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Gouvernance : Le combat multi-fronts du Maroc pour la consolidation de sa souveraineté


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 8 Décembre 2020

Alors que le Maroc est en pleine conception du nouveau modèle de développement, la question de la souveraineté doit être sérieusement considérée dans une mondialisation de plus en plus contestée.



Gouvernance : Le combat multi-fronts du Maroc pour la consolidation de sa souveraineté
Le 13 novembre, le Maroc a pu grâce à une intervention militaire chasser l’engeance du Polisario de la zone tampon d’El Guerguerat et rétablir ainsi la liberté de circulation civile et permettre le transit de ses exportations vers la Mauritanie et ainsi vers l’Afrique de l’Ouest.

Il s’agit d’un acte de souveraineté nationale grâce auquel le Maroc a pu reprendre en main l’approvisionnement du marché africain et rassurer les exportateurs marocains. Parallèlement, le Royaume s’évertue à se réapproprier les eaux du Sahara en délimitant les frontières maritimes. Une façon de recouvrir la souveraineté sur ses territoires marins. Un geste ayant fortement déplu au voisin espagnol, qui tient à défendre les frontières maritimes des îles canaries, et au voisin algérien compte tenu de son soutien inconditionnel à la thèse séparatiste.

Ainsi, le Maroc est en train de fortifier sa souveraineté dans une tentative de se soustraire à l’insularité géostratégique, qui lui est imposée par un voisinage peu amical. L’enjeu de la souveraineté pour le Maroc est d’autant plus crucial qu’il dépasse l’aspect territorial pour déterminer la place du Royaume dans une mondialisation, de plus en plus remise en cause après la crise du Covid-19. Le souverainisme n’est plus banni du vocabulaire politique et mérite un examen approfondi au moment où le Maroc est en pleine quête d’un nouveau modèle de développement. 

Souveraineté économique : la bataille de la dette
Pour faire face au choc de la crise sanitaire, le Maroc n’a trouvé d’autres choix que de continuer à s’endetter auprès des organismes financiers internationaux en déplafonnant de manière surprenante son endettement extérieur. 3 milliards $ du FMI, 400 milliards $ de la Banque mondiale, en plus d’un milliard $ levé auprès des marchés internationaux.

Au-delà des discours rassurants du Gouvernement sur la confiance dont dispose le Royaume, la crainte d’une perte de contrôle sur la souveraineté monétaire refait surface et le souvenir du plan d’ajustement structurel des années 80 hante toujours les esprits. Ainsi, faut-il laisser filer la dette ? Les raisons de l’endettement sont multiples au Maroc, estime Rachid Achachi, économiste et conférencier, pour qui le Maroc souffre d’un déficit budgétaire et commercial chronique auquel la structure de l’économie nationale contribue fortement.

« On s’endette parfois à cause de la nature informelle et rentière de notre économie, vu que le secteur informel et l’évasion fiscale coûtent des milliards à l’Etat ce qui creuse davantage son déficit et par conséquent se trouve obligé à recourir à la dette », a-t-il indiqué, ajoutant que le débat sur la souveraineté monétaire ne sert strictement à rien tant que la transparence et la rationalité font défaut.

En effet, l’endettement du Maroc demeure improductif à cause de la mauvaise gestion des fonds publics qui sont rarement destinés à des investissements rationnels sans parler de la bureaucratie, et la corruption, estime M. Achachi. Il soutient que le vrai combat pour la souveraineté réside dans l’investissement dans la recherche et développement et la lutte contre la rente pour rendre l’économie plus compétitive.

Protectionnisme : oser arrêter l’hémorragie des déficits
Concurrence déloyale, déficit commercial chronique et retard de décollage industriel, autant de soucis que nous accumulions même après l’entrée du Maroc à l’OMC et les accords de libre-échange avec les Etats Unis, l’Union européenne et la Turquie, qui n’ont fait que dégrader notre solde commercial sans pour autant booster nos exportations. En témoigne la renégociation de l’accord avec la Turquie dans une formule plus restrictive des importations. Ceci prouve une autre fois que l’ouverture « libre-échangiste » n’est pas une fatalité.

Selon Rachid Achachi, l’Etat ne doit pas juste intervenir quand les intérêts d’une minorité sont touchés. Il doit protéger l’ensemble de son tissu économique, en référence à l’affaire turque, prétextant que le secteur du textile marocain a depuis longtemps été meurtri sans qu’aucun gouvernement n’ait réagi. Selon l’économiste, les souverainetés monétaire et commerciale, sont étroitement liées vu que le vrai problème du Maroc est le déficit structurel et chronique de sa balance des paiements qui pèse toujours sur les réserves de change, et ne peut la financer malheureusement que par la dette extérieure.

« Ceci fait que notre dette restera irremboursable tant qu’on ne règle pas le problème du déficit commercial par une vraie stratégie de développement industriel et un vrai décollage technologique », a-t-il précisé. En somme, sans une vraie économie compétitive, il n’est pas réaliste de vouloir gagner quoique ce soit dans la sphère du commerce international. Par conséquent, le protectionnisme peut être une option envisageable pour redresser notre solde commercial, pourvu qu’il soit pratiqué de manière sélective et rationnelle. 

Crise sanitaire : prise de conscience
En plein pandémie, tout le monde s’est rendu compte de l’importance du principe de souveraineté. Le Maroc, l’a démontré au mois de mars lorsqu’il a choisi la Chloroquine pour traiter ses patients Covid-19 contre l’avis de l’OMS, il l’a démontré également en lançant une campagne de vaccination à l’échelle nationale. Outre cela, la crise sanitaire a été l’occasion de se rendre compte du potentiel industriel marocain, dont la production des masques et des respirateurs 100% marocains en est la preuve. La crise sanitaire a donc révélé les vertus du souverainisme, encore faut-il en avoir les moyens et investir dans la recherche et le capital humain, au lieu de rester toujours tributaire de l’investissement étranger. 
 
Anass MACHLOUKH

Trois questions à Rachid Achachi

Rachid Achachi
Rachid Achachi
« Le débat sur le choix de la souveraineté ou l’ouverture libérale reste inutile tant que l’économie marocaine demeure non-compétitive »

Rachid Achachi, docteur en économie, chercheur en sciences sociales et chroniqueur radio, a répondu à nos questions sur les perspectives du retour de la souveraineté dans la politique nationale. 

- Dans les années 80 et 90, le Maroc fut forcé de s’ouvrir sur la mondiali- sation libérale. Pouvait-il s’y opposer ?
- L’ouverture nous a été relativement imposée, au moment où le Maroc avait effleuré la faillite financière. Nous nous étions donc précipités dans une division internationale de travail, alors nous avions sacrifié le rattrapage technologique et l’émergence d’une industrie nationale compétitive. Ainsi, tous les plans de développement industriel que nous avions adoptés sont l’œuvre de cabinets étrangers tels que McKinsey, qui ne font que nous enfoncer davantage dans la direction libérale, et acculent le Maroc à rester une simple usine dépendante d’investissements et de savoir-faire étrangers.

- Aujourd’hui, on parle beaucoup du recours au protectionnisme contre les abus du libreéchange, quelle est votre lecture ? 
- Le problème que pose également le libre-échange et l’attraction des capitaux étrangers et son impact sur les salaires, vu que les groupes internationaux s’installent au Maroc pour l’unique raison que la main d’œuvre coûte moins chère. Quant au protectionnisme, il doit être sélectif et vise à protéger les secteurs à fort potentiel de croissance. Outre cela, le protectionnisme doit s’inscrire dans une logique contractuelle, c’est-à-dire que l’Etat doit exiger une contrepartie aux entreprises nationales à savoir la création d’emploi et l’investissement. 

- Le Maroc compte sur les IDE dans sa stratégie industrielle, est-ce suffisant ?
- En effet, le Maroc parie beaucoup sur les IDE pour la création d’emplois et même dans sa stratégie d’industrialisation, or faute d’innovation et de recherche scientifique, nous serons condamnés à rester tributaires de l’étranger dans notre trajectoire de développement. Et tant que nous ne changerons pas de paradigme, cet état des faits perdurera. Seul l’investissement dans la recherche et la technologie peut faire la différence.

Recueillis par A. M.

Encadré

Commerce extérieur : Accords de libre-échange, faut-il les réexaminer

Dans les années quatre-vingtdix, le Maroc avait véritablement tenté de trouver son ancrage dans la mondialisation et notamment au niveau du commerce international après la création de l’OMC en 1995, et dont le pacte fut signé à Marrakech. En effet, le Royaume a enchaîné les accords de libre-échange avec les Etats Unis, l’Union européenne et la Turquie.

Toutefois, les retombées escomptées n’ont pas été au rendez-vous, le pays est sorti fortement déficitaire comme en témoigne la dégradation du solde commercial avec le partenaire turc, dont les exportations ont envahi le marché marocain de manière telle, que le gouvernement, à l’initiative du ministre de l’Industrie et du Commerce Moulay Hafid Alamy, fut obligé de renégocier l’accord dans une formule plus favorable aux intérêts marocains.

En une seule année, le déficit s’est creusé de 22% pour atteindre 19,5 milliards de DH, augmentant ainsi de 3,5 milliards par rapport à 2018. Entre 2006 et 2020, le déficit avec la Turquie a quasiment quadruplé, selon les chiffres de l’Office des changes. Ceci est attribuable à la compétitivité très élevée des produits turcs du textile, de l’électroménager ainsi des voitures utilitaires et touristiques.

Le Maroc a ainsi rétabli les droits de douane sur plusieurs produits turcs afin de protéger les producteurs locaux, il a également exigé une hausse des investissements turcs au Maroc pour compenser les pertes commerciales. Ces changements ont été inclus dans la nouvelle version de l’accord de libre-échange, approuvé par le gouvernement lors du Conseil du 9 octobre. Par ailleurs, la question de l’ouverture sur le libre-échange est de plus en plus contestée par l’opinion publique, qui revendique que des études d’impact soient réalisées avant de se jeter dans toute aventure « libre-échangiste ». 

Repères

Taux de change : une libéralisation contestée
En réponse à une recommandation du FMI, le Maroc à l’instar de plusieurs pays arabes s’apprête à libéraliser son taux de change progressivement dans une marge de variation de 2,5%. Ce qui a fait couler beaucoup d’encre, selon Rachid Achachi. On ne peut aller vers un système de change flottant que si on a une économie compétitive, à ce moment-là, la libéralisation du taux de change sera peut-être un avantage. « Malheureusement nous sacrifions la recherche et développement, l’investissement public, et nous nous efforçons à nous propulser dans le marché mondial, c’est une capacité inouïe à se voiler la face». 
Souveraineté aérienne : l’Etat soutient la RAM
Un autre type de souveraineté semble négligé dans le débat public, il s’agit de la souveraineté aérienne, qui s’est avérée cruciale durant la crise sanitaire, où chaque pays a dû compter sur lui-même pour le rapatriement de ces citoyens. Dans le contexte de la crise, le Gouvernement a accordé un appui de six milliards à la compagnie aérienne afin de faire face aux chocs de la pandémie et de garantir la poursuite de son activité dans le cadre des vols spéciaux. 








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