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Gestion des eaux et des terres : Le génie ancestral en appui aux techniques et ouvrages modernes


Rédigé par Souhail AMRABI Lundi 28 Mars 2022

Les techniques traditionnelles de gestion des eaux et des terres sont un legs patrimonial dont la mise en application peut constituer un atout efficace et considérable.



Face aux divers défis actuels liés à la surexploitation et la raréfaction des ressources, les techniques traditionnelles de mobilisation des eaux ou d’aménagement des terres et des parcours peuvent-elles s’avérer comme un atout encore d’actualité ? Pour les participants aux ateliers de sensibilisation dédiés à ce sujet et organisés à Azrou le 18 mars et à Khénifra le 24 mars 2022, la réponse est oui.

Les deux événements qui ont mobilisé plusieurs parties prenantes (représentants des Parcs Nationaux d’Ifrane, de Khénifra et du Haut Atlas Oriental en plus de membres du WWF Maroc et de leurs partenaires) ont mis en avant les diverses richesses naturelles de la Réserve de Biosphère du Cèdre de l’Atlas (RBCA) dont le périmètre englobe les trois parcs nationaux, en soulignant que le contexte actuel marqué par les défis liés au changement climatique incite à encourager « les bonnes pratiques de gestion des eaux et des terres ».

Co-organisateur des deux ateliers, le WWF Maroc a distribué un guide pratique élaboré par ses soins avec l’aide du Pr Mohamed Sabir, expert de renom qui a travaillé depuis plusieurs années sur ces techniques traditionnelles.

Des méthodes qui marchent

« Afin de favoriser une dynamique vertueuse et participative pour lutter contre les menaces identifiées, les bonnes pratiques de gestion durable des ressources en eau, des terres et du couvert végétal ont été introduites comme un choix important et approprié pour la conservation de la Réserve de Biosphère du Cèdre de l’Atlas et la durabilité de ses valeurs, fonctions et services écosystémiques », précise le communiqué des organisateurs de l’atelier qui s’est tenu le 18 mars à Azrou.

« Répertoriées par WWF Maroc à travers un guide pratique, ces techniques, déjà expérimentées dans le cadre du programme Fonds de l’Eau du Sebou, se basent sur un savoir-faire ancestral et patrimonial qui permet aux populations locales de construire des ouvrages efficaces (mobilisation des eaux conventionnelles, gestion des terres, gestion du couvert végétal, etc.) à faibles coûts et qui ont un impact positif sur la biodiversité », poursuit la même source.

Un complément aux ouvrages modernes

Telles que présentées durant les deux événements, ces techniques, utilisées depuis des siècles au Maroc, sont un legs de savoir-faire constitué de méthodes que nos ancêtres ont expérimenté afin de faire face aux périodes de sécheresse et de disette.

« Les techniques de mobilisation des eaux conventionnelles par exemple utilisent des matériaux locaux et sont dimensionnées de sorte à répondre aux divers besoins des populations en amont sans pour autant pénaliser les habitants situés en aval. Elles se déclinent différemment selon les spécificités environnementales locales faisant ainsi preuve d’un véritable génie-hydraulique marocain qu’il convient de sauvegarder et sur lequel il faut capitaliser », souligne Dr Oussama Belloulid, chef de projets eaux douces au WWF Maroc. Ces techniques sont ainsi un complément important aux divers ouvrages modernes mis en oeuvre dans le cadre des stratégies institutionnelles liées à la gestion des ressources hydriques.

Une approche bottom-up

« Notre expérience sur le terrain dans le cadre du Fonds de l’Eau du Sebou nous a démontré que les populations locales s’approprient mieux ces ouvrages lorsqu’elles-mêmes ont participé à les concevoir et à les construire. L’entretien de l’ouvrage dont les retombées positives bénéficient à l’ensemble de la communauté est également mieux pris en charge par les habitants eux-mêmes », souligne Dr Belloulid qui précise par ailleurs qu’après l’édification des projets financés par le WWF Maroc et face au succès et à l’efficacité des ouvrages, « les populations ont entrepris de répliquer des expériences similaires avec leurs propres moyens ».

Diverses et variées, les techniques ancestrales de gestion durable des eaux et des terres sont souvent oubliées en l’absence de transmission de ces savoir-faire. Un patrimoine immatériel qu’il convient de sauvegarder et de faire revivre, surtout que cela pourrait bénéficier à un autre patrimoine plus tangible : les terres, les forêts et le cycle de l’eau.


Souhail AMRABI

Repères

Fonds de l’Eau du Sebou
Porté par le WWF Maroc et ses partenaires institutionnels, le Fonds de l’Eau du Sebou est un mécanisme de financement durable, basé sur le paiement pour les services écosystémiques, qui permet la conservation des ressources hydriques et des zones humides, la promotion d’une agriculture durable, la restauration de la biodiversité et la préservation des activités socio-économiques et culturelles qui en dépendent. Ce Fonds finance plusieurs projets qui mettent à profit les bonnes pratiques de gestion des eaux et des terres.
 
Réserve de Biosphère des Cèdres de l’Atlas
La Réserve de Biosphère des Cèdres de l’Atlas (RBCA), reconnue par l’UNESCO en 2016, englobe les provinces d’Ifrane, Khénifra, Midelt, El Hajeb, Séfrou, Boulmane et Béni Mellal avec un total de 71 communes rurales et Municipalités. La RBCA englobe les trois Parcs Nationaux respectifs du Haut Atlas Oriental, Ifrane et celui de Khénifra en plus d’une vingtaine de Sites d’Intérêt Biologique et Ecologique (SIBE), terrestres et aquatiques du Moyen Atlas. Elle héberge plus de 75% de l’aire de distribution universelle du Cèdre de l’Atlas.

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Méthodes


Autant de techniques traditionnelles que de territoires et d’enjeux
 
À l’image des techniques ancestrales de construction en terre qui aujourd’hui encore fascinent les spécialistes et le grand public par leur efficacité et leur multiplicité, les techniques traditionnelles de gestion des terres et des eaux font également preuve d’une riche diversité, car leur application prend en considération les spécificités territoriales et environnementales locales.

Les 29 techniques répertoriées dans le guide pratique du WWF Maroc ne représentent donc qu’une partie des techniques jadis utilisées dans le territoire national puisque leur sélection a été faite en tenant en compte le contexte spécifique lié au bassin du Sebou.

Le guide destiné aux divers utilisateurs des terres de la région classe par ailleurs les techniques répertoriées en fiches pratiques qui décrivent chaque méthode et en estimant le coût de sa mise en oeuvre. Les techniques sont classées dans trois grandes catégories : la gestion des ressources en eau, la gestion des terres et la gestion du couvert végétal.
 

Maâmora


La FAO appuie la mise en oeuvre des meilleures pratiques de restauration
 
À l’occasion de la Journée internationale des forêts célébrée le 21 mars, un communiqué de l’Union pour la Méditerranée (UpM) a mis en avant le projet de restauration de la biodiversité en Méditerranée par la restauration des forêts et des paysages, notamment au Maroc. C’est ainsi qu’avec l’appui de la FAO, « le Département des Eaux et Forêts du Maroc a pu développer un plan de gestion incluant des approches participatives de renforcement des capacités et un plan de développement socio-économique, de sorte que la population locale puisse jouer un rôle central dans les efforts de restauration et de conservation pour réhabiliter la forêt de Maâmora ».

Selon l’UpM, le plan de gestion prévoit la mise en place de contrats innovateurs avec les communautés locales afin de garantir une compensation pour la perte temporaire de pâturage dans la mise en oeuvre des projets de restauration, précisant que cela a conduit au développement de nouvelles chaînes de valeur telles que la récolte de truffes pour fournir des sources de revenus alternatifs aux communautés locales qui dépendent des forêts.

Les zones dégradées destinées à être restaurées ont été identifiées grâce à une évaluation complète des meilleures pratiques de restauration existantes et à une étude socio-économique pour évaluer l’impact actuel des populations locales sur les principales ressources forestières. Ce plan de gestion consistera en un essai pilote sur 3423 hectares de terres désignées à des fins de restauration avec l’implication des acteurs locaux, conclut le communiqué.
 

3 questions au Dr Oussama Belloulid, chef de projets au WWF Maroc


« L’objectif est de prendre le meilleur du génie ancestral marocain et de le mettre en oeuvre… »
 
Chef de projets eaux douces au sein du WWF Maroc, Dr Oussama Belloulid répond à nos questions à propos du recours aux techniques traditionnelles de gestion des eaux et des terres.


- Les techniques traditionnelles de gestion des terres et des eaux ne risquent-elles pas d’être parfois dépassées dans le contexte actuel ?

- Les techniques traditionnelles que nous désignons sous l’appellation « bonnes pratiques de gestion durable des eaux et des terres » sont une stratification de méthode qui nous sont parvenues depuis des temps immémoriaux parce qu’elles ont justement fait leurs preuves et qu’elles se présentent comme des solutions adaptées aux spécificités territoriales et environnementales locales. Comme nous, nos ancêtres ont dû gérer l’adversité liée au climat et à la rareté épisodique des ressources naturelles. Leurs solutions ont été efficaces pendant plusieurs générations et restent encore de mise aujourd’hui.


- La mise en oeuvre de ces pratiques ne dépend donc pas de l’évolution des connaissances, des techniques et des technologies ?


- Au contraire. En faisant la promotion de ces techniques ancestrales, l’idée n’est pas d’opérer un retour en arrière. L’objectif est de prendre le meilleur du génie ancestral marocain et de le mettre en oeuvre tout en utilisant le meilleur de ce que peuvent nous offrir les connaissances et technologies modernes. Tout en respectant les méthodes, le choix des matériaux, le parti-pris d’une mise en oeuvre communautaire, rien n’empêche de mettre à profit les outils modernes à notre disposition pour identifier les localisations adaptées à la réalisation d’un ouvrage, pour gérer le projet ou encore pour calculer ou générer les bons indicateurs de suivi.


- Selon votre expérience, ces techniques sont-elles encore spontanément utilisées ou tombent-elles dans l’oubli ?


- Cela dépend des régions et des situations. Nous avons rencontré durant nos projets sur le terrain des personnes qui connaissent ces méthodes et continuent à les utiliser. Dans d’autres endroits, les populations semblent savoir que ces méthodes existent, mais n’ont plus les connaissances techniques pour les mettre en oeuvre, d’où l’intérêt du guide que nous avons développé et de la sensibilisation que nous essayons de mettre en oeuvre avec nos partenaires.

Ce qui est certain, c’est que les populations sont très sensibles et ouvertes à l’idée d’utiliser des techniques qui ont été développées par leurs propres ancêtres et qui en plus sont accessibles et efficaces.


Recueillis par S. A.

 








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