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Financement de l’UA : Les dessous d’une équation compliquée


Rédigé par Mamady SIDIBE Mercredi 15 Juin 2022

La recherche de nouvelles sources de financement, telle est la mission assignée au comité des quinze ministres des Finances (F-15) de l’Union Africaine (UA) qui a tenu sa réunion de haut niveau, les 13 et 14 juin à Rabat. Un comité qui est fortement engagé dans la dynamique des réformes budgétaires et financières lancées par l’institution panafricaine.



Ce sera de l’euphémisme de dire que l’Union Africaine a besoin de ressources adéquates, fiables et prévisibles pour mettre en oeuvre ses programmes si elle veut atteindre ses objectifs de développement et d’intégration. Depuis des décennies, cette question taraude les dirigeants et chefs d’Etat du continent.

Pourtant, depuis 2015, les Sommets successifs de l’UA ont pris des décisions sur la réforme financière afin d’assurer des finances saines et prévisibles pour relever les défis auxquels l’Union Africaine a été confrontée. Mais rien n’y fait car ladite organisation est toujours confrontée à cette problématique. C’est dans ce contexte que la réunion de haut niveau du comité des quinze ministres des Finances (F-15) de l’UA, dont les travaux se sont déroulés les 13 et 14 juin 2022 à Rabat, trouve toute son importance.

D’aucuns disent même qu’elle est venue à point nommé puisqu’elle se tient dans le contexte particulier de la crise ukrainienne. Une crise qui affecte déjà l’économie mondiale et plus particulièrement celle de l’Afrique. Une économie africaine durement touchée déjà par les deux années de pandémie liée à la Covid-19.

Dépendance financière

D’ailleurs, le thème choisi pour cette retraite des F-15 en dit long : « Au-delà de la pandémie de la Covid-19 et du conflit ukrainien : renforcer la résilience des économies africaines et la viabilité financière de l’Union Africaine ».

Cependant, on ne peut s’empêcher de dire que le financement de l’UA est devenu structurel. Et beaucoup de hauts cadres n’ont jamais cessé d’interpeller à ce sujet. Car l’organisation a besoin d’argent frais pour réaliser sa politique. En effet, créée en 1963 pour libérer le continent du joug colonial, l’organisation africaine, avec un budget représentant 2% de celui de l’UE, dépend encore largement de donateurs extérieurs.

Pour Cheikh Tidiane Gadio, ancien chef de la diplomatie sénégalaise, l’UA ne peut s’affirmer réellement que si elle est indépendante financièrement. « Comment voulez-vous que l’UA parle d’égal à égal avec les autres institutions quand elle est financée majoritairement par ses partenaires ? », s’est-il exclamé lors d’une conférence à Dakar. Selon le président de l’Institut panafricain de stratégies - paix-sécurité-gouvernance (IPS), un think tank engagé dans la recherche et la réflexion et basé dans la capitale sénégalaise, les pays africains doivent financer de façon pérenne et entière l’organisation panafricaine.

Pour avoir une idée de l’état actuel du financement de l’UA, son budget ordinaire a été de 264,7 millions de dollars, comme nous l’a confié Lipelba Bahimi, expert du Comité des F-15 de l’UA, même s’il s’est abstenu de tout commentaire. Selon ce haut commis d’origine tchadienne, une discussion a été même engagée depuis Nairobi, au Kenya, pour ce qui est des prévisions de 2023. Elles seront probablement dans les mêmes fourchettes que celles de l’exercice en cours car le calcul est fait sur la base de la moyenne des trois dernières années, ajoute Lipelba Bahimi.

Recommandations attendues

A cet effet, l’appel de l’ancienne présidente de la commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, reste d’actualité quand elle dit : « L’Afrique doit trouver des sources alternatives de financement ». C’est le principal problème de l’institution, un demi-siècle après la création de l’Organisation de l’Unité Africaine, devenue UA en 2002.

Il y a quelques années de cela, Gary Quince, ancien représentant spécial de l’UE auprès de l’UA, mettait la puce à l’oreille en rappelant que « le budget de fonctionnement est approuvé et assuré à 100% par les Etats membres, mais la réalité est que ceux-ci ne versent pas les sommes sur lesquelles ils se sont engagés ». Avant d’ajouter que le budget est établi sans relation avec l’argent disponible. Même si la donne a beaucoup changé aujourd’hui. Comme le souligne aisément Mme Yacine Fal, Vice-Présidente par intérim chargée du Développement régional, de l’Intégration et de la Prestation de services de la BAD.

D’ailleurs, son institution vient d’annoncer 1,5 milliard de dollars pour venir en aide aux pays africains afin de soutenir l’agriculture et les chaînes de valeur. Ceci pour atténuer la dépendance du continent en matière d’importation de céréales que le conflit Russie-Ukraine a dévoilé au grand jour. Certes, des initiatives ont vu le jour pour le financement de l’UA comme la taxe Kaberuka qui propose un prélèvement de 0,2% sur les importations.

Mais beaucoup de pays peinent à s’acquitter de cette redevance ou ne la versent pas intégralement. Toujours est-il que la réunion de Rabat devrait aboutir à des mécanismes innovants pour le financement de l’organisation panafricaine. Ses recommandations seront scrutées minutieusement.



Mamady SIDIBE

Repères

F15, forte présence
La réunion des F-15 à Rabat a été marquée par une forte participation. Elle a connu la présence, entre autres, des ministres des Finances des États membres de l’UA constituant le Comité, du commissaire au développement économique, commerce, industrie et exploitation minière de l’UA, des experts des ministères des Finances du Comité, des représentants permanents, ainsi que des représentants de la Commission de l’UA et de l’Initiative africaine concertée sur la réforme budgétaire. C’est la première fois que le Royaume accueille cet événement.
 
Promotion de la culture budgétaire
Dans son discours inaugural, la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a souligné que la retraite des F-15 constitue l’occasion pour le Comité et l’ensemble de ses membres de réitérer leur engagement en faveur des réformes enclenchées par la Décision de Kigali, visant à promouvoir une culture budgétaire et financière axée sur les principes de bonne gouvernance et de reddition des comptes au sein de l’Union. Il s’agira aussi de formuler une vision globale sur la voie à suivre, pour apporter des réponses concrètes aux défis de son financement.

Trois questions à Nadia Fettah Alaoui

Financement de l’UA : Les dessous d’une équation compliquée

« Un témoignage pour le rôle actif et la mobilisation du Maroc au sein de l’UA »
 
Pour la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, le Maroc travaille aux côtés de l’ensemble des pays frères et amis pour trouver d’autres solutions alternatives au financement de l’UA.

- Mme la ministre, que représente pour vous la conférence des F-15 à Rabat?


- La retraite des 15 ministres de l’Economie et des Finances de l’Union Africaine est un moment privilégié pour parler du financement de l’institution panafricaine, plus globalement le financement des pays du continent. Elle se tient au Maroc pour la première fois. C’est un témoignage pour le rôle actif et la mobilisation du Maroc au sein de l’UA pour toutes les thématiques ou traités de l’organisation continentale.

C’est aussi un moment important où nous vivons les conséquences des deux crises que sont la pandémie liée à la Covid-19 et celle de l’Ukraine et la Russie. Il faut donc penser à des solutions innovantes et pérennes dans le mécanisme de financement de l’Union Africaine.


- Quelle est la vision ou la démarche du Maroc dans ce mécanisme de financement de l’Union Africaine?

- Le Maroc est du tiers-one. C’est un contributeur significatif parmi les pays africains. Ce qui compte est que le Maroc restera constamment mobilisé. Parce que, il faut le reconnaître, les ressources propres de l’Union Africaine ne sont pas assez suffisantes pour assurer son autonomie, mais aussi au niveau de l’ambition de ce que doit faire notre organisation continentale dans différentes thématiques, notamment le financement de l’économie. Nous y travaillons aux côtés de l’ensemble des pays frères et amis pour que s’il faut trouver d’autres solutions, nous puissions y parvenir.


- Dans ces conditions, peut-on s’attendre à d’autres alternatives ou mécanismes innovants dans le financement de l’Union Africaine ?

- C’est un peu tôt pour aborder ce sujet car il faut attendre la fin de la réunion des F-15. Justement, l’un des objectifs de la retraite de Rabat s’inscrit dans cette vision.

 

Propos recueillis par
Mamady SIDIBE

 

Maroc/Union Africaine


Ratification de plusieurs accords
 
Le Maroc a ratifié, dernièrement au siège de l’Union Africaine à Addis-Abeba, plusieurs traités d’importance stratégique qui s’inscrivent dans le cadre de la concrétisation de la Vision Royale de l’action africaine commune. Il s’agit de l’accord portant création de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf), la Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption.

Ces signatures portent aussi sur la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontaliers et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique. Elles concernent le Protocole à l’Acte constitutif de l’Union Africaine relatif au Parlement africain, le Traité Afrique région sans armes nucléaires-Traité Pelindaba.

Enfin, ces accords ont aussi touché la Charte africaine sur la sécurité routière, sans oublier l’Accord du siège relatif à l’établissement de l’Observatoire africain des Migrations. A cela s’ajoute, début avril, la ratification par le Maroc du traité portant création de l’Agence Africaine du Médicament (AMA) relevant de l’Union Africaine.
 

Nouvelle Commission de l’UA (2021-2025)


Défis et enjeux après la réforme initiée par Paul Kagamé
 
Dans le rapport sur la « Nouvelle Commission de l’Union Africaine (2021-2025) : Défis et enjeux après la réforme initiée par Paul Kagamé », de l’Institut français des relations internationales (IFRI), on relève que la réforme institutionnelle adoptée par la conférence des chefs d’État de janvier 2017 est en cours de mise en oeuvre.

En 2017, la Commission chargée de la réforme présidée par Paul Kagamé avait identifié plusieurs objectifs : la limitation à un nombre restreint des priorités de l’UA ; la révision des structures et des opérations de l’organisation pour améliorer les performances.

Le même document souligne également le renforcement des liens avec les citoyens africains ; l’accroissement de l’efficience et de l’efficacité de l’organisation ; l’identification d’un financement durable et la réduction de la dépendance aux partenaires de développement.

À ce jour, le bilan de la réforme est contrasté. Au niveau organisationnel, bien que l’UA ait effectivement procédé à la réduction du nombre de départements et de commissaires, il y a du chemin à faire, relève le rapport.

Par ailleurs, le recentrage sur certaines priorités continentales n’a pas eu de réelle conséquence car la réduction du nombre de départements ressemblait davantage à une fusion des entités existantes plutôt qu’à une réorganisation ayant abouti au délaissement de certains domaines d’intervention par l’UA, soutient le rapport. Ce qui fait dire aux rédacteurs qu’on observe un résultat inégal de l’ambition de mettre en place un mécanisme visant à assurer la mise en oeuvre des décisions de l’UA par les États.
 

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