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Frontières maritimes de la façade atlantique : Rabat et Madrid en quête d’un partage équitable


Rédigé par Anass MACHLOUKH Vendredi 16 Décembre 2022

Au moment où les discussions sur les frontières maritimes sont en cours, Madrid aspire à agrandir son plateau continental. Le Maroc n’a, pour sa part, pas dit son dernier mot. Détails.



La délimitation des frontières maritimes au Sud du Sahara marocain continue à accaparer l’attention aussi bien en Espagne qu’au Maroc. Quoique discrètes, les discussions se poursuivent entre les responsables marocains et leurs homologues espagnols dans le cadre du groupe de travail comme relancé par la déclaration conjointe du 7 avril 2022. L’objectif est d’aboutir à des avancées concrètes.

Toutefois, le chemin s’annonce encore long et les négociations sont loin d’être aisées tant le dossier est complexe. Il suffit de garder à l’esprit que les négociations n’avancent pas depuis des années. Les médias espagnols, dont « El Diario de Cadix »,et « 20 Minutos », ont ébruité les intentions de Madrid et sa conception des frontières maritimes dans la façade atlantique près des eaux adjacentes aux Îles Canaries. C’est là où se situe le fameux « Mont Tropic » dont les richesses potentielles suscitent la convoitise.

Madrid s’active et prépare ses scientifiques

Selon la presse espagnole, l’Espagne aurait d’ores et déjà préparé son dossier et semblerait déterminée au sujet de ses revendications. « 20 Minutos » indique que le voisin ibérique voudrait ajouter à sa zone maritime 296.000 km2 supplémentaires. Ceci dit, Madrid réclame une zone qui va au-delà des 200 miles de la zone économique exclusive.

En réalité, le gouvernement espagnol lorgne toutes les eaux qui, selon les explications de quelques experts relayées par les mêmes sources espagnoles, appartiendraient à son plateau continental qu’il estime supérieur en termes de superficie à ce que prévoit la convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. Les Espagnols tentent d’appuyer scientifiquement leurs revendications en faisant appel à la Force d’action maritime de la marine espagnole et l’Institut espagnol d’océanographie et de l’Institut géologique et minier. Madrid tente de convaincre l’ONU en y dépêchant un groupe d’experts de l’Institut hydrographique et envisagerait même de faire valoir des documents contenant des démonstrations au début de l’an prochain. Pourquoi une si grande appétence pour le plateau continental ? Et bien, la réponse est simple : les experts en question estiment que les eaux submergeant le plateau continental recèlent des ressources exploitables.

En réalité, à lire la presse espagnole, on comprend que les Espagnols veulent obtenir le droit d’exploration. Interrogé sur ce sujet par Diario De Cadix, le capitaine de corvette Luis Miguel Rioja allègue les articles 76 et 77 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer pour justifier les revendications de Madrid. L’article 77 stipule que « L’Etat côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles ».

De quelles ressources s’agit-il ? La convention est précise et cite « les ressources naturelles visées dans la présente partie comprennent les ressources minérales et autres ressources non biologiques des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, c’est-à-dire les organismes qui, au stade où ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles sur le fond ou au-dessous du fond, soit incapables de se déplacer autrement qu’en restant constamment en contact avec le fond ou le sous-sol ».

Le Maroc n’a pas dit son dernier mot

En somme, la zone sujette à départage est d’autant plus convoitée qu’elle abrite le Mont Tropic qui recèle des métaux jugés rares et se trouve à moins de 500 kilomètres (260 nmi) de l’Ouest du Sahara marocain, entre le Cap Vert et les Îles Canaries. Le partage est donc compliqué sachant que chaque partie a sa propre vision. Pour sa part, le Maroc a d’ores et déjà délimité ses zones maritimes tout en restant ouvert au dialogue. Le Royaume, rappelons-le, a adopté la loi 37.17 modifiant et complétant le dahir fixant et limitant les eaux territoriales et la loi instituant la zone économique exclusive.

En vertu du nouveau cadre juridique, le Royaume s’est fixé les règles applicables à la délimitation de son propre domaine maritime, et ce, selon les normes établies par la convention onusienne (voir repères). En principe, ce débat est censé être tranché par le dialogue du moment que les deux pays s’y sont engagés. La prochaine réunion de Haut niveau serait peutêtre une occasion pour ranimer ce dossier et mettre les points sur les « i ».

Cette réunion tant attendue est prévue début 2023. La date exacte n’est pas encore fixée sachant que le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a profité de sa rencontre avec son homologue espagnol, José Manuel Albares, lors du 7ème forum régional de l’Union pour la Méditerranée, pour préciser qu’elle se tiendra fin janvier ou début février. Cette réunion aura lieu après plusieurs reports. Elle a été prévue initialement en février 2021 mais elle a été reportée à cause de la pandémie avant que la crise diplomatique causée par l’affaire Brahim Ghali ne rallonge la durée du report.

En tout cas, le dialogue aura lieu dans des conditions convenables pour autant que Madrid et Rabat entretiennent de bonnes relations depuis la réconciliation. Quand il a rencontré Bourita, le Chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares, s’est félicité de la « dynamique positive » entre les deux pays et des résultats de la mise en oeuvre de la feuille de route bilatérale telle que définie dans la déclaration conjointe signée lors de la visite de Pedro Sanchez au Maroc.




Anass MACHLOUKH

Frontières maritimes de la façade atlantique : Rabat et Madrid en quête d’un partage équitable