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Import-Export : L’ASMEX sonne la mobilisation en faveur de la décarbonation


Rédigé par Abdellah MOUTAWAKIL Dimanche 5 Juin 2022

A la veille de l’entrée en vigueur, dès 2023, du « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières », communément appelé « Taxe carbone », l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX) sensibilise les entreprises marocaines. Objectif, être prêt avant l’heure et d’éviter de perdre en compétitivité.



« L’entrée en vigueur des restrictions (taxes, et autres) est imminente et nos exportations risquent d’être rejetées si elles ne respectent pas les exigences de la décarbonation ». C’est le président de l’Association Marocaine des Exportateurs (ASMEX) qui alerte ainsi les entreprises marocaines exportatrices vers l’espace européen.

Hassan Sentissi s’exprimait vendredi 3 juin à Tanger, à l’occasion d’une nouvelle conférence-débat organisée par l’ASMEX sous le thème : « Les énergies renouvelables au service de la décarbonation des industries exportatrices ». Un événement qui a connu un franc succès, puisqu’il a reçu plus de monde qu’attendu, en faisant salle-comble, avec près de 200 entreprises représentées, selon les organisateurs. Et il y a de quoi susciter l’intérêt des entreprises exportatrices marocaines. Car, dès 2023, l’Union Européenne va introduire son fameux « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières », communément appelé « Taxe carbone ».

Normes environnementales

Concrètement, dès l’année prochaine, les exportateurs non membres de l’UE devront commencer à justifier leur bilan carbone sur leurs exportations destinées à l’espace européen. Les secteurs les plus ciblés sont ceux de l’électricité, l’acier, le ciment, les engrais et l’aluminium. Et à partir de 2026, des taxes seront appliquées sur tout produit ne respectant pas les normes environnementales édictées par cette loi adoptée en juillet 2021, à l’initiative de la France.

L’enjeu pour les entreprises marocaines consiste donc à ne pas se retrouver à payer un surplus de taxes, qui risquerait d’entamer considérablement leur compétitivité. D’où la campagne de sensibilisation menée par l’ASMEX. « Il y a 5 ans, pour être compétitif, il fallait avoir le prix le moins cher, mais maintenant, aussi bien votre client, votre fournisseur, votre banque, que votre assureur, exigent de vous des preuves sur le respect de l’environnement dans votre processus de production », insiste le président de la Commission Énergies Propres de l’ASMEX, Philippe Miquel, également président directeur général d’ENGIE en Afrique du Nord. Savoir-faire local.

Lors de cette conférence-débat à Tanger, il est clairement apparu que les entreprises marocaines peuvent bel et bien relever ce défi de la décarbonation. D’abord sur le plan de la réglementation : l’adoption en cours du projet de loi modifiant et complétant la loi n° 13.09 relative aux énergies renouvelables(www.lopinion.ma) constitue un premier pas positif selon les acteurs du secteur de l’électricité, qui sont impatients malgré tout de voir une autre loi se concrétiser, celle relative à l’auto-production d’électricité. Au-delà du cadre réglementaire, le Maroc dispose aujourd’hui d’un savoir-faire avéré dans la production d’énergies propres.

« Nous disposons d’entreprises capables d’accompagner de bout en bout le processus de production d’énergies renouvelables au Maroc », rassure pour sa part Ali El Harti, président de la Fédération Nationale de l’Electricité, de l’Electronique et des Energies Renouvelables (FENELEC), qui compte pas moins de 600 entreprises qui produisent un chiffre d’affaires de 40 milliards de dirhams.

Indépendance énergétique

D’ailleurs, du côté de l’Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique (AMEE), on encourage fortement le virage vers le renouvelable : « Les énergies renouvelables, ce sont des énergies nationales. Les utiliser, c’est utiliser les ressources nationales. Au Maroc, le renouvelable, c’est à la fois bon pour l’environnement, économique et cela permet aussi d’assurer notre indépendance énergétique », détaille le Directeur Général de l’AMEE, Saïd Mouline, qui a également fait le déplacement à Tanger à l’occasion de cet événement.

Justement, en parlant d’économie et de compétitivité, aussi bien les entreprises concernées que les spécialistes s’accordent sur un point : hormis les charges d’investissements amortissables en 5 ans, les coûts de l’énergie propre sont beaucoup plus rentables pour les industriels. « Le kilowatt vert est plus avantageux que le kilowatt fossile », conclut Adil Zaïdi, président de la Commission Dynamique Régionale à l’ASMEX.



Abdellah MOUTAWAKIL

Repères

Taxe carbone : le flou persiste encore
« Nous ne connaissons toujours pas encore les détails sur les règles d’exportation et d’entrée de nos produits dans l’espace européen dans le cadre de la taxe carbone ». La mise au point est de Adil Zaïdi, président de la Commission Dynamique Régionale à l’ASMEX. En tout cas, pour la Commission Européenne, s’il est vrai que la préservation de l’environnement est un élément mis en avant pour l’exigence de ces nouvelles règles, nul doute qu’il s’agit là d’une barrière au commerce, ou plutôt un moyen de disqualifier la concurrence non-européenne.
 
Le CRI de Tanger appelle à agir
Pour le Directeur Général du Centre Régional d’Investissement de la Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Jalal Benhayoun, cette nouvelle mesure entraînera certainement une pénalisation des exportateurs peu investis dans le verdissement de leurs produits. Il en appelle donc à agir pendant qu’il est temps, afin d’éviter une perte considérable en termes d’avantage comparatif par rapport aux concurrents plus avertis et qui respectent les normes environnementales en vigueur. La région du Nord, qui assure actuellement une bonne partie des échanges avec les voisins européens, est particulièrement concernée.

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Import-Export : L’ASMEX sonne la mobilisation en faveur de la décarbonation

Décarbonation


Profiter des financements verts
 
Quand on parle de décarbonation, cela suppose, pour les industriels, d’utiliser moins d’énergie conventionnelle, en produisant sa propre énergie. Sauf que cette transition exige des investissements lourds. A ce propos, l’Agence Marocaine de l’Efficacité Energétique (AMEE) rappelle que « toutes les banques disposent de lignes de financements verts ».

D’ailleurs, lors de la conférence-débat organisée par l’ASMEX à Tanger, une grande banque de la place est venue exposer ses différentes offres en matière de financements pour les entreprises désireuses de se lancer dans la transition énergétique.

A cela, il faut ajouter les différents dispositifs lancés par les pouvoirs publics pour encourager les énergies vertes, sans parler de l’accompagnement destiné aux entreprises. « Dans le cadre de la concrétisation de notre stratégie nationale du mix-énergétique et pour atteindre nos objectifs en matière d’énergies renouvelables, tous les projets se font dans le cadre du partenariat public-privé (PPP) », rappelle Saïd Mouline, DG de l’AMEE.
 

Electricité renouvelable


Comment gérer les intermittences ?
 
L’un des principaux défis liés à l’utilisation des énergies renouvelables, c’est bel et bien celui des intermittences. En clair, il s’agit de savoir pallier le manque en l’absence de conditions favorables pour produire de l’énergie à partir de l’éolien ou du solaire. Car, faut-il le rappeler, le soleil ne brille pas tout le temps et le vent ne souffle pas très fort à tout moment également. Se pose donc la question de savoir comment gérer ces moments de « vide ».

Pour Saïd Mouline, Directeur Général de l’Agence Marocaine de l’Efficacité Energétique (AMEE), « il faut que nous agissions afin de gérer les intermittences ». D’autres appellent ainsi à se concentrer sur le stockage. « Avec le stockage, ce sont les industries des batteries qui vont se développer rapidement », note un acteur, qui a requis l’anonymat et qui milite fort pour que cette possibilité soit donnée aux industriels. « Il faut que la législation aborde la question de façon frontale, car la nouvelle loi n’en dit pas grand-chose », poursuit notre interlocuteur, pour qui les lois actuelles « donnent l’impression de limiter le stockage ».

En tout cas, de grands acteurs industriels essaient de multiplier leurs sources d’énergie. C’est notamment le cas pour Renault, qui fait appelle à la biomasse. Faire appel à plusieurs sources d’énergies propres serait donc une alternative, en plus du stockage. « Le Maroc a d’énormes potentialités pour le renouvelable. Consommer le renouvelable c’est aussi favoriser le recyclage et soutenir l’économie circulaire », soutient le patron de l’AMEE.
 

3 questions à Ali El Harti


« La décarbonation est un mal pour un bien »
 
Pour Ali El Harti, Président de la Fédération Nationale de l’Electricité, de l’Electronique et des Energies Renouvelables (FENELEC), la taxe carbone européenne permettra de faire exploser le potentiel marocain dans les énergies propres. Il appelle à accélérer le processus réglementaire.


- Pourquoi, aujourd’hui, la décarbonation mobilise les industriels marocains ?


- Il y a une exigence européenne qui sera mise en place à partir de 2023. Et dès 2026, tout le monde sera concerné. Aujourd’hui, cette taxe carbone vient mettre en exergue un fort potentiel qui existait déjà chez nous dans le domaine des énergies renouvelables.

La décarbonation nous pousse à aller chercher davantage de renouvelable. Et pour nous, c’est non seulement plus propre, mais aussi plus rentable. Car si une entreprise produit elle-même son énergie, elle a la possibilité de maîtriser ses coûts, voire d’avoir une idée nette sur son prix sur les 20 prochaines années. 99% des industriels devraient passer au renouvelable, car ça marche et c’est compétitif. La décarbonation est un mal pour un bien.


- Le Maroc dispose-t-il des capacités pour relever ce défi de la décarbonation ?

- Absolument. Sur le plan technique, nous avons ce qu’il faut comme entreprises pour installer des centrales de centaines de mégawatts. Par contre, le champ légal évolue certes, mais on devrait en accélérer la cadence. Lorsque la loi 13.09 évoluera, cela va faire exploser le potentiel dont nous disposons réellement.

- De quoi avez-vous besoin pour mieux concrétiser votre savoir-faire dans le contexte actuel ?

- L’évolution de la loi 13.09 est notre priorité. Nous en avons besoin, afin de capter tout ce qu’il y a comme business pour le Maroc, mais aussi, sur la base de cette expérience, exporter de l’énergie et du savoir-faire vers nos voisins du Nord et au-delà. Je fais notamment référence au marché européen, mais aussi lointain comme américain.

Recueillis par A. M.