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Gestion des catastrophes naturelles : La Protection Civile marocaine à l’ère des changements climatiques


Rédigé par Oussama ABAOUSS le Dimanche 12 Septembre 2021

Spécialiste de la prévention et de la gestion des catastrophes, la Protection Civile marocaine s’adapte pour faire face aux nouveaux risques liés aux impacts des changements climatiques.



Directeur de la Logistique et des Affaires administratives à la Direction Générale de la Protection Civile et directeur du Bureau régional de prévention des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) pour les pays riverains de la Façade Atlantique africaine, M. Mohamed Salami répond à nos questions sur la Protection Civile marocaine à l’ère des changements climatiques.


- La Protection Civile prend-elle en considération les phénomènes extrêmes liés aux impacts des changements climatiques ?

- Effectivement. Tous les systèmes de protection civile dans le monde se construisent d’ailleurs sur la base d’événements qui se sont produits dans le passé et d’études scientifiques qui se focalisent sur les phénomènes émergents. Les systèmes de protection civile essaient dès lors de s’adapter justement par rapport à ces évolutions. Il est aujourd’hui prouvé que le changement climatique est lié avec une augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements catastrophiques.

La Protection Civile a donc entrepris d’augmenter sa capacité de réaction, afin de s’acquitter de sa mission, à savoir : protéger les populations et le patrimoine national et essayer, autant que faire se peut, de réduire les dommages aussi bien sur le plan humain que sur le plan économique.

Nous nous appuyons évidemment sur tout ce qui se fait aujourd’hui comme études scientifiques sur le changement climatique et leurs conséquences sur l’augmentation des catastrophes, notamment les incendies de forêts et les inondations.


- Existe-t-il une corrélation entre les changements climatiques et les invasions acridiennes ?

- Nous savons qu’il existe une relation entre le changement climatique et les invasions de criquets pèlerins. Il n’y a pas en revanche beaucoup d’études qui détaillent cette corrélation. Cela dit, au niveau du Centre National de Lutte Anti-Acridienne d’Ait Melloul, qui est une structure qui dépend de la Direction Générale de la Protection Civile, nous suivons de très près ce sujet. Le suivi et la veille y sont permanents.


- Ailleurs dans le monde et notamment en France, il est question d’augmenter le temps de réponse et de créer des systèmes d’alerte adaptés aux événements climatiques extrêmes liés aux changements climatiques. Qu’en est-il au Maroc ?

- En plus de notre propre expérience et nos acquis, nous avons une coopération très étroite avec la Sécurité Civile française et donc nous essayons de nous imprégner de ce qu’elle fait dans ce domaine. Je note ici que la « réaction » n’est pas obligatoirement curative, mais aussi préventive.

Notre souci, justement, est d’avoir l’alerte le plutôt possible. C’est pour ça que nous avons, par exemple pour le cas des inondations, une coopération et un partenariat avec la Météorologie Nationale. Nous suivons de très près ce qui se passe dans le territoire national de manière à ce que l’on puisse avoir l’information le plus vite possible afin de préparer les moyens d’intervenir le plutôt possible. Nous prenons en considération un certain nombre de mécanismes qui sont appliqués dans plusieurs pays développés, et nous essayons de les adapter par rapport à notre pays et aux moyens dont nous disposons.


- Parmi les impacts des changements climatiques, il y a aussi des périodes de canicule. Est-ce que ce risque est également pris en considération par la Protection Civile ?

- Les périodes de fortes canicules ne génèrent pas les mêmes conséquences au Maroc qu’en Europe. En revenant aux statistiques concernant ce genre de phénomène, il est clair que les mortalités qui ont été enregistrées dans certains pays européens concernent des personnes âgées. Au Maroc, la population est habituée aux fortes températures et la répartition démographique n’est pas la même. Il est rare qu’on enregistre des décès dus aux canicules chez la population dans notre pays.


- Dans plusieurs pays, les canadairs sont pilotés par des éléments de la Protection Civile, pourquoi n’est-ce pas le cas au Maroc ?

- Avant de répondre à cette question, je veux d’abord clarifier certains points. Au Maroc, la Protection Civile n’est pas à comparer avec les sapeurs-pompiers en France par exemple. La Protection Civile au Maroc est, avant tout, une notion qui est mobilisatrice de toutes les institutions et de tous les citoyens et non pas uniquement du corps national de la Protection Civile…


- Un discours de Feu SM Hassan II qui date de 1979 a justement mis en évidence cette spécificité…

- Exactement. Je citerai ce discours parce que le connais par coeur : « La Protection Civile est avant tout une affaire de prise de conscience, car chaque citoyen doit savoir lorsqu’il est contraint de se défendre que ce soit sur le plan militaire ou faire face, à Dieu ne plaise, à une catastrophe naturelle, qu’il est mobilisé pour venir en aide à son frère afin de concrétiser la solidarité et l’entraide qui sont considérées comme des caractéristiques de l’islam et de l’éthique musulmane ».

Dans cet extrait de discours de Feu SM Hassan II, vous trouverez la meilleure définition que l’on puisse trouver aujourd’hui concernant la notion de Protection Civile au Maroc. Chaque idée qu’on peut en dégager est un fondement de cette notion. Maintenant, pour répondre à la question sur les moyens aériens, je dirai que chaque fois qu’il y a une catastrophe, tout le monde devient un acteur de la protection civile. Si la Protection Civile marocaine ne dispose pas de moyens aériens, c’est parce que d’autres acteurs, notamment les Forces Royales Air, disposent de ces moyens et des capacités pour les gérer et les maintenir.

Notre rôle, c’est justement de former ces acteurs sur la méthodologie d’intervention et sur la manière de guider les avions pour qu’ils puissent intervenir efficacement sur le plan terrestre, etc. Le Système de protection civile marocain est fondé sur la répartition des tâches entre plusieurs acteurs. C’est un système qui est efficace et qui a fait ses preuves, mais qui, aussi, coûte beaucoup moins cher que l’éventuel cas de figure où chaque acteur essayait de développer ses propres moyens.


- Qu’en est-il de l’intégration des impacts des changements climatiques dans les cursus de formation des équipes de la Protection Civile ?

- Chaque fonction de la Protection Civile passe par un cursus de l’Ecole Nationale de la Protection Civile à travers une formation de base, des formations de spécialisation et une formation continue. Justement, la formation continue est destinée à enseigner au personnel les leçons qui sont tirées, et les exigences qui sont imposées par ces risques émergents, entre autres ceux liés aux changements climatiques, mais également à de nouveaux risques tels que le nucléaire, les risques radiologiques, biologiques, chimiques et ceux générés par les actes terroristes.

On essaye aujourd’hui de cerner d’abord quels sont les risques qui sont exacerbés par le changement climatique. Jusqu’à maintenant, ce que nous savons, c’est que la sécheresse, les crues et inondations et les feux de forêts ont un lien très étroit avec les changements climatiques. Donc, nous donnons beaucoup d’importance à la prévention et à la gestion de ces trois risques.

Recueillis par Oussama ABAOUSS

 

Histoire


L’évolution de la Protection Civile marocaine à travers l’Histoire
 
Au Maroc, l’intervention de l’Etat pour la protection et le secours des populations en cas d’accident ou de catastrophe est attestée par de nombreux manuscrits, mais a été institutionnalisée en 1917 par la création, dans certaines villes, de Corps de Sapeurs-Pompiers ayant pour mission de « combattre tout sinistre public et en particulier les incendies ». La fin des années 20 marque la création du Service de «Défense Passive» qui visait à limiter les risques encourus par la population civile lors de conflits armés.

Avec le temps, ce service a vu son champ d’action s’élargir pour inclure la protection et la sauvegarde des personnes et des biens contre les catastrophes en « temps de paix » avec l’adoption du vocable «Protection Civile».

En 1961, « Protection Civile » et « Sapeurs-Pompiers » fusionnent à travers la création, au sein du ministère de l’Intérieur, du « Service général de protection et de secours » qui deviendra en 1976 « Inspection de la Protection Civile » avec la nomination d’un Officier Général des FAR à sa tête par Feu SM le Roi Hassan II en 1979.

En 1984, la gestion du Corps des Sapeurs-Pompiers, créé en 1977 et devenu Corps National de la Protection Civile en 2000, qui incombait jusque-là aux communes, est transférée à l’Etat.

En 1987, les attributions dévolues au ministère de l’Agriculture en matière de lutte antiacridienne sont transférées à l’Inspection de la Protection Civile. Compte tenu des missions de plus en plus importantes qui lui sont confiées, cette Inspection a été érigée en Direction en 1997 puis en Direction Générale en 2009.
O. A.
 

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