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Géo-maritime marocaine : Une puissance maritime en devenir !


Rédigé par S. A. Lundi 6 Décembre 2021

Doté d’une position géographique stratégique, le Royaume a tous les atouts naturels pour devenir une puissance maritime de premier plan. Le pays est par ailleurs condamné à renforcer sa présence géo-maritime pour asseoir une réelle souveraineté nationale.



Fort d’une double façade maritime longue de 500 km sur la Méditerranée et qui s’étale sur 3.000 Km au niveau de l’Atlantique, le Maroc est l’un des rares pays au monde disposant d’une double façade maritime. Une position géographique de choix qui offre au Royaume une Zone économique exclusive (ZEE) de plus d’un million de Km2 et l’inscrit parmi les rares pays qui disposent d’un espace maritime global largement supérieur à leur espace terrestre.

Une position géographique qui représente, par ailleurs, un atout géostratégique pour le Maroc qui se retrouve de facto comme l’un des gardiens du détroit de Gibraltar qui reste l’une des voies maritimes les plus importantes au monde, avec plus de cent mille navires qui empruntent le détroit depuis l’Océan Atlantique avant de se diriger pour la plupart vers l’Océan Indien via le canal de Suez. Un flux qui fait du détroit le deuxième passage maritime le plus emprunté au monde, après celui de la Manche.

Position géographique de choix

Le Royaume est ainsi condamné à développer son potentiel géo-maritime pour mener à bien son ambition de se hisser en tant que puissance régionale et continentale. Pour y arriver, les autorités ont lancé la construction d’unités portuaires sur des façades maritimes (Nador West Med, Kénitra Atlantique, Dakhla et Laâyoune), qui devront venir en renfort à la mega-structure portuaire de Tanger Med qui constitue pour l’heure le joyau de la couronne en la matière. L’exploitation et la gestion des ressources naturelles dont regorge la ZEE font également partie des priorités à moyen et long termes pour le pays.

Des ressources qui sont loin de se limiter à l’halieutique ou aux rentrées douanières liées au trafic maritime, preuve en sont les zones de forage et d’exploration offshore d’hydrocarbures qui se multiplient, notamment sur la façade atlantique, à l’image du gisement d’Anchois situés au large de Larache. Il n’empêche que le Royaume reste loin d’exploiter son espace maritime à sa juste mesure et doit encore consentir des efforts considérables pour se donner les moyens pour asseoir une réelle souveraineté sur sa ZEE.

Pour l’heure, hors des plans et stratégies sectorielles, le Royaume ne dispose toujours pas d’une stratégie globale et transversale dédiée à la chose de la mer, ni d’une structure unifiée et intégrée chargée de veiller à la cohérence de l’ensemble des politiques publiques qui touchent de près ou de loin à la mer. Un handicap relevé également par Jamal Machrouh, professeur de relations internationales à l’Université Ibn Toufaïl et Senior Fellow au Policy Center for the New South (PCNS), qui signale dans un Policy Brief intitulé « Enjeux et perspectives géo-maritimes du Maroc » qu’une « volonté seule ne fait jamais une stratégie. En plus d’attributs maritimes naturels, l’aventure maritime requiert des investissements conséquents et la mobilisation de leviers importants ».

Les leviers nécessaires à la souveraineté maritime

Le chercheur a ainsi identifié quatre leviers que le Royaume se doit d’activer, à savoir : la reconnaissance, la connaissance, la présence et les alliances. Le premier levier regroupe six éléments, une position géographique avantageuse, des côtes praticables couplées à des ressources naturelles abondantes et un climat favorable, un territoire étendu, une population assez large pour défendre le territoire, une société avec une aptitude pour la mer et l’entreprise commerciale ou encore un gouvernement orienté vers la maîtrise de la mer.

Le deuxième levier passe par la maîtrise de la chose maritime. En clair, disposer de marins et navigateurs expérimentés, de juristes nationaux rompus au droit de la mer, de scientifiques et chercheurs au fait des innovations qui touchent le domaine maritime et d’ingénieurs capables de chapeauter les efforts d’exploration et d’exploitation des ressources offshore. La présence représente le troisième levier, ce qui signifie la capacité d’un Etat à exercer sa souveraineté sur son espace maritime. « Le contexte actuel marqué par des stratégies maritimes régionales et globales conflictuelles rend la possession des moyens nécessaires à l’exercice effectif de la souveraineté nationale sur l’intégralité de l’espace maritime du Royaume une question essentielle », précise Machrouh.

Les alliances représentent le quatrième levier. En clair, l’espace maritime se prête naturellement à la coopération internationale et régionale. « Dans ce sens, le Maroc gagnerait plus à faire correspondre davantage sa vocation maritime avec ses vocations africaines, méditerranéenne et atlantique », souligne le chercheur. Sur le terrain, le Royaume se doit encore d’investir la mise en place d’une industrie de construction navale qui reste, pour l’heure, embryonnaire. Ressusciter le pavillon marocain représente également une condition sine qua non pour assurer une réelle souveraineté en termes de transport maritime qui dépend aujourd’hui de firmes étrangères

L’importance de la ZEE marocaine représente, par ailleurs, un défi de taille pour la Marine Royale, bien que le pendant maritime des Forces Armées Royales ait opéré un renforcement significatif de ses capacités opérationnelles depuis la fin des années 2000. La Marine Royale doit encore fournir des efforts considérables pour atteindre l’équilibre des forces au niveau régional, vu qu’elle doit composer avec l’armada espagnol qui dispose d’un porte-avion et de sous-marins, alors qu’à l’Est la marine algérienne dispose d’au moins 4 submersibles.
 
S. A.

Repères

Puissance maritime historique
Contrairement aux idées reçues, le Maroc faisait historiquement partie des grandes puissances maritimes mondiales. La dimension maritime a été longtemps présente dans la vision stratégique des différentes dynasties qui se sont succédé dans le Royaume. « Force est de remarquer que la présence de l’Empire chérifien dans l’Histoire diplomatique internationale tenait en bonne partie à ses attributs maritimes », rappelle Jamal Machrouh dans son Policy Brief. La politique maritime marocaine s’inscrit depuis la nuit des temps dans un axe Nord-Sud, faisant jonction entre l’Europe et l’Afrique. D’ailleurs, les Sultans du Royaume disposaient d’un ministère de la mer, ancêtre de l’actuel ministère des Affaires étrangères.
 
Risque d’encerclement
Au niveau militaire, la Marine Royale fait face à des concurrents de taille, notamment l’armada espagnol qui mouille à quelques Km des côtes marocaines en Méditerranée et au large du Sahara marocain (Iles Canaries). A l’Est, elle doit faire face à la marine algérienne qui compte sur pas moins de 4 sous-marins, des équipements résolument offensifs. Pour l’heure, le Royaume semble avoir opté pour la mise en place d’un dispositif de lutte anti sous-marine, combiné à des batteries côtières et sa flotte aérienne pour sanctuariser ses eaux territoriales. Il n’empêche qu’avec près d’un million de Km2 de ZEE à contrôler, la Marine Royale est condamnée à opérer une montée en régime de ses capacités opérationnelles de manière à assurer la souveraineté marocaine au-delà de ses eaux territoriales, soit loin du parapluie offert par l’artillerie et la flotte aérienne.

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