Farida Belyazid, élancée de corps et d’esprit.
Douce, belle d’âme, cérébrale, la voix à peine audible, la cinéaste se conjugue au présent et au futur. Le passé, elle s’en sert comme socle. Elle est l’amie de tous et l’amante de ses rêves. Fine d’esprit, elle fait montre d’un humour peu commun, celui qui engendre les éclats de sourires, enfante l’admiration.
Ainsi est-elle bâtie, cette anti trouble-fête, quoique… : «Quoique j’aie parfois l’impression d’aller à contre-courant. Je ne suis jamais dans la provocation. Je préfère le dialogue et l’invitation à la réflexion. Je fais de plus en plus confiance à mon intuition. J’ai compris avec le temps que c’est l’intuition qui est à l’origine des grandes découvertes scientifiques (Einstein, Marie Curie). Elle est également à l’origine de la création artistique. Il semble qu’avec l’improvisation, ce sont les deux qualités qui différencient l’intelligence humaine de l’intelligence artificielle. En cette période de révolution numérique, absolument fabuleuse, j’ai envie de crier : ‘Attention, c’est l’humain qui est à l’origine de toute découverte, la machine la plus performante doit rester au service de l’humain et pas le contraire’. Je m’élève contre l’asservissement de l’homme qui se profile à l’horizon.» Voilà qui nous économise de supplémentaires questions.
Lorsque Farida Belyazid plonge dans l’océan de ses réflexions, elle réveille les vagues dormantes, provoque leurs sacs et ressacs entre crêtes et creux. Avec bonté et sérénité, jusqu’à la bravade lorsqu’elle évoque ses marottes : «La spiritualité, l’écoute de sa voix intérieure, le travail à faire sur soi. Et bien sûr la lecture, l’art sous toutes ses formes, l’écoute de l’autre. La culture est le véritable enrichissement, pas l’argent. On peut la partager sans que cela nous appauvrisse. J’aime toutes les cultures, ce sont autant de possibilités que les humains ont développées pour exister suivant leurs environnements. Je suis fascinée par leur adaptation aux situations les plus difficiles.»
Une porte sur la production
Frétillante de jeunesse, Farida Belyazid embarque au début des années soixante-dix pour la France, submergée d’arrière-pensées cinéphiliques. Après une licence en Lettres modernes saucée de cinéma, elle intègre l’Ecole supérieure d’études cinématographiques de Paris avant de s’imbiber de stages entre 1977 et 1978 et réalise un documentaire pour FR3.
Dans la ville-lumières, elle retrouve un ami d’enfance, un Tangérois comme elle, Jilali Ferhati : «J’ai connu Jilali sur les bancs de l’école primaire. A Paris, notre passion pour le cinéma nous a réunis et nous avons fait un bon bout de chemin ensemble. Il avait déjà fait deux courts métrages et était plus apte à se lancer dans la réalisation.
Moi, j’avais fait des études en production qui m’ont été très utiles. Je me suis donc engagée dans la production de ses deux premiers longs métrages, ‘Une brèche dans le mur’ sélectionné pour la Semaine de la critique du festival de Cannes et ‘Poupées de roseaux’ retenu pour la catégorie Quinzaine des réalisateurs du même festival et dont j’étais la scénariste.» Les deux compatriotes décident ensuite de rentrer au pays «car nous avons eu le sentiment que nous devions faire connaitre notre culture». Après d’intenses retrouvailles avec sa ville natale, Farida décide d’aller humer d’autres senteurs du pays. Ce qui se concrétise avec l’écriture-réalisation en 1988 de son premier long métrage «Une porte sur le ciel» (lire plus loin).
Le scénario le plus rapide
Scénariste rangée sur une belle étagère, Farida Belyazid se drape de contes et de poids de mémoire. Elle en fait preuve souventes fois, celles-ci en particulier, impliquant le réalisateur Mohammed Abderrahman Tazi qu’elle fréquente professionnellement à trois reprises, pour «Badis», «A la recherche du mari de ma femme» et actuellement «Fatéma Mernissi, la sultane inoubliable» : «Abderrahman Tazi est très respectueux de la liberté de création et nous nous ajustons à chaque fois sans problème. En ce qui concerne ‘A la recherche…’ Tazi m’a proposé d’adapter une Nouvelle de l’Algérien Rachid Mimouni qui se passe dans une gare où le train n’arrive jamais, très intéressante d’un point de vue philosophique mais difficilement adaptable au cinéma. Je lui ai suggéré de réaliser une comédie. L’idée lui a plu et m’a parlé de cette histoire de trois répudiations dont il pensait faire un court métrage. Je lui ai dit tout de suite que cela m’inspirait énormément. C’est le scénario le plus rapide que j’ai écrit, en deux mois. Et je rigolais seule en l’écrivant ! Quant au film sur Fatéma Mernissi dont j’ai coécrit le scénario, il me tenait à coeur autant qu’à Tazi et je suis heureuse qu’il ait pu le tourner malgré les restrictions liées à la pandémie.»
Farida, femme à multiples addictions artistiques, réalise «Casa Nayda» en 2003 sur l’impulsion de la sociolinguiste française et spécialiste de la darija maghrébine Dominique Caubet. «J’étais curieuse de savoir ce qui se passait dans la scène marocaine. J’ai été très heureuse de découvrir de près les jeunes créateurs, de rendre compte de leur talent et de leur travail.»
Fait-elle ainsi le tour de ce qui la maintient en action ? Que non pas ! Farida est sollicitée pour faire partie de LA Commission, celle dirigée par l’ambassadeur Chakib Benmoussa, chargée du modèle de développement, voulue par le roi : «C’était un travail intense et passionnant avec 36 membres représentant toutes les sensibilités et tous les âges. Avec une réelle implication de tous, dans un esprit de conscience collective, pour un développement heureux de notre pays. Nous avons auditionné et écouté des milliers de personnes plus intéressantes les unes que les autres. Nous avons débattu en toute liberté. Il en ressort que nous avons tout pour réussir. Notre plus grand problème est la ‘hogra’. Nous devons apprendre à considérer que l’autre est aussi un moi.»
Et le bonheur dans cet amas de bonnes volontés ? «Je ne lui connais pas de recette. Mais je le trouve dans la paix de l’âme», dit l’érudite. Espérons le conquérir à âmes égales.
Ainsi est-elle bâtie, cette anti trouble-fête, quoique… : «Quoique j’aie parfois l’impression d’aller à contre-courant. Je ne suis jamais dans la provocation. Je préfère le dialogue et l’invitation à la réflexion. Je fais de plus en plus confiance à mon intuition. J’ai compris avec le temps que c’est l’intuition qui est à l’origine des grandes découvertes scientifiques (Einstein, Marie Curie). Elle est également à l’origine de la création artistique. Il semble qu’avec l’improvisation, ce sont les deux qualités qui différencient l’intelligence humaine de l’intelligence artificielle. En cette période de révolution numérique, absolument fabuleuse, j’ai envie de crier : ‘Attention, c’est l’humain qui est à l’origine de toute découverte, la machine la plus performante doit rester au service de l’humain et pas le contraire’. Je m’élève contre l’asservissement de l’homme qui se profile à l’horizon.» Voilà qui nous économise de supplémentaires questions.
Lorsque Farida Belyazid plonge dans l’océan de ses réflexions, elle réveille les vagues dormantes, provoque leurs sacs et ressacs entre crêtes et creux. Avec bonté et sérénité, jusqu’à la bravade lorsqu’elle évoque ses marottes : «La spiritualité, l’écoute de sa voix intérieure, le travail à faire sur soi. Et bien sûr la lecture, l’art sous toutes ses formes, l’écoute de l’autre. La culture est le véritable enrichissement, pas l’argent. On peut la partager sans que cela nous appauvrisse. J’aime toutes les cultures, ce sont autant de possibilités que les humains ont développées pour exister suivant leurs environnements. Je suis fascinée par leur adaptation aux situations les plus difficiles.»
Une porte sur la production
Frétillante de jeunesse, Farida Belyazid embarque au début des années soixante-dix pour la France, submergée d’arrière-pensées cinéphiliques. Après une licence en Lettres modernes saucée de cinéma, elle intègre l’Ecole supérieure d’études cinématographiques de Paris avant de s’imbiber de stages entre 1977 et 1978 et réalise un documentaire pour FR3.
Dans la ville-lumières, elle retrouve un ami d’enfance, un Tangérois comme elle, Jilali Ferhati : «J’ai connu Jilali sur les bancs de l’école primaire. A Paris, notre passion pour le cinéma nous a réunis et nous avons fait un bon bout de chemin ensemble. Il avait déjà fait deux courts métrages et était plus apte à se lancer dans la réalisation.
Moi, j’avais fait des études en production qui m’ont été très utiles. Je me suis donc engagée dans la production de ses deux premiers longs métrages, ‘Une brèche dans le mur’ sélectionné pour la Semaine de la critique du festival de Cannes et ‘Poupées de roseaux’ retenu pour la catégorie Quinzaine des réalisateurs du même festival et dont j’étais la scénariste.» Les deux compatriotes décident ensuite de rentrer au pays «car nous avons eu le sentiment que nous devions faire connaitre notre culture». Après d’intenses retrouvailles avec sa ville natale, Farida décide d’aller humer d’autres senteurs du pays. Ce qui se concrétise avec l’écriture-réalisation en 1988 de son premier long métrage «Une porte sur le ciel» (lire plus loin).
Le scénario le plus rapide
Scénariste rangée sur une belle étagère, Farida Belyazid se drape de contes et de poids de mémoire. Elle en fait preuve souventes fois, celles-ci en particulier, impliquant le réalisateur Mohammed Abderrahman Tazi qu’elle fréquente professionnellement à trois reprises, pour «Badis», «A la recherche du mari de ma femme» et actuellement «Fatéma Mernissi, la sultane inoubliable» : «Abderrahman Tazi est très respectueux de la liberté de création et nous nous ajustons à chaque fois sans problème. En ce qui concerne ‘A la recherche…’ Tazi m’a proposé d’adapter une Nouvelle de l’Algérien Rachid Mimouni qui se passe dans une gare où le train n’arrive jamais, très intéressante d’un point de vue philosophique mais difficilement adaptable au cinéma. Je lui ai suggéré de réaliser une comédie. L’idée lui a plu et m’a parlé de cette histoire de trois répudiations dont il pensait faire un court métrage. Je lui ai dit tout de suite que cela m’inspirait énormément. C’est le scénario le plus rapide que j’ai écrit, en deux mois. Et je rigolais seule en l’écrivant ! Quant au film sur Fatéma Mernissi dont j’ai coécrit le scénario, il me tenait à coeur autant qu’à Tazi et je suis heureuse qu’il ait pu le tourner malgré les restrictions liées à la pandémie.»
Farida, femme à multiples addictions artistiques, réalise «Casa Nayda» en 2003 sur l’impulsion de la sociolinguiste française et spécialiste de la darija maghrébine Dominique Caubet. «J’étais curieuse de savoir ce qui se passait dans la scène marocaine. J’ai été très heureuse de découvrir de près les jeunes créateurs, de rendre compte de leur talent et de leur travail.»
Fait-elle ainsi le tour de ce qui la maintient en action ? Que non pas ! Farida est sollicitée pour faire partie de LA Commission, celle dirigée par l’ambassadeur Chakib Benmoussa, chargée du modèle de développement, voulue par le roi : «C’était un travail intense et passionnant avec 36 membres représentant toutes les sensibilités et tous les âges. Avec une réelle implication de tous, dans un esprit de conscience collective, pour un développement heureux de notre pays. Nous avons auditionné et écouté des milliers de personnes plus intéressantes les unes que les autres. Nous avons débattu en toute liberté. Il en ressort que nous avons tout pour réussir. Notre plus grand problème est la ‘hogra’. Nous devons apprendre à considérer que l’autre est aussi un moi.»
Et le bonheur dans cet amas de bonnes volontés ? «Je ne lui connais pas de recette. Mais je le trouve dans la paix de l’âme», dit l’érudite. Espérons le conquérir à âmes égales.
Anis HAJJAM