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Industrie du verre : A quand le démarrage d’une vraie production locale ?


Rédigé par Omar ASSIF Lundi 21 Novembre 2022

Le Maroc dépend des importations pour subvenir à ses besoins en verre alors même qu’il dispose des matières premières nécessaires pour pouvoir produire ce matériau localement.



Les particuliers et les promoteurs immobiliers qui ont eu récemment besoin de s’équiper en vitres vous le diront : le prix du verre sur le marché marocain a connu des augmentations parfois considérables durant ces deux dernières années. Abondamment utilisé dans diverses industries, notamment celles de l’automobile et du bâtiment, le verre fait partie des matériaux dont les prix ont flambé à cause du contexte géopolitique instable dans lequel la guerre en Ukraine a donné le coup de grâce à ce que la pandémie de Coronavirus avait déjà fortement malmené.

« Le Maroc ne fabrique pas de verre au niveau national. L’industrie locale du verre dans notre pays fait de la transformation en produits finis à partir d’une matière première qui est importée de l’étranger. Or, ces deux dernières années, la crise a touché cette industrie au niveau mondial à travers la fermeture de plusieurs usines, sans oublier l’impact de l’augmentation du prix du fret maritime et du coût de l’énergie », explique un professionnel du secteur du verre au Maroc.

Industrie énergivore

Alors que le Royaume se tourne résolument vers la souveraineté industrielle et de meilleurs taux d’intégration, ne serait-il pas approprié d’asseoir les bases d’un écosystème de fabrication du verre qui, en plus de fournir le marché local du bâtiment, pourrait également bénéficier à d’autres secteurs comme celui de l’automobile ? « La réflexion autour de la mise en place d’une chaîne de valeur locale de production du verre ne date pas d’aujourd’hui.

Cette question s’est posée depuis plusieurs années, si ce n’est depuis plusieurs décennies. Les principaux défis qui ont à ce jour empêché de construire une chaîne de valeur de ce genre sont connus. Contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire, il s’agit d’une industrie lourde qui a besoin de grandes quantités d’énergie. Donc, les grands fabricants ont tous eu tendance à s’installer dans des pays où l’énergie est accessible et pas trop coûteuse. L’autre paramètre est le marché dont la taille doit être suffisamment grande pour garantir une adéquation entre les volumes fabriqués et la demande », détaille notre interlocuteur.

Au pays de la silice

Pourtant, plusieurs observateurs estiment qu’en dépit de ces défis, le Royaume dispose actuellement de plusieurs atouts qui peuvent favoriser l’éclosion d’une industrie de ce genre. Dans une interview accordée à Aujourd’hui.ma, le directeur général délégué de Traspex Mining, Ridouane Werzgan, avait mis en avant la disponibilité au Maroc - et le savoir-faire d’extraction - de la matière première nécessaire à une industrie locale de fabrication du verre. « Si on prend par exemple l’industrie du verre, qui est parmi les industries les plus consommatrices du sable de silice, elle reste limitée au Maroc. L’ensemble du verre est importé, notamment dans le secteur du bâtiment.
 
A titre d’exemple, la transformation du quartz en verre plat n’existe pas dans le pays et nous sommes prêts, en tant que fournisseur de matière première pour l’industrie du verre, à accompagner tout investisseur qui souhaiterait saisir cette opportunité et relever ce challenge », avait ainsi souligné Ridouane Werzgan.

« Intégration en profondeur »

Le ministère de l’Industrie semble également convaincu de la pertinence d’encourager l’installation d’un écosystème local de fabrication du verre flotté (float). Ce projet fait ainsi partie de sa feuille de route pour une intégration locale en profondeur. «L’industrie du float est très énergivore, certes, mais le Royaume, qui a lancé l’appel d’offres international pour l’approvisionnement en gaz naturel, pourrait offrir aux investisseurs des tarifs similaires à l’Europe pour cette source d’énergie », avait ainsi expliqué Kenza Alaoui, directrice de l’Industrie au ministère.

« Un investisseur aura également besoin de produire des volumes importants. Pour cela, le ministère consolide les volumes du secteur du bâtiment et ceux de l’automobile au Maroc, sans oublier les possibilités de sourcing avec les constructeurs pour alimenter leurs usines européennes », a précisé Mme Alaoui. Les conditions nécessaires pour l’émergence et la réussite de cette filière à l’échelle locale seront manifestement bientôt réunies. Gageons que le verre à moitié vide sera bientôt plein.




Omar ASSIF
 

Repères

Verre et préhistoire
L’utilisation du verre remonte à la Préhistoire. Les fouilles archéologiques ont par exemple prouvé que l’obsidienne (un verre volcanique naturel) a très tôt été taillée par l’Homme pour former des pointes de flèches. Les tectites (sorte de billes de verre formées par des impacts avec des météorites) ont également été utilisées comme des bijoux. Les humains ont également observé et utilisé les produits issus de la vitrification naturelle, comme les fulgurites, issues de la fusion du sable suite à un éclair.
 
La maîtrise du verre
Les premiers verres fabriqués par l’Homme sont originaires de Mésopotamie, de Syrie ou d’Egypte. Ils n’étaient pas encore transparents ou translucides mais opaques, de couleur verte ou bleue. Les premiers verres translucides (et soufflés) ont cependant été fabriqués plusieurs centaines d’années avant notre ère à travers diverses techniques plus ou moins rudimentaires. L’usage du verre à vitre était connu des Romains, mais fut peu répandu dans l’architecture civile jusqu’au XVème siècle.

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Industrie du verre : A quand le démarrage d’une vraie production locale ?

 

Marché


Un matériau important pour une industrie en pleine évolution
 
L’industrie mondiale du verre a été fortement impactée par la crise sanitaire, ce qui n’a pas manqué de se répercuter sur le prix et la disponibilité de ce matériau au niveau international. Le marché mondial du verre flotté a toutefois été évalué à plus de 65 millions de tonnes en 2021 et le marché devrait, selon les prévisionnistes, enregistrer un taux de croissance annuel composé (TCAC) de plus de 5% au cours de la période de prévision (2022-2027).

À moyen terme, les principaux facteurs qui animent le marché sont la demande croissante du secteur de la construction et l’utilisation croissante du verre solaire. A cet égard, l’Asie-Pacifique domine actuellement le marché avec la consommation la plus importante enregistrée en Chine et en Inde.

Au Maroc, l’industrie du verre est composée d’importateurs, de distributeurs et de transformateurs du verre. Ce marché génère près d’un milliard de dirhams chaque année. Il a par ailleurs été marqué ces dernières décennies par plusieurs faillites d’entreprises qui se sont activées dans ce domaine.
 

Technique


80% du verre plat produit dans le monde est un verre flotté
 
Il existe différentes sortes de verre plat : le verre « float » (ou verre flotté), le verre à vitre, le verre imprimé et armé, et le verre spécial pour certaines applications particulières. Alors que le verre à vitre produit suivant des technologies traditionnelles peut être considéré comme faisant partie de l’histoire du verre, d’autres verres imprimés et spéciaux sont produits essentiellement par laminage pour des marchés particuliers assez limités.

De nos jours, plus de 80% du verre plat produit dans le monde est du verre de type « float ». Le terme « float » se réfère en même temps à la technologie la plus récente pour produire du verre plat avec un certain niveau de qualité. Ce procédé consiste à verser le verre en fusion sur une couche de métal liquide, puis à le refroidir lorsque le verre formé est suffisamment stabilisé du point de vue physique et dimensionnel. Ce principe a été découvert au milieu du XIXème siècle par Henry Bessemer.

Différents brevets ont été déposés aux États- Unis lorsque certains verriers ont commencé à expérimenter le procédé « float », mais la découverte capitale dans la technologie du verre « float » a été faite par Pilkington Brothers dans les années 1950.

À partir d’un objectif clair et bien défini, celui de polir naturellement le verre laminé sur une couche de métal, évitant ainsi les opérations de meulage et de polissage, la société a pu mettre au point le premier procédé de fabrication de verre « float » commercialement réussi. Sept années d’efforts intensifs et de dépenses considérables ont été nécessaires pour cette innovation. 
 

3 questions à Houda Bellaoui


« N’oublions pas que le Maroc est un hub africain et que rien n’empêcherait que cette industrie fournisse d’autres pays du continent »
 
Directrice administrative de la société marocaine Arkiglass spécialisée dans l’industrie de transformation du verre, Houda Bellaoui répond à nos questions.


- Le Maroc dispose de la matière première nécessaire pour une industrie du verre, mais l’éclosion d’un écosystème de ce genre n’est pas encore d’actualité. Comment faire pour réaliser ce potentiel ?


- Avant même d’évoquer la matière première, il faut préciser qu’en termes de produits-finis déjà, il reste encore un large potentiel à réaliser pour favoriser le développement de la filière nationale de transformation du verre. D’abord, parce qu’il s’agit d’un écosystème prometteur qui est ancré localement et qui a fait le pari d’investir pour déployer un savoir-faire et des produits locaux.

Actuellement, ces produits finis que le transformateur marocain met sur le marché sont alignés aux meilleures normes internationales. Ils émanent d’une chaîne de valeur qui assure un haut degré de qualité. Les diverses certifications de conformité aux normes les plus exigeantes sont par ailleurs là pour le prouver. Cela dit, il est très rare de voir une société marocaine remporter un appel d’offres pour un marché de grande taille puisqu’ils sont attribués à des sociétés étrangères alors que les services et produits recherchés existent auprès d’opérateurs marocains.


- De quelle manière l’Etat pourrait-il favoriser le développement de l’industrie locale du verre ?

- Je pense que la première étape est que les décideurs prennent conscience de l’importance de donner une certaine préférence à la production nationale, surtout lorsqu’elle se révèle qualitative et compétitive. Actuellement, les produits- finis Made in Morocco continuent à subir une concurrence importante de la part de produits équivalents importés. L’importation de ces produits est encore grandement facilitée, y compris pour le client final, ce qui ne permet pas à l’industrie locale de transformation du verre de bénéficier de cette part de marché et d’assurer ainsi encore plus de développement, notamment en matière de création de valeur et d’emploi.


- La mise en place d’une industrie locale de fabrication du verre est jugée encore difficile à mettre en place à cause de la petite taille du marché marocain. Qu’en pensez-vous ?

- Le marché marocain du verre n’est pas encore satisfait à 100%, ce qui justifie d’encourager le développement d’une industrie locale de transformation du verre et, pourquoi pas, d’une industrie de production. Notre pays continue à se développer, ce qui implique la multiplication de grands chantiers qui auront besoin de produits locaux de qualité. Une industrie locale du verre dont le développement est encouragé pourrait profiter de cet élan pour se confirmer et pour générer des retombées positives à tous les niveaux. De plus, n’oublions pas que le Maroc est un hub africain et que rien n’empêcherait que cette industrie fournisse d’autres pays du continent.


Recueillis par O. A.

 








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