Cela fait neuf mois que le gouvernement et les partenaires sociaux discutent la loi relative à l’exercice du droit de grève sans parvenir encore à un compris. Youness Sekkouri s’est montré confiant en parlant d’un accord imminent dans ses récentes sorties médiatiques.
Mais le débat continue entre les trois parties de l’accord social signé le 30 avril 2022 à savoir les syndicats, le patronat et le ministère de tutelle au moment où les indiscrétions médiatiques font état d’une supposée opposition de la CGEM à la hausse du SMIG en cas de non-adoption de la loi relative au droit de grève. Le débat devient de plus en plus sensible à l’approche de la date de la deuxième hausse du SMIG dans le secteur privé, sachant que l’accord social prévoit une hausse du salaire minimum de 10% en deux tranches. 5% en 2022 et 5% en 2023.
La Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a reçu aujourd’hui le ministre de l’Emploi, Youness Sekkouri. Une occasion pour chacun de clarifier sa position. Selon des sources concordantes, la réunion s’est déroulée dans un climat serein. « Le ministre s’est montré compréhensif de notre position », confie une source patronale.
Durant une conférence de presse, tenue vendredi après-midi, les grands cadres de la CGEM ont tâché de montrer qu’ils ne sont pas opposés à la hausse du SMIG. Tous semblaient gênés par ce qui a circulé dans les médias sur un supposé parallèle que la CGEM aurait établi entre la valorisation salariale et l’adoption de la loi relative à l’exercice du droit de grève. Pour sa part, le président de la confédération, Chakib Alj, a même dénoncé une tentative de diabolisation qui viserait le patronat.
« À aucun moment nous n’avons pas conditionné la hausse du SMIG à la sortie de la loi relative au droit de grève, nous avons juste insisté sur la nécessité que le gouvernement et les syndicats honorent leurs engagements dans l’accord social », a affirmé le Vice-président, Mehdi Tazi, ajoutant : « Nous voulons que l’accord social soit respecté comme il a été signé par l’ensemble des parties ».
Pour sa part, le président de la CGEM, Chakib Alj s’est montré plus abrupt dans ses déclarations. « Il y a eu un accord social qui a été signé, à quoi sert des accords s’ils ne sont pas respectés », a -t-il enchaîné, l’air agacé. Le chef du patronat, fraîchement réélu pour un deuxième mandat, semblait exaspéré de ce qui circulait dans les médias à propos des revendications du patronat.
« Ce n’est pas la CGEM qui a signé seule l’accord, il y a d’autres parties », a-t-il maugréé, précisant que la confédération n’a nulle objection contre la hausse du SMIG. Chakib Alj a fait savoir, dans ce sens, que la vision de la CGEM « est plus grande que ça ».
Dans l’esprit du patronat, la réforme du Code du travail, dont celle du droit de grève, va dans le sens de la création d’emplois. « Nous visons la création de plus d’emploi, les changements qu’on souhaite au niveau du Code du travail vont dans ce sens », a indiqué, à cet égard Chakib Alj.
Cette réforme serait, à ses yeux, indispensable pour encourager les patrons, les chefs d’entreprises et les industriels à recruter plus. « Demandez à n’importe quel industriel, il vous dirait qu’il a peu d’embaucher du monde », a lâché le patron des patrons.
De son côté, Hicham Zouanate, président de la Commission des Affaires sociales au sein de la CGEM, a bien résumé ce qu’attendent clairement de la réforme du Code du travail. Il a rejeté l’idée que la CGEM soit favorable à un texte qui facilite les licenciements et réduise l’exercice de la grève. « Ce que nous cherchons, c’est un code qui encourage la création de l’emploi mais surtout apporte des garanties en matière de productivité des travailleurs », a-t-il précisé. S’agissant de la loi sur le droit de la grève, M. Zouanate a évoqué dix points qui ont au centre du débat actuel, dont la question de la grève solidaire à laquelle la CGEM est opposée. Le patronat est aussi contre ce qu’elle appelle « la grève sauvage », c’est-à-dire la grève notifiée à l’employeur dans un délai de préavis très réduit. A cela s’ajoutent les secteurs vitaux où il est interdit de mettre en grève complètement.
« Vous croyez que nous ne sommes pas des Marocains, qu’on ne connaît pas leur situation. Au contraire, nous comprenons tout », s’est-il insurgé en réaction aux critiques adressées à la CGEM. Des critiques qui sont venus également du côté du camp syndical. Le président de l’Union Marocaine du Travail (UMT), Miloudi Moukharik, n’a pas manqué de décrier indirectement l’attitude de la CGEM et la hausse du SMIG, qu’il considère dérisoire au regard du contexte inflationniste actuel. Dans une interview accordée à nos confrères de « Telquel », le patron de l’UMT s’est montré ferme en affirmant que la hausse du SMIG « va passer » et que son syndicat « ne cédera pas au chantage ».
Jusqu’à présent, les syndicats n’ont pas dit leur dernier mot s la réforme de loi sur le droit de grève. Pour sa part, l’Union générale des travailleurs du Maroc, bras syndical de l’Istiqlal, est pour la réforme à condition qu’elle ne soit pas restrictive des libertés syndicales. C’est ce qu’a précisé le président du Syndicat, Ennam Mayara, dans une interview accordée précédemment à « L’Opinion ».