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Feux de forêt : Le scénario du pire est-il encore à venir ?


Rédigé par Oussama ABAOUSS Lundi 18 Juillet 2022

La semaine dernière a été marquée par deux vagues successives de feux de forêt sévères et concomitants. Récit d’une catastrophe qui n’a pas fini de sévir.



Depuis quelques jours, le Royaume vit au rythme des feux de forêt dont les départs sont souvent concomitants et dont l’intensité est exacerbée par la canicule et les vents. Bien que la lutte contre les incendies ait commencé depuis plusieurs semaines déjà, l’épisode particulièrement infernal que traverse notre pays a débuté à la veille de l’Aïd Al Adha et a d’abord été illustré par les images glaçantes de flammes ardentes qui dévorent le siège local du Centre de Conservation et de Développement des Ressources forestières (CCDRF) à Ikaouen, province d’Al Hoceima.

« Située dans une ligne de crête, cette infrastructure affiliée à l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF) a été complètement ruinée par un incendie de forêt qui s’est déclaré dans la zone le 9 juillet », nous raconte M. Fouad Assali, Chef du Centre National de Gestion des Risques Climatiques Forestiers. La vidéo impressionnante de cet incendie - filmée par un riverain - n’a pas manqué de circuler dans les réseaux sociaux attestant ainsi de la gravité du risque actuel lié aux feux de forêt.

La première vague

L’incendie d’Ikaouen n’était pourtant pas le seul à sévir au niveau national. « Depuis le 9 juillet, nous avons connu des journées exceptionnelles en termes de départs de feux. Nous avons d’abord dû gérer 5 feux concomitants et sévères au niveau d’Al Hoceima, de Tanger, de Chefchaouen et de Taounate. L’obligation d’intervenir dans diverses localisations en même temps a nécessité un énorme effort de mobilisation et de coordination des interventions terrestres et aériennes », poursuit M. Assali.

Mardi dernier, après la maîtrise de cette première vague d’incendie, les forestiers faisaient le bilan des dégâts : à Chraka (Tanger), les feux ont ravagé 70 hectares, à Bab Berred (Chefchaouen), 35 hectares de pins et de chênes sont partis en fumée, à Al Hoceima, 85 hectares de superficie brûlée alors que les dégâts à Sidi Mekhfi (Taounate) ont été estimés à près de 27 hectares de forêt calcinée. La mobilisation des équipes d’intervention a été largement saluée sur les réseaux sociaux, d’autant plus que les soldats du feu ont passé le jour de l’Aïd sur le front. Le pire restait pourtant à venir.

Le pire en perspective

« Les feux ont été enregistrés dans des sites où il y a le Chergui, et cela, pendant une semaine durant laquelle il y avait une alerte au niveau national concernant la hausse des températures qui, par région, pouvaient atteindre les 46°. Avoir plusieurs feux en même temps est le pire scénario puisque cela implique que les 5 Canadairs doivent se relayer durant toute la journée dans les diverses régions touchées », souligne Fouad Assali.

À partir de mercredi 13 juillet, ce scénario n’a pourtant pas manqué de se reproduire, d’une manière encore plus sévère cette fois. Toujours dans le Nord du Royaume, des départs de grands feux ont été enregistrés dans diverses zones forestières des régions de Larache, Tétouan, Chefchaouen, Ouazzane et Taza. Les flammes ont imposé aux autorités de couper temporairement certaines voies de circulation et d’évacuer des villages entiers. Samedi 16 juillet, un mort a été enregistré parmi les riverains de la forêt de Béni Ysef Al-Srif dans la province de Larache, alors que les autorités locales ont dû déplacer à titre préventif près de 1.156 familles réparties sur 17 douars de cette seule et même zone.

Des dégâts importants

Dans la région de Tétouan, au niveau de la forêt de Béni Ydder, les autorités locales ont évacué près de 225 personnes issues de 3 douars de la zone. Un communiqué du ministère de l’Intérieur précise que ce feu a ravagé 70 habitations occasionnant au passage la perte de plus de 90 têtes de bétail.

Dans la région de Taza, au niveau de la forêt de Bab Zahar, 420 personnes issues de 8 douars ont également été évacuées. « Samedi 16 juillet à 19 h, les feux ont été contrôlés à divers degrés. Certains ont été circonscrits, mais les équipes d’intervention continuent à travailler afin d’éteindre les autres », nous confie Fouad Assali, précisant que « pour ces seuls derniers 4 jours, le bilan total des superficies forestières qui ont été touchées par le feu a atteint les 5.990 hectares ».

Le chef du Centre National de Gestion des Risques Climatiques Forestiers assure cependant que tous les corps et autorités sont à pied de guerre pour venir à bout des feux. Saluons leurs efforts et prions pour qu’ils puissent rapidement réussir leur mission.



Oussama ABAOUSS

Repères

Les drones à la rescousse
Afin de renforcer le dispositif de lutte contre les incendies, l’ANEF est actuellement en cours d’introduire l’utilisation de drones DJI 300 RTK qui combinent une autonomie de vol de 55 minutes, une détection et un positionnement dans 6 directions, et qui permettront de collecter des informations sur l’évolution des incendies. Pour cette année, ils voleront en mode isolé et s’activeront dès l’année prochaine en mode synchronique, en même temps que les avions. Une équipe de six dronistes a, par ailleurs, été spécialement formée à cet effet.
 
Feu et intelligence artificielle
L’anticipation des conditions des feux de forêt est un avantage précieux pour préparer et tuer dans l’oeuf un incendie potentiellement dévastateur. Cette avance est possible grâce aux supercalculateurs et à un dispositif d’intelligence artificielle qui met à profit les données et la puissance de calcul pour prédire la catastrophe. Le Royaume est actuellement en train de rejoindre le cercle très restreint des pays qui disposent d’un dispositif de ce genre, grâce notamment à la contribution de l’UM6P

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Canicule


Quand le vent, la sécheresse et la canicule enfantent le feu
 
Durant cette semaine marquée par des incendies d’une rare intensité, en plus du nombre élevé de feux simultanés et du défi de coordination, un autre défi se pose, à savoir la réactivité.

« Au vu de la sécheresse que nous avons vécue cette année, les taux d’inflammabilité et de combustibilité sont à leur niveau maximal. Toute la végétation est sèche : les herbes et le sous-bois, mais également les arbustes et les arbres. Cette situation explique la vitesse de propagation du feu qui est beaucoup plus élevée. De ce fait, les interventions doivent également se faire encore plus rapidement que d’habitude », explique Fouad Assali.

Rappelons qu’il y a quelques jours, la Direction Générale de la Météorologie a publié un bulletin qui annonçait une vague de chaleur accompagnée par des rafales de vent dont la vitesse pouvait, à certains moments et dans plusieurs endroits, atteindre les 85 km/h. Les personnes qui roulent sur des routes forestières sont à cet égard priées de rester vigilantes et de respecter les consignes des autorités en la matière.
 

Europe occidentale


Le Portugal, la France et l’Espagne cumulent les dégâts liés aux feux
 
Suite à la forte vague de chaleur qui sévit au Maroc et dans les pays de l’Europe occidentale, l’Espagne, la France et le Portugal vivent, eux aussi, depuis quelques jours au rythme de violents feux de forêt. Dans le Sud-Ouest de la France, la mobilisation des pompiers ne faiblissait pas samedi 16 juillet, particulièrement en Gironde où près de 10.000 ha de forêt sont partis en fumée depuis mardi 12 juillet.

Dans le touristique bassin d’Arcachon, 3.150 ha de forêt ont brûlé alors que le feu n’est toujours pas maîtrisé. En France, ces feux, qui mobilisent plus d’un millier de pompiers, ont entraîné depuis mardi l’évacuation de plus de 12.000 personnes. Les feux enregistrés au Portugal connaissaient pour leur part une relative accalmie, avec un seul incendie important encore actif le samedi 16 juillet, dans le Nord du pays.

A noter que vendredi, un avion bombardier d’eau portugais qui combattait un feu de forêt dans la région de Guarda (Nord) s’est écrasé, provoquant la mort du pilote. Selon un bilan de la Protection civile portugaise, les incendies de la dernière semaine ont fait deux morts et une soixantaine de blessés. D’après ses estimations, ces feux ont ravagé, depuis le début de la canicule, entre 12.000 et 15.000 ha de forêt et de broussailles.

En Espagne, des dizaines d’incendies faisaient toujours rage samedi du Nord au Sud du pays. À l’extrême Sud, en Andalousie, un feu près de Malaga a obligé l’évacuation préventive de plus de 3.000 personnes, selon les services de secours andalous.
 

3 questions à Fouad Assali


« Les mots me manquent pour qualifier le haut degré d’abnégation et de dévouement dont font preuve les diverses équipes engagées »
 
Chef du Centre National de Gestion des Risques Climatiques Forestiers, affilié à l’Agence Nationale des Eaux et Forêts, Fouad Assali répond à nos questions.


- Le faible taux de remplissage des barrages ne pose-t-il pas un problème de ravitaillement en vol des Canadairs ?

- D’habitude, nous avons entre 22 et 25 barrages qui sont mis à profit pour l’écopage (ravitaillement en eau sans arrêt du vol, NDLR) des Canadairs. Dieu merci, nous avons cet avantage grâce à la politique des barrages qui nous permet d’avoir ces réserves sur quasiment l’ensemble du territoire. Cette année, il y a certains barrages, 4 environ, qui, au vu de leur faible taux de remplissage, ont été exclus de la liste des retenues à utiliser pour le ravitaillement en eau des Canadairs.

Heureusement, les zones à haut risque qui sont situées au Nord du Royaume ne sont pas concernées. Dans la région Centre, ce problème ne se pose pas également. En revanche, la région Sud est relativement concernée notamment au niveau du barrage Abdel Moumen du côté d’Agadir. Il y a cependant d’autres circuits de remplissage qui sont prévus pour parer à ce genre d’éventualité.


- Certains médias ont rapporté la livraison de 2 Canadairs parmi les 3 qui avaient été commandés l’année dernière. Vous confirmez ?

- Actuellement, il y a cinq Canadairs qui sont alignés durant les opérations : les mêmes qui étaient mobilisés durant les dernières années. Les trois nouveaux canadairs CL 415 ne vont être livrés au Maroc qu’à partir du mois de septembre puisqu’ils sont toujours en phase de test et de contrôle de leurs dispositifs.


- La coopération entre les différents corps et parties prenantes engagés dans la lutte contre les feux de forêt a-t-elle gagné en efficacité et en coordination ?

- Effectivement, grâce notamment à plusieurs années de travail commun où nous avons continuellement amélioré nos protocoles. Les mots me manquent pour qualifier le haut degré d’abnégation et de dévouement dont font preuve les diverses équipes engagées. Je tiens ici à remercier la Gendarmerie Royale, la Protection civile, les Forces Royale Air, les Force Armées Royales, les Forces Auxiliaires, la Défense Nationale, l’Intérieur, les autorités locales, les Eaux et Forêts, ainsi que tous ceux qui collaborent de près ou de loin dans cette lutte. Chacun apporte et continue à apporter une contribution vitale et décisive.



Recueillis par O. A.