Macron n’a pas évoqué de réduction des effectifs de l’opération anti-jihadiste française « Barkhane », qui compte actuellement quelque 5.100 hommes au Sahel.
Et pourtant, avant la tenue du sommet, d’aucuns parmi les observateurs évoquaient, sinon l’échec de l’opération, du moins ses limites. Même si force est de reconnaitre à l’opération Barkhane quelques succès de terrains, comme l’a souligné Macron dans son intervention du deuxième jour du Sommet de Ndjamena. «Nous avons réussi à obtenir de véritables résultats dans la zone des trois frontières», entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, et le principal groupe visé, l’organisation Etat islamique au grand Sahara (EIGS), «a perdu son emprise et subit de nombreuses pertes», a salué le président français lors de son intervention en visioconférence depuis Paris.
Mais les organisations affiliées à Al-Qaïda, le GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) et la katiba Macina, «dont la plus haute hiérarchie continue à nourrir un agenda jihadiste», constituent toujours une menace au Sahel, a mis en garde Macron qui a promis «une action renforcée» pour «essayer d’aller décapiter ces organisations».
Cela dit, et pour plus d’un observateur, l’opération Barkhane n’a pas rempli pleinement son rôle. Depuis 2013, date de son lancement, elle n’a pas réussi à réduire le conflit dont l’étincelle a été déclenchée au Nord du Mali. Au contraire, en sept ans, le jihadisme a pris de l’envergure géographiquement, et s’étend désormais à l’ensemble du Mali, à l’Ouest du Niger, au Nord du Burkina Faso, et si on ne réussit pas à le circonscrire, il risque de s’étendre encore plus à d’autres frontières subsahariennes, voire à fusionner avec d’autres mouvements analogues, tels Boko Haram ou les Shebabs.
Au Mali et au Nord du Burkina Faso, ce conflit s’est même amplifié et a muté en guerre civile, il y a eu des violences interethniques très importantes ces deux dernières années. On est plus seulement face à un combat de l’armée française contre les djihadistes mais à un théâtre de conflits qui devient pluriel, dont certains remettent en cause l’unité nationale des pays concernés.
Une « sahélisation » militaire
Autant d’arguments qui ne plaident pas en faveur d’un retrait, du moins dans l’immédiat, des troupes françaises de la région, malgré les nombreuses interrogations soulevées et par des élus et par l’opinion publique de l’Hexagone sur l’opportunité de maintenir une opération couteuse financièrement et humainement.
En réponse, la France privilégie deux stratégies. D’abord une « sahélisation » de l’opération par un passage de témoin aux armées nationales locales. Il faut que l’action des pays du G5 soit efficace, qu’ils puissent prendre la place de la France, que leurs armées soient opérantes. Pour ça, la France forme l’armée malienne avec l’Union Européenne, par le biais de l’EUTM Mali (Mission de formation de l’UE au Mali). Ensuite, c’est « l’européanisation » de l’opération avec le nouveau groupement de forces spéciales Takuba, lancé cet été, auquel participent plusieurs centaines d’Estoniens, de Tchèques et de Suédois. Il faut que cette force, aux effectifs très réduits actuellement, monte en puissance.
Renforcer la force du G5
Le renforcement de la force des pays du G5 est aussi à l’ordre du jour. L’annonce par le chef d’Etat tchadien d’envoyer 1.200 soldats dans cette zone des «trois frontières» a été saluée par Macron comme étant «une décision forte et courageuse qui viendra conforter la force du G5 Sahel».
Mais au-delà du volet militaire, Paris insiste sur la nécessité de «donner une perspective aux populations du Sahel», en appelant à un «deuxième sursaut: celui du retour de la sécurité et des services aux populations» et en réclamant «une impulsion au plus niveau de l’Etat» pour réinvestir les territoires délaissés de la région.
«C’est par le collectif et l’action concrète sur le terrain que nous réussirons. La France continuera d’y prendre sa part parce que je sais que chacun est ici mobilisé», a-t-il conclu.
Ali BENADADA
La lutte contre le terrorisme dans l’espace sahélien exige une «action d’envergure» et une «rigueur» dans l’application des décisions et engagements, a affirmé lundi à N’Djamena le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat.
«Plus le temps passe et plus le phénomène terroriste s’installera, s’incrustera et se répandra dans l’espace sahélien et même au-delà (…) Nous avons besoin d’action, d’une action d’envergure où chacun de nous tous se voit définir sa propre partition dans la symphonie générale», a insisté M. Faki Mahamat qui intervenait lors du 7ème Sommet du G5 Sahel.
Pour contrer la menace du terrorisme, le président de la Commission de l’UA a plaidé pour un «vrai supplément de méthode et de rigueur» dans l’application des décisions et engagements, à la fois nationaux et internationaux.
«La Covid-19 a certes focalisé l’attention de tous les États sur les urgences sanitaires, mais il y a aussi nos propres pesanteurs qui retardent toute action d’envergure, laissant la latitude aux terroristes de se réorganiser, de se renforcer et même de prendre parfois l’initiative», a-t-il fait observer.
D’après M. Faki Mahamat, une évaluation exhaustive des actions menées depuis le sommet de Pau permettrait d’identifier les lacunes et d’agir en conséquence, de manière idoine.