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Interview avec Amine Nasseur : « Le théâtre marocain est en quête d’un nouveau souffle »


Rédigé par Mina Elkhodari Dimanche 18 Septembre 2022

A l’heure où la pièce théâtrale marocaine « Chatarra », de la troupe Thifswin d’Al Hoceima, a remporté le Grand Prix de la meilleure pièce de la 29ème édition du Festival international du théâtre expérimental du Caire, Amine Nasseur, artiste et metteur en scène, considère que le théâtre marocain a besoin d’une plus grande structuration.



Interview avec Amine Nasseur : « Le théâtre marocain est en quête d’un nouveau souffle »
- La pièce théâtrale « Chatarra » a remporté le Grand Prix du festival international du théâtre expérimental du Caire, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

- Participer au festival du Caire en Egypte était en lui-même un honneur pour moi et pour toute la troupe car nous étions la première équipe à représenter le Maroc dans un tel événement qui a connu la participation des artistes de tous bords. Ainsi, être parmi les artistes figurant dans la liste finale de 14 pièces théâtrales parmi un total de 200 a été aussi un honneur mais une grande responsabilité pour mieux représenter notre pays.

A travers « Chatarra », le Maroc a participé pour la première fois au grand festival de théâtre expérimental dans le monde arabe. Pour nous, le fait de gagner le Grand Prix de ce festival qui date de 29 ans était un exploit non pas seulement pour notre troupe « Thifswin » mais aussi pour le théâtre national. Cela veut certainement dire que nous sommes sur la bonne voie.


- On ne peut parler de votre parcours artistique sans évoquer votre expérience au sein de la troupe « Masrah Enass » avec le défunt Tayeb Seddiki, comment mesurez-vous l’impact de cette expérience sur votre carrière d’artiste et de metteur en scène ?

- Je me rappelle très bien du premier jour où le grand artiste Tayeb Seddiki m’avait accueilli pour faire partie de la troupe « Masrah Enass » en 2002. Depuis, j’ai participé, avec lui, dans 3 pièces théâtrales, notamment « El-Harraz ». Cette expérience a marqué ma carrière d’abord en tant qu’acteur et après en tant que metteur en scène. En fait, j’ai beaucoup appris de cette icône du théâtre et je lui serai toujours reconnaissant de m’avoir appris les bases du théâtre.


- La pièce de théâtre « Chatarra » traite de la situation des femmes immigrées, à travers trois femmes qui racontent leurs souffrances, dans quelle mesure le théâtre contribue, selon vous, à lever le rideau sur les questions sociales et sociétales ?

- En fait, il faut savoir que c’est le rôle ultime du théâtre et de l’art en général. Le théâtre devient le miroir de la société en attirant l’attention sur les questions de tous les jours et veut davantage pousser le public à réfléchir sur des sujets de manière « extraordinaire », et donc au-delà de ce qui est purement ordinaire. L’art en lui-même n’est pas fait seulement pour amuser mais aussi pour inciter le public à poser les questions et à trouver les réponses sur des sujets qui l’intéressent. Pour cela, le théâtre est le père des arts et le père du savoir aussi.


- Le fait qu’une troupe de théâtre marocaine soit primée dans un grand festival comme celui du Caire en Egypte est le premier exploit de son genre pour une troupe marocaine, dans quelle mesure peut-on dire que le théâtre marocain moderne a bénéficié de l’apport de l’élite théâtrale marocaine durant les dernières décennies ?

- Les nouvelles expériences dans le théâtre marocain ne sont pas nées au hasard. J’estime que c’est une continuité de ce qui a été réalisé par notre ancienne génération lors des années 60, 70 et 80 du siècle dernier. Dernièrement, plusieurs expériences théâtrales ont bien marqué la scène artistique marocaine. De nouveaux jeunes artistes ont pris la relève pour proposer des travaux artistiques en forte adéquation avec les attentes du grand public. D’ailleurs, la principale nouveauté actuellement réside dans cette notion de « créer », tout en provoquant des questions chez le public.

En d’autre termes, nous sommes appelés à prendre la relève tout en gardant les bases et les règles du théâtre mises en place par les générations qui se sont succédé sur les scènes théâtrales précédentes. Pour ce faire, nous avons besoin de plus de créativité en termes de conception et de réalisation. Ce qui fait, j’estime, la particularité de l’expérience marocaine en théâtre est que tous les travaux ne se ressemblent pas. Il y a toujours de nouvelles perceptions et de nouvelles questions auxquelles nos dramaturges, artistes et metteurs en scène tentent de répondre…

Autre chose importante pour moi est la nécessite de faire de notre diversité culturelle, patrimoine matériel et immatériel, notre source d’inspiration et une référence à laquelle on doit revenir dans nos travaux artistiques, qu’il soit en théâtre ou autre. Le théâtre marocain doit à cet effet s’inspirer de notre réalité, de notre quotidien et de notre vécu pour créer davantage.


- La pièce de théâtre « Chatarra » a remporté le Grand Prix au festival d’Egypte malgré le fait qu’elle est en dialecte marocain (Darija), dans quelle mesure peut-on être certain que le théâtre marocain a réussi à transcender les frontières géographiques et culturelles ?

- C’est ça la particularité de l’art. Il ne reconnaît ni les frontières géographiques ni culturelles. Il reconnaît la création seulement, rien que la création.

Dans le théâtre, les sentiments et l’expérience comptent plus que le verbal. De ce fait, la question de la langue relève du passé, surtout que le théâtre contemporain ne parle pas un langage seulement mais plusieurs en même temps : un langage musical, visuel, scénographique… J’estime que c’est la raison pour laquelle « Chatarra » a pu voyager à travers l’espace pour arriver en Egypte et pour gagner l’intérêt du public arabe. Quant à « Chatarra », elle a été faite en quatre langues : la darija, tarifit, l’arabe et le français.

Ce qui a fait le succès de « Chatarra » est sa mise en valeur de la diversité culturelle du Maroc. Cela se voit très bien dans le choix musical qui fait appel au « Bendir », le choix du personnage de « Rabia », la diversité culturelle claire dans les quatre langues utilisées dans la pièce sans oublier le décor et les accessoires utilisés.


- Selon les critiques, le théâtre marocain traverse une crise structurelle majeure, qu’est-ce qui, selon vous, empêche le développement du théâtre national ?

- Aujourd’hui, le monde est en train de vivre une révolution technologique inédite, le théâtre est appelé à son tour, comme toute autre activité artistique, à s’aligner avec ce développement et intégrer la technologie dans son champ pour pouvoir s’adresser au public avec son langage quotidien. Le challenge aujourd’hui est de cibler les jeunes et attirer leur attention sur l’art et sur le théâtre en particulier.

Par ailleurs, le théâtre marocain est en développement continu, soit en termes de création ou de conception. Hélas, il y a beaucoup de choses à dire quand il s’agit de la structuration et de la gestion de cette activité. Des lois doivent être mises en place pour s’aligner avec le développement que connaît le secteur à l’échelle nationale, régionale et internationale. Je parle ici de la loi sur le statut de l’artiste qui doit permettre aux artistes de bénéficier de conditions de travail adéquates.

La mise en oeuvre des dispositifs de cette loi permettra de résoudre un certain nombre de problématiques qui peuvent naître entre l’artiste, le producteur… Aujourd’hui, il ne faut pas nier l’effort fait par le ministère de tutelle pour l’amélioration des conditions de l’artiste et pour le développement de ce secteur considéré parmi les secteurs clés au Maroc. En revanche, j’estime que le théâtre a besoin de nouvelles perceptions de gestion et de structuration de la part des responsables du secteur de la Culture.



Mina ELKHODARI


« Chatarra » Le théâtre marocain primé en Egypte
 
La 29ème édition du Festival international du théâtre expérimental du Caire a été l’un des moments forts du théâtre national à l’issue de la participation récompensée de la troupe Thifswin d’Al Hoceima qui a remporté, jeudi soir au Grand Théâtre de l’Opéra au Caire, le Grand Prix de la meilleure pièce théâtrale avec « Chatarra ». La pièce théâtrale marocaine a également décroché le Prix de la meilleure réalisation ainsi que le Prix de la meilleure performance de groupe avec la pièce Hydros d’Autriche.

Écrite par le dramaturge Saïd Abarnous et réalisée par Amine Nasseur, cette pièce est le fruit d’efforts d’une équipe composée de 18 artistes, dont Kods Joundoul, Amal Ben Haddou et Chaïmae Laalaoui, ainsi que la musicienne Tifyur et le chanteur Ilyas El Moutawakkil. « Chatarra » est une pièce théâtrale qui traite de la situation des femmes immigrées, à travers trois femmes qui racontent leurs souffrances, à savoir Chani, Talia et Rabia, noms rassemblés en « Chatarra » pour présenter trois histoires différentes mais liées.

La pièce théâtrale « Chatarra » a été présentée pour la première fois au théâtre national Mohammed V devant un large public. Selon son dramaturge, «Chatarra» rentre dans le cadre d’un projet sur lequel a travaillé la troupe Thifswin. Ce projet est constitué d’une trilogie de trois saisons. La première pièce est intitulée «Péricola», la seconde «Parkigh» et «Chatarra».
 








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