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Interview avec Ali Lotfi : « Il faut mobiliser davantage de fonds pour le dépistage précoce du cancer »


Rédigé par Safaa KSAANI Mardi 6 Février 2024

A l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer (4 février), le Réseau Marocain pour la Défense du Droit à la Santé et Droit à la Vie, présidé par Ali Lotfi, a organisé une table ronde pour réfléchir à une approche stratégique et intégrée afin d’incorporer différentes dimensions dans la prévention et la lutte contre cette maladie.



"Malgré les efforts déployés, les inégalités en matière d’accès aux soins de santé persistent."
"Malgré les efforts déployés, les inégalités en matière d’accès aux soins de santé persistent."
-A l'occasion de la Journée mondiale contre le cancer, le Réseau Marocain de Défense du Droit à la Santé et du Droit à la Vie, que vous présidez, a organisé dimanche dernier une table ronde sur la lutte contre le cancer au Maroc, sous le thème : « Pour des stratégies innovantes et une approche intégrée dans le cadre de la généralisation de l'assurance maladie ». Quel bilan tirez-vous des stratégies mises en exergue jusqu'ici ?
 
- Le fardeau du cancer dans notre système de santé est très lourd vu que les taux de mortalité des cancers restent très élevés, avoisinant les 13%. C’est la deuxième cause de mortalité au Maroc après les maladies cardiovasculaires. La charge de morbidité liée à cette maladie s’élève aujourd’hui à plus de 50 nouveaux cas par an grâce à la stratégie du dépistage précoce réalisé le ministère de la Sante et de la Protection sociale. Celui-ci est aidé dans cette mission par la Fondation Lalla Salma - Prévention et traitement des cancers à travers des campagnes nationales de diagnostic précoce du cancer du sein et du col utérin. 
 
La stratégie adoptée par le Maroc, traduite par un plan national de prévention, de contrôle et de traitement du cancer avec une nouvelle approche conformément à la stratégie mondiale, a fait des avancements remarquables dans la prise en charge des patients atteints du cancer avec une nouvelle vision et approche intégrée multisectorielle pilotées par le département de tutelle visant à mobiliser toutes les ressources financières et humaines. 
 
 
  • En matière de lutte contre le cancer, le Maroc est-il sur la bonne voie ?

 
- Au Maroc, en effet, la lutte contre le cancer s'est structurée depuis vingt ans autour du Plan national biennal de prévention et de traitement des cancers exécuté par le ministère, fortement et largement soutenu dans sa mission par la société civile, particulièrement la Fondation Lalla Salma. Cette institution détient aujourd’hui l’expertise et est considérée comme le centre de référence en la matière, développant des protocoles thérapeutiques de traitement visant la qualité des soins. Le Plan cancer est centré sur le patient et résolument placé sous le signe de l’accès équitable aux soins et traitements dans l’objectif de réduire et mettre fin aux disparités sociales et spatiales, avec comme priorité la prévention du diagnostic précoce des cancers.
 
Le Royaume est sur la bonne voie dans la prise en charge et le traitement des malades cancéreux dans sa dimension médicale. Ce qui fait défaut c’est la dimension préventive et la gestion des risques, qui est la source de prolifération des cancers au Maroc.
 
  • Pensez-vous que le pays pourrait atteindre l’objectif d’un « Maroc sans cancer » à l’horizon 2030 ?
 
- Malgré les progrès réalisés au niveau de la détection précoce des cancers, du traitement et de la prise en charge des patients atteints de cancer, il existe des disparités importantes. 
 
En outre, malgré les efforts déployés par notre pays et les grandes réformes que connaît notre système de santé, et qui sont en cours de réalisation tel que le Groupement Sanitaire Territorial (GST) en vue d’assurer une distribution équitable des services de soins, il importe, cependant, de signaler que les inégalités en matière d’accès aux soins de santé persistent. La pandémie du COVID-19 et d’autres crises ont entravé les progrès vers la réalisation de l’objectif n°3 du développement durable, lequel vise à assurer la santé et le bien-être de tous, notamment en réduisant les décès dus aux cancers entre autres maladies chroniques.
 
Certes, le Maroc s’est engagé à réaliser le troisième ODD à travers la mise en place d’une couverture sanitaire universelle qui garantit à chacun un accès à des services de santé de qualité. Le projet royal historique de la généralisation de l’assurance maladie, destiné à toute la population marocaine, répond favorablement à cette question clé.
 
Nous vivons dans une ère empreinte de risques majeurs graves et favorable au développement des cancers, accentuée par la pollution de l’environnement et de l'air, l'obésité, le vieillissement de la population… Par conséquent, on ne peut gagner le pari d’un « Maroc sans cancer » si ces facteurs de risque ne sont pas combattus par la mise en place d’un système de prévention intégré, multisectoriel et multidisciplinaire qui permet un diagnostic précoce et une prise en charge holistique des patients atteints de cancer avec la disponibilité de médicaments de qualité et à des prix abordables. 
 
Ces facteurs de risques connaissent aujourd'hui au Maroc une allure plus grande à cause de la consommation du tabac, de l’alcool et des cigarettes électroniques, de la vente des produits alimentaires malsains qui entraînent de nombreuses pathologies : cancers, maladies cardiovasculaires, diabète et obésité qui provoquent le cancer et constituent un facteur déterminant d'invalidité et de décès. 
 
  • Où est-ce qu'on en est en termes de nombre de malades et quels sont les cancers les plus fréquents au Maroc ?
 
- Au Maroc, le taux de morbidité augmente. Le cancer du sein représente 20% de l’ensemble des cancers, suivi par celui du poumon (12,3%) et du cancer colorectal (7,8%). Le cancer du sein est le plus fréquent dans le pays. Il représente 35,8% des cas enregistrés chez les femmes, suivi du cancer du col de l’utérus. Chez les hommes, c’est le cancer du poumon qui arrive en tête, devant le cancer de la prostate. Chez les enfants, les cancers les plus fréquents sont les leucémies, les tumeurs cérébrales et les tumeurs se développant à partir de tissu embryonnaire immature, qu'on peut d’ailleurs éviter par une stratégie de prévention.
 
  • Vous appelez à éliminer le cancer en s'attaquant à ses causes profondes. Comment y parvenir, selon vous ?
 
- Je tiens à noter que l’on attribue la hausse rapide de la charge du cancer aux profonds changements des modes de vie. Pour prévenir au mieux cette maladie, les agents cancérigènes tels que le tabagisme, la consommation d’alcool, l’alimentation malsaine et l’obésité doivent être traités avec l’implication de toutes les parties prenantes. 
 
En fait, 40% des cancers sont potentiellement évitables, 40% peuvent être traités et 20% traités à des fins palliatives. La prévention et le diagnostic précoce du cancer augmentent considérablement les chances de guérison. Cette maladie peut être prévenue et soignée à hauteur de 85% à 90% grâce au diagnostic précoce. 
 
Il faut renforcer les capacités nationales de lutte contre le cancer, notamment par la formation de ressources humaines et la mise en œuvre de directives régionales relatives aux registres du cancer ou aux soins palliatifs. Enfin, encourager l’intégration de la prévention du cancer et des programmes de dépistage aux soins de santé primaires. Il faut également inciter les responsables politiques et décideurs à mobiliser davantage de fonds et à garantir les ressources nécessaires à la prévention et au dépistage précoce du cancer. 
 
 
Recueillis par Safaa KSAANI








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