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GenZ212 : Chronique d’un mouvement en expansion !


Rédigé par Yassine Elalami Mercredi 1 Octobre 2025

Depuis quelques semaines, un vent de révolte souffle sur le Maroc à l’initiative d’un collectif anonyme de jeunes, baptisé “GenZ212”. De Rabat à Agadir, en passant par Oujda et Casablanca, des milliers de manifestants, essentiellement issus de la Génération Z, sont descendus dans la rue pour dénoncer les carences des services publics, tout en exigeant justice sociale. Retour sur une séquence brûlante, entre mobilisation pacifique et escalade de tensions.



Né dans l’espace virtuel, le collectif GenZ212 – référence directe à l’indicatif téléphonique du Maroc – s’est rapidement imposé comme le symbole d’une jeunesse connectée en quête de dignité. Constituée de jeunes nés entre 1995 et 2010, cette génération a grandi dans un contexte de promesses économiques souvent déçues, avec un chômage qui frôle les 35% au deuxième trimestre 2025 et des services publics en crise.
 
La mobilisation s’est organisée principalement sur Discord, où plus de 10.000 membres échangeaient déjà avant la première manifestation. Des groupes parallèles sur Telegram et X (ex-Twitter) relayaient les appels aux rassemblements pacifiques, avec une stratégie numérique assumée : une cartographie interactive des lieux de rendez-vous, un mot d’ordre commun – “Liberté, Dignité, Justice” – et une communication virale qui a surpris les observateurs.
 
Le déclencheur : le drame d’Agadir
 
Si le malaise social couvait depuis plusieurs mois, c’est le drame du 14 septembre 2025 qui a agi comme catalyseur. Ce jour-là, huit femmes enceintes sont décédées dans des conditions controversées à l’hôpital Hassan II d’Agadir. Le manque d’équipements, l’épuisement du personnel et les soupçons de corruption ont mis en lumière les défaillances criantes du système de santé publique.

Cette tragédie a cristallisé la colère d’une jeunesse qui reproche à l’État d’investir des milliards dans les infrastructures sportives pour la CAN 2025 et la Coupe du Monde 2030, alors que les hôpitaux et les écoles peinent à répondre aux besoins élémentaires de la population. Pour les manifestants, même si les investissements sportifs relèvent d’un cadre particulier, distinct des budgets sectoriels de l’État, le contraste entre des stades flambant neufs et des maternités délabrées illustre l’injustice d’un modèle de développement perçu comme déséquilibré.
 
27 septembre : la première étincelle
 
Le samedi 27 septembre, la première mobilisation nationale a lieu simultanément dans une dizaine de villes : Rabat, Casablanca, Marrakech, Fès, Meknès, Tanger, El Jadida et Agadir. À Rabat, plusieurs centaines de jeunes se rassemblent devant le Parlement. Les slogans fusent contre la corruption et pour une réforme en profondeur des secteurs de la santé et de l’éducation. La manifestation se déroule pacifiquement mais se solde par plus de 70 arrestations. Si les interpellés sont relâchés après vérification d’identité, des témoignages dénoncent des violences policières et des humiliations.
 
Le lendemain, les rassemblements reprennent avec une affluence comparable. À Casablanca et Marrakech, des sit-in sont organisés. À Agadir, les manifestants rendent hommage aux victimes de l’hôpital Hassan II.
 
La tension monte d’un cran avec de nouvelles arrestations : plus de 100 au total sur le week-end. Deux figures féminines de la mobilisation sont interpellées à Casablanca, ce qui suscite une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Le hashtag #GenZ212 grimpe en tête des tendances nationales sur X.
 
Le lundi 29 septembre, le mouvement s’étend à des villes moyennes comme Oujda, Beni Mellal, Inezgane et Tétouan. Mais la présence policière pousse les manifestants à innover. À Casablanca, de jeunes protestataires se réfugient dans des cimetières pour échapper aux forces de l’ordre et reprendre les chants contestataires à la nuit tombée.
 
La mobilisation devient plus fluide, plus imprévisible. Les organisateurs privilégient désormais les annonces de dernière minute sur Discord, afin d’éviter les points fixes trop faciles à encadrer. 

30 septembre : un tournant dramatique.
 
À Oujda, des vidéos relayées en ligne montrent un véhicule de police percutant un jeune manifestant. Selon la MAP, ce dernier est grièvement blessé mais hors de danger vital. Cet incident enflamme les réseaux sociaux et alimente les accusations de brutalité policière.
 
À Inezgane, la situation dégénère en fin de soirée. Ce qui avait commencé comme une manifestation pacifique se transforme en scènes de chaos urbain. Des groupes encagoulés surgissent, arrachent du mobilier urbain, incendient des véhicules, pillent une pharmacie et attaquent une agence bancaire. Les flammes embrasent une partie de la place centrale, donnant à voir des images rappelant des émeutes.
 
Les violences gagnent d’autres localités, notamment Aït Amira près d’Agadir, Béni Mellal et Oujda, où des rumeurs alarmistes circulent pour amplifier la panique. Des véhicules de la Gendarmerie royale sont endommagés. La nuit se conclut sur un bilan matériel lourd : 263 membres des forces de l’ordre et 23 civils – dont un cas grave à Oujda – ont été blessés. Les affrontements ont également causé d’importants dégâts matériels avec 142 véhicules des forces de l’ordre et 20 voitures particulières endommagés, ainsi que le saccage de 3 agences bancaires, 1 agence d’assurance, 1 pharmacie et plusieurs commerces. Des incendies et des destructions ont été signalés dans plusieurs villes, tandis qu’une ambulance a été bloquée à Oujda. Au total, 409 personnes ont été placées en garde à vue. Les villes les plus touchées sont Inzegane-Aït Melloul, Oujda, Skhirat-Témara, Beni Mellal, Chtouka-Aït Baha, Agadir et Tiznit. Et ill ne s'agit là que d'un bilan d'étape de l'Intérieur. 
 
La réaction des autorités
 
Face à cette escalade, le gouvernement convoque une réunion exceptionnelle de la majorité le 30 septembre en fin d’après-midi. Dans son communiqué, l’Exécutif insiste sur son “écoute attentive” et sa détermination à privilégier le dialogue institutionnel et public.
 
Le gouvernement met en avant les réformes en cours dans le secteur de la santé – modernisation des hôpitaux, création de pôles territoriaux, recrutement de personnel médical – tout en reconnaissant que leurs effets ne seront visibles qu’à moyen terme. Il appelle à la responsabilité et à la retenue, saluant le professionnalisme des forces de l’ordre. Mais ce discours trouve peu d’écho auprès des jeunes manifestants, qui dénoncent le fossé entre les annonces officielles et leur réalité quotidienne, et appellent sur les réseaux à poursuivre les mobilisations.

Une jeunesse en quête de reconnaissance
 
Derrière GenZ212, c’est toute une génération qui s’affirme. Les moins de 25 ans représentent 41 % de la population marocaine. Souvent qualifiés de “désengagés”, ils démontrent désormais leur capacité à s’organiser et à occuper l’espace public.
 
L’usage massif des réseaux sociaux, l’absence de figures traditionnelles et le caractère décentralisé du mouvement brouillent les repères. Les leaders sont invisibles, remplacés par des votes en ligne : dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre, presque 20.000 participants sur Discord se prononcent pour la poursuite de la mobilisation.







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