« Après une année 2022 marquée par les répercussions économiques de la guerre en Ukraine et la pire vague de sécheresse des quarante dernières années, le dernier trimestre 2023 a été caractérisé par l'émergence de deux crises, l'une interne et l'autre externe : le séisme d’Al-Haouz, survenu le 8 septembre dernier, le plus violent jamais enregistré dans l'Histoire du Maroc, et le déclenchement d'un nouveau conflit très violent entre Israéliens et Palestiniens », souligne l’ISPI dans un nouveau Policy Paper intitulé : « Maroc : Entre résilience post-séisme et ambitions régionales »
Concernant le séisme d’Al-Haouz, poursuit la même source, analystes et observateurs craignaient que les conséquences de ce phénomène aient un impact profond sur l'économie du pays, puisque la région touchée représente le cœur du secteur touristique (environ 8% du PIB). « Non moins préoccupante a été soulevée par la stabilité de l'équilibre sociopolitique d'une zone, celle touchée, dans laquelle vivent plus de 2,6 millions de personnes et dans laquelle le taux de pauvreté est environ deux fois supérieur à la moyenne nationale », indique le Centre d’études italien.
S’agissant de la crise à Gaza, le think tank estime que les craintes portaient, cependant, principalement sur l'impact que le conflit aurait sur l’économie nationale compte tenu du possible ralentissement de la croissance mondiale, de l'interruption redoutée des flux commerciaux et de la probable hausse des prix des matières premières, dont le pétrole et le gaz.
« Malgré les incertitudes initiales que ces crises ont engendrées, au niveau national et international, politiquement et économiquement, il semble en réalité qu'elles n'aient pas eu d'impact sur la dynamique d'accélération de la croissance observée au Maroc depuis le début de l'année dernière », fait savoir l’IPSI.
Après une croissance du PIB de 2,8% au troisième trimestre de l'année 2023, le quatrième trimestre a enregistré une nouvelle accélération, avec un taux de croissance qui s'est établi à 3,3% à la fin de l'année, explique-t-on. Il en est de même pour le volume des échanges de biens et de services qui a augmenté respectivement de 15,5% et 15,2% en 2023 par rapport à l'année précédente.
L’automobile et l’électronique dopent les exportations
Concernant les exportations, explique le rapport, elles ont été tirées par les secteurs de l'automobile et de l'électronique. Toujours selon l’IPSI, le secteur du tourisme a également enregistré des tendances positives : fin novembre 2023, avec 13,2 millions d'arrivées, le Royaume a dépassé le record de 2019, année où le nombre de visiteurs a atteint 12,9 millions. Le trafic aérien (national et international) a alors enregistré une hausse de 33,9%.
Ainsi, les revenus du tourisme ont augmenté également, enregistrant une croissance de plus de 20 % si l'on compare les dix premiers mois de 2023 à la même période de 2022. « Ces résultats sont d'autant plus importants qu'après le séisme du 8 septembre, les principaux opérateurs du secteur craignaient un impact négatif en termes d'arrivées et de nuitées », peut-on lire dans le Policy Paper de l’IPSI.
« Trois mois après la catastrophe, malgré le coût humain et matériel très élevé, l'impact sur le secteur du tourisme peut être considéré comme minime », ajoutent les experts de la même source. Et de poursuivre que le Royaume s'est montré même prêt à relever les grands défis en organisant au passage les grands événements internationaux programmés, quelques semaines après le séisme, comme les Assemblées annuelles de la Banque Mondiale et du FMI tenues à Marrakech entre le 9 et le 15 octobre 2023, ou la sixième édition du Forum de coopération arabe-russe, qui a eu lieu en décembre de la même année dans la capitale touristique du Maroc.
Autre point non moins important soulevé dans ce Policy Paper : le chantier de reconstruction des provinces touchées par le séisme a également commencé. Dans ce cadre, le gouvernement a créé un fonds spécial et lancé un programme d'aide d'urgence et de subventions d'un an, ainsi qu'une série d'incitations pour couvrir les coûts de reconstruction. Un budget d'environ 11 milliards d'euros a alors été alloué à la reconstruction, au relogement des personnes déplacées et à la réhabilitation des infrastructures.
Néanmoins, l’IPSI pense que ces données, globalement positives, et l’effort de reconstruction en cours, ne doivent pas occulter certains indicateurs inquiétants. Tout d'abord, le taux de chômage a atteint un niveau sans précédent, ces vingt dernières années, se situant à 13,5 % . Au cours de la dernière année, près de 300.000 emplois ont été perdus et 3,2 millions de personnes supplémentaires se trouvent désormais dans une situation de pauvreté ou de vulnérabilité, à un niveau comparable à celui de 2014.
Cette situation, note le rapport, est encore aggravée par l'augmentation générale du coût de vie, observée suite au déclenchement du conflit en Ukraine, malgré la dynamique de désinflation actuellement en cours. Ainsi, fait observer le document, les prix à la consommation ont, en effet, augmenté de 3,6% en novembre, en hausse de 0,3% par rapport au mois précédent.
Quid des relations extérieures du Maroc avec les EAU, l’Espagne et la France ?
Sur un autre volet, le Policy Paper de l’IPSI révèle que les derniers mois ont vu une forte avancée des relations déjà solides du Maroc avec les Émirats Arabes Unis (EAU), premier des pays à signer les « Accords d'Abraham » avec Israël. « Fin décembre 2023, le Roi Mohammed VI a effectué son premier voyage officiel à l'étranger dans ce pays depuis cinq ans (hors séjours de vacances privés, nombreux, en France et au Gabon).
A cette occasion, le Souverain a signé avec Mohammed ben Zayed al-Nahyan, président des Emirats, une douzaine de protocoles d'accord pour le financement, par son pays, d'une série d'infrastructures au Maroc : de l'expansion du réseau à grande vitesse, à la modernisation de certains aéroports et la construction des nouveaux ports commerciaux de Dakhla et Nador. Même les relations avec l'Espagne, le principal partenaire commercial du pays, sont dans une phase florissante, dans leur « meilleur moment » et de la plus haute « force, solidité et confiance », affirme le Centre d’études italien.
« Le processus de réconciliation avec Madrid, démarré en avril 2022, avait été temporairement suspendu en raison de la fin anticipée de la législature précédente et de la campagne électorale espagnole. En décembre, après les élections et la formation du troisième gouvernement Sánchez, avec la visite du ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, la première après sa reconfirmation, les discussions ont repris sur la relance de la feuille de route pour établir une « nouvelle étape de relation bilatérale », note l’ISPI.
A ce jour, poursuit la même source, de nombreux points inscrits dans la feuille de route n'ont pas encore trouvé de traduction pratique, notamment la réouverture de la douane commerciale de Melillia, fermée depuis 2018. Les relations exceptionnelles entre Rabat et Madrid ont été récemment sanctionnées par la décision de la FIFA d'attribuer l'organisation de la Coupe du Monde 2030 aux deux pays et au Portugal. Si le renforcement durable des relations avec Madrid n'est pas surprenant, puisque ce processus est en cours depuis près de deux ans, on a plutôt assisté ces dernières semaines au début du « dégel » avec Paris, souligne l’ISPI.
« Ces deux dernières années, en effet, il y a eu des malaises et des malentendus (la position française sur le Sahara, jugée ambiguë par le Maroc, le rapprochement, quoique « intermittent », entre Paris et Alger, le scandale Pegasus, la « crise des visas ») qui avaient conduit à un fort refroidissement des relations diplomatiques et à un report continu des réunions officielles. La décision marocaine de ne pas accepter l'aide humanitaire française au lendemain du séisme du 8 septembre avait alors été perçue comme un signal clair de méfiance à l'égard de Paris », fait remarquer l’IPSI.
Journées Internationales de Macroéconomie à Dakhla
La 5ème édition des Journées Internationales de Macroéconomie et de Finance (JIMF) est prévue du 22 au 24 mai 2024 au Palais des Congrès de Dakhla. Organisé par Bank Al-Maghrib, le laboratoire de recherche Inredd de l’Université Cadi Ayyad à Marrakech et Bernoulli Center For Economics (BCE) de l’Université de Bâle (Suisse), cet événement a pour objectif de promouvoir un échange constructif entre chercheurs et décideurs, de formuler des recommandations aux questions critiques en matière de politiques économiques. Pour rappel, la 4ème édition de cette manifestation a eu lieu les 2 et 3 mai 2019, sous le thème «Croissance Inclusive : un nouveau paradigme de développement». En marge de ladite rencontre, les participants ont appelé à créer les conditions favorables pour les jeunes et les femmes afin de contribuer à la croissance et l’essor économique du Maroc.
Taux débiteurs
Les résultats de l’enquête de Bank Al-Maghrib sur les taux débiteurs, au titre du quatrième trimestre de 2023, font ressortir une stagnation du taux global à 5,36%.Par objet économique, les taux se sont établis à 5,37% pour les facilités de trésorerie, à 4,91% pour les crédits à l’équipement, à 5,14% pour les prêts immobiliers et à 7,18% pour les crédits à la consommation. Par secteur institutionnel, le taux appliqué aux crédits aux particuliers s’est situé à 5,94% et celui des prêts aux entreprises non financières à 5,30%. Pour les crédits aux entreprises non financières privées, le taux les assortissant s’est établi à 5,42%, avec un taux de 5,25% pour les grandes entreprises (GE) et de 5,70% pour les Très Petites, Petites et Moyennes Entreprises (TPME).