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Actu Maroc

Énergie éolienne privée : Un potentiel mal exploité au Maroc !


Rédigé par Soufiane CHAHID Mardi 1 Novembre 2022

Si le Royaume a décidé d’ouvrir la moyenne tension à l’énergie solaire photovoltaïque, qu’en est-il de l’éolien ? Le plein déploiement de cette énergie bute encore sur des obstacles administratifs et réglementaires.



Le Maroc continue dans la voie de la décarbonation de son industrie. Le 26 septembre dernier, le ministère de l’Energie a publié le décret relatif à l’accès au réseau électrique national de moyenne tension. Attendu depuis la loi n° 13-09 sur la production privée de 2010, ce décret liste les zones pouvant abriter des centrales de production privées d’électricité solaire. Cela permettra un accès plus large pour les industriels aux énergies renouvelables, préparant ainsi le terrain à la future taxe carbone qui sera imposée par l’Union Européenne sur ses importations.

Selon les chiffres du département de Leila Benali pour l’année 2021, l’énergie solaire représente 7% du total de la puissance installée, tandis que pour l’énergie éolienne la part est de 13,4%. Pourquoi les autorités n’ont jusqu’à aujourd’hui ouvert la moyenne tension qu’au solaire ? « Les technologies utilisées dans l’éolienne se prêtent plus à la haute tension, et donc ouvrir la moyenne tension à cette source d’énergie ne serait pas intéressant », nous répond une source au ministère de l’Energie. La contrainte n’est pas seulement technique, mais également économique. « La rentabilité de chaque source d’énergie fait que le solaire correspond plus à la moyenne tension et l’éolien qu’à la haute tension », renchérit Amin Bennouna, enseignant- chercheur et expert en énergie.

Un seul projet en autoproduction

Des 1430 MW de capacité installée en énergie éolienne, la grande majorité des projets sont développés dans le cadre de la loi 13-09, à destination de clients privés en haute tension, ou des PPA (Power Purchase Agreement), qui sont des contrats d’achat d’électricité sur le long-terme conclus avec l’ONEE. Le Maroc ne compte qu’un seul projet en autoproduction, il s’agit du parc éolien Lafarge à Tétouan. Le cimentier a investi près de 500 millions de dirhams dans ce parc éolien de 10 MW en 2003, qui a été élargi en 2008 et 2009 pour atteindre une capacité totale de 32 MW. L’électricité verte produite couvre environ 70% des besoins de son usine à Tétouan. Mais ce projet reste unique en son genre au Royaume.

« Dans l’autoproduction, l’énergie solaire est plus simple à déployer par les industriels via l’installation de panneaux solaires sur les toitures, des combrières… L’éolien nécessite plus d’espace puisque, en général, une entreprise qui fait de l’autoproduction, la fait sur son propre site », nous explique Driss Faouzi, responsable Maroc du groupe InnoVent, spécialisé dans la construction et l’exploitation de centrales éoliennes et solaires.

Appui des autorités

L’énergie éolienne se déploie généralement sur de très grandes surfaces, ce qui nécessite un accès au foncier à travers l’achat ou la location longue durée de terrain. De plus, plusieurs autorisations sont nécessaires pour le développement d’un parc éolien, nécessitant une collaboration étroite avec les autorités locales tout au long du processus.

Comme nous l’explique Driss Faouzi, « le premier défi pour le développement d’un parc éolien est de sécuriser le foncier et d’obtenir dans la foulée les autorisations administratives ». C’est dans ce domaine que l’expertise du responsable Maroc du groupe InnoVent se dénote, à savoir « faire du lobbying auprès des autorités centrales et locales (ministères de l’Energie et des Mines, de l’Intérieur, de l’Economie et des Finances…), du gestionnaire du réseau national, l’ONEE, mais aussi des populations locales afin que ces dernières y adhérent, épousent la philosophie du projet que nous souhaitons développer», détaille-t-il.

Contrairement au photovoltaïque, la mise en place d’une éolienne nécessite de grands travaux, à savoir le coulage d’énormes quantités de béton pour les fondations du dispositif. « Le facteur clé de la réussite est l’appui des autorités locales (la wilaya, la province, le caïdat, la commune) et de l’Office National de l’Electricité, afin qu’ils vous accompagnent durant la durée de vie de votre projet, à savoir phases de développement, construction et exploitation », conclut-il.



Soufiane CHAHID

Repères

Eolien offshore
En septembre dernier, la BEI a accordé une subvention de 2 millions d’euros à Masen pour une étude de faisabilité de l’éolien offshore. Cette étude aura pour objectif l’évaluation technico-économique d’un potentiel projet éolien en mer, la définition et l’analyse des études préparatoires nécessaires au projet sur les plans technique, économique, environnemental et social, ainsi que l’évaluation détaillée des risques et enjeux du projet. L’objectif est de déployer à terme une nouvelle génération de plateformes d’éoliennes flottantes en mer.
 
L’éolien pour aider au dessalement
Afin de lutter contre le stress hydrique, le Royaume a lancé plusieurs projets d’usine de dessalement de l’eau de mer. Un des principaux inconvénients au dessalement par osmose inverse, est son coût prohibitif. 40% du coût du mètre cube de l’eau dessalée vient de l’énergie consommée. Pour réduire ce coût, le Maroc compte doter chaque usine de dessalement d’un parc éolien. Une première expérience sera menée à Dakhla avec une usine de dessalement d’une capacité de 37 millions de m2 par an, couplée à un parc éolien. L’investissement total est de 2 milliards de dirhams.

L’info...Graphie


Union Européenne


Sous la menace de la taxe carbone
 
En mars dernier, les Etats membres de l’Union Européenne ont donné leur feu vert à un projet visant à taxer les produits importés en fonction de leur bilan carbone. A son entrée en vigueur, cette taxe va pénaliser les exportateurs marocains, puisque 65% des exportations nationales vont vers l’Europe. La grande majorité de notre électricité vient du charbon, une source d’énergie très intense en carbone.

Rapportée à chaque produit exporté, cette taxe carbone pourrait dégrader la compétitivité de l’industrie nationale. Si les gros clients avaient la possibilité d’acheter directement leur électricité de producteurs indépendants d’énergie verte, cette option n’était pas ouverte au reste des entreprises. C’est désormais chose faite, avec le décret relatif à l’accès au réseau électrique national de moyenne tension. Ces entreprises pourront ainsi réduire le bilan carbone des produits exportés, en s’approvisionnant chez des développeurs d’énergie solaire et éolienne, ou recourir à l’autoproduction.
 

Autoproduction


Où en est le projet de loi 82.21 ?
 
Même si plusieurs particuliers, industriels ou agriculteurs recourent à l’autoproduction électrique, cette activité n’est pas encore réglementée au Maroc. L’autoproduction est l’installation de sources d’énergies, comme les plaques photovoltaïques ou des éoliennes, pour sa propre consommation. L’objectif est de réduire sa facture électrique, et verdir son électricité (en réduisant ses rejets de CO2).

Elaboré par le précédent gouvernement, le projet de loi n° 82.21 relatif à l’autoproduction d’énergie électrique a été adopté en Conseil de gouvernement, en novembre 2021. Le texte a ensuite été présenté à la commission de l’Energie en mai dernier, et est actuellement examiné par la sous-commission chargée du projet de loi. Une des principales critiques à l’encontre du projet de loi concerne son article 20, qui autorise à injecter la surproduction électrique dans un seuil ne dépassant pas 10% de l’autoproduction totale annuelle. Cette surproduction réinjectée dans le réseau national est soustraite de la facture électrique.

Pour les acteurs du secteur, le seuil de 10% n’est pas suffisant, puisqu’il ne permet pas de rentabiliser convenablement une installation solaire ou électrique. Dans certains pays comme la France ou la Tunisie, aucune limite n’est imposée, ce qui explique que cette pratique soit très répandue dans ces pays. Le ministère marocain de l’Energie explique ce seuil par le souci de stabiliser le réseau, qui ne supporterait pas de trop grandes injections.
 

3 questions à Driss Faouzi


« En général, l’investissement dans l’éolien est amorti dans les sept à dix ans »
 
Driss Faouzi, expert en énergie et responsable Maroc du groupe InnoVent, répond à nos questions.

- Quel est votre premier projet dans l’éolien développé au Maroc ?


- Nous avons développé notre premier parc éolien de 36 MW dans le Région du Grand Casablanca, Commune de Oualidia. L’ensemble de notre production est vendu à la multinationale STMicroelectronics sise à Bouskoura via un PPA (contrat d’achat d’électricité long-terme), dans le cadre de la loi 13.09. La facturation se fait mensuellement au prix convenu entre les parties. L’ONEE se porte garant du bon fonctionnement de la livraison d’électricité au profit de notre client. La stratégie de groupe est de réaliser dans le Royaume des parcs éoliens de 10 et 40 MW de capacité installée.


- Quelle est la durée de l’amortissement et de vie d’un parc éolien ?

- En général, l’investissement est amorti dans les sept à dix ans, c’est la pratique au niveau international. Sur le plan contractuel, les autorisations d’exploitation sont délivrées pour une durée de 25 années et renouvelables une fois conformément à la loi en vigueur. Concernant la machine, elle est composée de beaucoup d’acier et d’électronique, donc si cette dernière est bien entretenue, elle peut produire sans problème durant 25 à 30 ans.


- Comment avez-vous trouvé le foncier ?

- Concernant notre parc éolien, il s’agit d’une location foncière sur 25 ans. C’est un terrain qui appartient aux soulaliates faisant parties du domaine collectif. Au Maroc, et ce depuis l’indépendance de notre pays, ce dernier est géré par le ministère de l’Intérieur. Le contrat est signé avec la Direction des Affaires rurales à ce ministère.



Recueillis par S. C.
 








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