“L’ONU, par la voix du Conseil de sécurité, affirme pour la première fois qu’il n’y a pas de solution au conflit politique en dehors de l’autonomie dans la souveraineté marocaine”.
-La Russie et la Chine se sont abstenus. Du point de vue marocain, il s’agit de gestes amicaux puisque les deux pays n’ont pas fait obstruction. Comment vous lisez l'abstention ?
Comme un vote positif ! En effet, il faut regarder l’évolution de la position de ces deux membres permanents du Conseil de sécurité. Compte-tenu de l’Ukraine pour la Russie, ou de la guerre commerciale pour la Chine, Moscou et Pékin auraient pu se « venger » de Washington en bloquant une résolution largement soutenue par Trump. Ils ne l’ont pas fait. Ils ont fait prévaloir leur relation avec le Maroc sur toute autre considération. Moscou essaie de maintenir l’équilibre entre Rabat et Alger. C’était difficile de voter clairement en faveur de la résolution mais les Russes savaient qu’en n’opposant pas leur veto, la résolution allait passer. Idem pour les Chinois. La stratégie multipolaire du Maroc voulue par Sa Majesté et mise en œuvre brillamment depuis des années par le Ministre Bourita a donc payé. Le Maroc a pris soin de développer des relations de qualité avec l’Ouest comme avec l’Est. C’est une politique nationale d’indépendance intelligente qui paie aujourd’hui à l’ONU par la mise en échec des risques de veto.
“Moscou essaie de maintenir l’équilibre entre Rabat et Alger. Les Russes savaient qu’en n’opposant pas leur veto, la résolution allait passer”
-Quel sera le sort du Polisario ? On se rappelle de celui du PKK turc qui a fini par déposer les armes et revenir à la raison après des années de combat séparatiste. Ce scénario est-il possible à court terme ?
Il est difficile de dire ce que le Polisario va devenir. Il peut choisir une voie réaliste consistant à abandonner directement son objectif illusoire de construction d’un petit Etat faussement souverain car dans les mains d’Alger, au profit d’une sorte d’organe de négociation des intérêts des populations sahraouies des camps qui ne sont pas encore intégrées dans la province autonome du Sahara marocain. Mais je pense que son sort sera décidé à Alger. Soit Alger va continuer à l’utiliser comme un outil de « perturbation » géopolitique, soit il va le « débrancher » purement et simplement au profit d’un « deal » avec Rabat permettant à l’Algérie d’obtenir, par exemple, des facilités d’accès sur l’océan Atlantique. Vous parlez du PKK, ce qui est vrai c’est que les exemples abondent dans l’histoire mondiale de mouvements politiques d’abord adeptes de la violence et du terrorisme et qui se sont transformés en organes de négociation.
“Je pense sincèrement que le sort du Polisario sera décidé à Alger”
-Le Maroc a tendu la main à l'Algérie. La résolution peut-elle ouvrir la voie à la réconciliation maroco-algérienne sous patronage américain ?
J’ai écouté avec attention le discours de Sa Majesté Mohammed VI. J’ai trouvé que c’était un très beau discours, sans aucun triomphalisme ni aucune arrogance. Beaucoup de hauteur et de simplicité. Le Roi tend la main à l’Algérie, et il s’adresse au président Tebboune comme à un frère. C’est élégant et intelligent car si l’on veut être constructif il faut aider l’adversaire à ne pas perdre la face plutôt que le piétiner dans son échec. L’Algérie a perdu le combat politique. Le Maroc lui tend la main. Ce serait intelligent de la part des Algériens de négocier un accord gagnant-gagnant pour les deux pays et de tourner la page du conflit du Sahara. Mais « est-ce possible » compte-tenu de la nature même du régime algérien, de la psychologie et de l’idéologie de ses dirigeants et de la fragilité interne aussi du régime algérien ?
“Ce serait intelligent de la part des Algériens de négocier un accord gagnant-gagnant”
-Si on prend un peu de recul, quelle lecture faites-vous de la stratégie de gestion du conflit par la diplomatie marocaine ?
Quel chemin parcouru depuis le début du règne de Sa Majesté Mohammed VI en 1999 ! J’ai encore le souvenir de mes participations comme pétitionnaire du Royaume à la 4e Commission des Nations unies à New York il y a 20 ans, une époque où l’ONU restait piégé dans la phraséologie de la Guerre froide, du colonialisme et de l’opposition Est-Ouest. Patiemment, en refusant l’escalade armée et convaincus de leurs droits historiques, la diplomatie marocaine et plus largement l’ensemble des services marocains contribuant au rayonnement du Royaume, ont travaillé à convaincre la quasi-totalité des Etats du monde du bien-fondé des positions marocaines. J’ai assisté à toutes les étapes, les reconnaissances étatiques de la marocanité, les ouvertures de consulats à Dahkla ou Laayoune, le basculement des Etats-Unis, de l’Espagne, de la France, du Royaume-Uni, des nombreux pays africains et latino-américains, l’évolution des positions russe et chinoise, parce que le Maroc savait parler multipolarité ou entendre le discours chinois sur les Routes de la Soie… Quel chemin parcouru avec une constance acharnée ! Faut-il rappeler que ce tournant historique du 31 octobre 2025 arrive au moment où le Royaume du Maroc fête les 70 ans de son indépendance et les 50 ans de la Marche Verte ? Comme une sorte de dénouement parfait dans la grande histoire millénaire du Maroc…



















