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Droits des Femmes : 2024, l’année du grand changement ? [INTÉGRAL]


Rédigé par L'Opinion Vendredi 8 Mars 2024

Dans une lettre adressée, en septembre 2023, au Chef du gouvernement, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a donné un délai maximum de six mois au gouvernement pour réformer la Moudawana. La journée internationale des droits des Femmes est l’occasion de revenir sur les défis de la réforme, dont la deadline approche à grands pas.



L’Instance chargée de la révision du Code de la famille.
L’Instance chargée de la révision du Code de la famille.
Le 30 juin 2022, SM le Roi Mohammed VI a appelé à une réforme du Code de la Famille qui « ne suffit plus en tant que tel », suite à divers facteurs sociologiques, juridiques et culturels. Plus d’un an plus tard, le Souverain a adressé une lettre au Chef de l’Exécutif, appelant le gouvernement à accélérer la cadence de ce chantier qui revêt une grande importance pour l’égalité homme-femme en droits et en obligations. Au vu de la centralité des dimensions juridiques et judiciaires de cette réforme, le Souverain a confié le pilotage de sa préparation, « de manière collective et collégiale », au ministère de la Justice, au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et à la Présidence du Ministère public, qui devraient impliquer d’autres instances dont «le Conseil Supérieur des Oulémas, le Conseil National des Droits de l’Homme et l’Autorité gouvernementale chargée de la solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, tout en s’ouvrant également sur les instances et acteurs de la société civile, les chercheurs et les spécialistes». Une approche nécessaire, selon Nouzha Skalli, ex-ministre de la Famille dans le gouvernement d’Abbas El Fassi, qui souligne que la réussite de la réforme dépend de l’harmonisation des visions de toutes les parties concernées. Sauf que le fossé entre les différents paradigmes est abyssal. Avec des «conservatistes» qui plaident en faveur du statu quo, alertant contre «l’occidentalisation» de la société et des «progressistes» qui appellent à une refonte poussée de la Moudawana, notamment concernant la très épineuse question de l’héritage, le compromis s’annonce difficile à trouver. Mais ceci dit, certaines dispositions relatives au mariage des mineurs, à la polygamie, ou encore à la reconnaissance de paternité, vont certainement changer dans les propositions d’amendements qui devraient être soumises au Souverain, apprend-on de certaines parties impliquées dans ce chantier. Toutefois, les questions relatives aux relations sexuelles en dehors du mariage ou à l’héritage, qui suscitent une vive polémique au sein de la société, requièrent beaucoup de recul, «étant donné la complexité, la sensibilité et les implications d’un éventuel changement», précise notre interlocutrice.
 
Code pénal avant tout

« Il y a deux façons d’aborder la question de la réformer du Code de la Famille », nous indique Driss Benhima, co-auteur du livre collectif «Libertés fondamentales au Maroc : propositions de réformes », notant que la mauvaise « est de considérer que les habitudes et les réglementations en usage dans notre pays sont intouchables parce qu’elles sont tirées de l’interprétation traditionnelle des textes religieux » (voir 3 questions). Pour Nouzha Skali, « la réforme de la Moudawana ne pourrait atteindre les objectifs fixés par SM le Roi que si elle est associée à une réforme du Code pénal, qui, dans sa mouture actuelle, tolère des choses graves, telles que la violence à l’égard des femmes». Elle donne dans ce sens l’exemple des femmes victimes de viols, dont «environ 3% seulement portent plainte, car pour avoir gain de cause il faut prouver qu’il s’agissait d’un viol et non d’une relation consensuelle». Acte qui implique la prison ferme selon l’article 490- 491 du Code pénal. Dans ce même sillage, le livre précité, qui a rassemblé les pensées de plusieurs personnalités éminentes telles que Yasmina Baddou, Jalil Banabbès Taarji, Mohamed Gaïzi, ou encore Asma Lamrabet, épingle également certaines «contradictions» émaillant le Code pénal. Selon les auteurs, les Oulémas qu’ils ont consultés ont affirmé qu’il ne faut pas fermer le débat et les discussions sur la conformité du Code pénal avec l’esprit des règles musulmanes émanant des textes coraniques et de la Charia. S’agissant de la polygamie, la pratique judiciaire a montré que certains juges ne sont pas très exigeants vis-à-vis des hommes qui prétendent à un second mariage. La loi, rappelons-le, interdit la polygamie lorsqu’elle est jugée injuste envers les épouses et empêche le tribunal de l’autoriser dans des cas bien définis dans l’article 41. Sur ce point, Mme Skalli, consciente de la difficulté de supprimer complètement la polygamie, du moment qu’elle est permise par la Charia, appelle à revoir le Code de la Famille dans sa globalité, tout en tenant compte des attentes de toutes les composantes de la société. 
 
Barrage au mariage des mineurs

Pour ce qui est du mariage des mineurs, la pratique a montré que ce phénomène a pris des proportions tellement inquiétantes qu’il a fallu lancer une révision de la loi, illico presto. Car si les autorisations de mariage ont connu une légère baisse durant les dix dernières années, les demandes d’autorisation ont par contre connu une hausse étonnante, dépassant les 27.000 requêtes, selon les derniers chiffres de la Présidence du Ministère public. Pour le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, les choses sont claires : «Il faut en finir avec ce problème une fois pour toutes». Mais, pour ce faire, il faut réviser en profondeur la loi qui laisse à la discrétion du juge «la faculté de réduire cet âge dans les cas justifiés». Car oui, le Code de la Famille prévoit des «dérogations» dans des cas exceptionnels. Le juge de la famille peut ainsi autoriser le mariage d’un garçon ou d’une fille de moins de 18 ans si les parents ou le représentant légal de l’enfant le demandent. Si le tribunal donne son accord, le verdict est irrévocable et l’épouse mineure n’a droit à aucun recours. Dans presque la totalité des cas, lesdites dérogations concernent les filles.

Contactés par «L’Opinion», des adouls, acteurs incontournables pour le mariage des mineurs, ne s’opposent pas à l’interdiction du mariage des mineures, mais soulignent, néanmoins, que certains cas sont tellement complexes de par la situation sociale, qu’il faut bien examiner chaque cas dans toutes ses spécificités, surtout dans les zones rurales.
 
 

3 questions à Driss Benhima : « La société marocaine a été abusée de bonne foi depuis longtemps par des interprétations orientées »

Driss Benhima, co-auteur du livre : « Libertés fondamentales au Maroc, propositions de réformes », a répondu à nos questions.
Driss Benhima, co-auteur du livre : « Libertés fondamentales au Maroc, propositions de réformes », a répondu à nos questions.
  • SM le Roi Mohammed VI a appelé à l’accélération de la réforme de la Moudawana. Quelle est, selon vous, l’approche adéquate à adopter ?

 Il y a deux façons d’aborder la question de la réforme du Code de la Famille. La mauvaise qui est celle que les forces réactionnaires veulent mettre en avant est de considérer que les habitudes et les réglementations en usage dans notre pays sont intouchables parce qu’elles sont tirées de l’interprétation traditionnelle des textes religieux. C’est vrai que ces conceptions sont majoritaires dans notre pays et que nos concitoyens sont convaincus que les inégalités manifestes entre hommes et femmes sont conformes à la religion. Par contre, on peut adopter une autre approche si on admet que certaines pratiques comme le Taasib n’ont aucun fondement religieux solide, d’ailleurs des centaines de millions de musulmans, dont les chiites, ne l’appliquent pas, et qu’une interprétation volontairement libérale et parfaitement légitime permet de réformer en profondeur le Code de la Famille, y compris le statut du testament. On doit rappeler, dans ce sens, que l’article 280 actuel autorise déjà le testament au profit des héritiers et qu’il se contente de demander l’accord des autres héritiers. 
 
  • Quelles sont les implications de cette deuxième approche ? 

Cette approche consiste, à partir des textes fondamentaux de la religion, Coran et Hadiths indiscutables, et non pas des usages traditionnels, à demander à des Ulémas impartiaux et éclairés de construire un Code de la Famille profondément musulman et débarrassé des usages dus au caractère patriarcal et inégalitaire de la société marocaine traditionnelle. 
 
  • Quels sont les prérequis pour appliquer cette approche ? 

Cette approche exige, certes, du courage et des capacités pédagogiques vis-à-vis de l’opinion publique majoritaire sincèrement attachée à des visions traditionnelles mais déformées des valeurs de la religion. En d’autres termes, la société marocaine a été abusée de bonne foi depuis longtemps par des interprétations orientées et erronées des textes dont l’objectif réel n’a été que de perpétuer des rapports sociaux inégalitaires, discriminatoires et répressifs envers les individus et en particulier les femmes. 
 
(Interview archives) 

3 questions à Nouzha Skalli : « Il faut revoir toute la conception du Code de la famille »

Nouzha Skalli, ex-ministre de la Famille dans le gouvernement Abbas El Fassi, a répondu à nos questions.
Nouzha Skalli, ex-ministre de la Famille dans le gouvernement Abbas El Fassi, a répondu à nos questions.
  • Alors que la réflexion sur la réforme de la Moudawana est lancée, quels sont les points sensibles à réviser en urgence, selon vous ?

A mon sens, les premières choses à réviser sont les dispositions de certains articles du Code pénal. Dans certains cas, ce sont les lois elles-mêmes qui sont lacunaires, d’autres fois, c’est l’application de certaines dispositions des textes qui fait défaut (NDLR : voir article principal). Ensuite, il y a toute la conception du Code de la Famille qu’il faut revoir car elle n’est plus conforme à la réalité actuelle des familles. Aujourd’hui au Maroc, dans les familles, ce n’est plus l’homme qui part seul travailler pour ramener de l’argent et subvenir aux besoins du ménage. La femme contribue à l’économie du foyer, elle travaille et partage les responsabilités du ménage avec son mari. Mais pour arriver à ce constat, il faut également faire un travail renouvelé dans la collecte des données, de sorte à actualiser les statistiques sur lesquelles se basent les différentes études menées au Maroc. 
 
  • Concernant le mariage des mineurs, il y a encore un long chemin à parcourir. Que proposez-vous pour en finir avec ce phénomène ? 

La question du mariage des mineurs est très complexe pour des raisons culturelles, mais surtout pour des raisons socio-économiques. Quand vous avez par exemple un homme de 50 ou 60 ans qui va user de la pauvreté d’une famille démunie en demandant la main de leur fille contre de l’argent, pour moi, c’est une sorte de pédophilie légale. Il faut une loi qui protège les enfants contre ces pratiques. Il y a par ailleurs d’autres problèmes posés par le délai maximal d’acter le mariage, fixé à 5 ans par la loi. Un délai qui sert souvent de subterfuge pour contourner la loi et perpétuer la tradition du mariage par «Al Fatiha», sans autorisation du juge. Et il faut aussi imposer des sanctions lourdes à l’encontre des personnes qui violent ces lois.  
 
  • Quid de l’égalité homme-femme dans la tutelle des enfants ?

C’est aussi un sujet qui suscite la polémique, car, en cas de divorce, si la femme se remarie, elle perd systématiquement la garde de ses enfants, ce qui n’est pas logique. C’est comme si les enfants étaient propriétés de leur père, ce qui n’est absolument pas le cas. Les enfants ne sont la propriété de personne, ils sont mis sous la tutelle de leurs parents, dans une phase transitoire, pour se former et se construire, le temps de devenir adultes et autonomes. Car cette logique fait que de jeunes divorcées renoncent au remariage et vivent sans conjoint pour ne pas perdre la garde de leurs enfants. Il y a aussi la question des mères célibataires et la reconnaissance des enfants nés hors mariage, sachant qu’une grande partie de femmes se retrouvent abandonnées après avoir eu des promesses de mariage. Il faut donc une réflexion profonde sur ces éléments pour créer une société plus égalitaire et plus juste.
 
(Interview archives) 

Promotion du bien-être familial : Hayar présente le chemin parcouru par le Royaume

Droits des Femmes : 2024, l’année du grand changement ? [INTÉGRAL]
Le Maroc s’est engagé avec une détermination et responsabilité dans la promotion du bien-être familial, dans le cadre du chantier Royal de généralisation de la protection sociale, a affirmé, jeudi 29 février à Salé, la ministre de la Solidarité, de l’Insertion sociale et de la Famille, Aawatif Hayar. Dans une allocution à l’ouverture de la 11ème édition de la Conférence africaine sur les droits en santé sexuelle et reproductive, organisée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Mme Hayar a souligné que le Maroc a déployé «des efforts exceptionnels depuis le début de la pandémie du Covid-19», qui se sont traduits par un «changement radical dans le traitement des questions de la santé et de la famille, ainsi que la promotion des droits des femmes et des filles», ajoutant que ces efforts ont abouti à la mise en œuvre de programmes structurés, d’initiatives et de politiques visant à promouvoir la santé et le bien-être des individus et des familles.

Après avoir mis en exergue le chantier de la révision du Code de la famille, Mme Hayar a insisté sur l’importance d’assurer toutes les conditions de protection juridique, sanitaire et sociale de la famille et de toutes ses composantes. Mme Hayar s’est attardée, par ailleurs, sur les différents programmes lancés par le ministère dans le cadre du programme gouvernemental actuel dans la perspective de promouvoir le bien-être familial et protéger les droits des filles et des femmes, à l’instar du programme «Jissr familial», qui consiste en des centres sociaux répartis dans tout le Royaume dans le but de sensibiliser les familles dès leur constitution, ainsi que d’autres programmes visant à promouvoir la santé sexuelle et reproductive pour les femmes, les filles et tous les membres de la famille.

Et la ministre de souligner l’importance d’investir dans la santé, en général, et dans la santé sexuelle et reproductive, en particulier, comme levier pour promouvoir les droits des femmes et des filles en tant que facteur déterminant du bien-être familial, appelant à construire des ponts de coopération afin de développer une plate-forme d’action commune entre les pays africains.








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