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Développement durable : Vers une reconstruction post-Covid de l’industrie halieutique


Rédigé par Souhail AMRABI Dimanche 20 Mars 2022

La 2ème Conférence sur les enjeux de la durabilité du secteur de la transformation des produits de la mer a permis d’aborder les principaux défis pour reconstruire une industrie halieutique profitable, mais surtout durable.



L’économie bleue est un pilier de développement durable que le Nouveau Modèle de Développement (NMD) n’a pas manqué de désigner comme enjeu stratégique. Ce chantier, qui se construit autour d’une diversification des activités économiques basées sur la mer, intègre également l’exploitation des ressources halieutiques à travers une approche qui se veut, toutefois, plus durable que jamais.

Le maintien des stocks et de l’équilibre des milieux et écosystèmes marins est à cet égard une condition sine qua non pour garantir la continuité de l’exploitation des ressources maritimes et la viabilité des filières qui en dépendent, notamment celles liées à la transformation des produits de la mer qui, au Maroc, jouent un rôle économique important.

C’est dans ce contexte que s’est tenue la deuxième Conférence sur les enjeux de la durabilité du secteur de la transformation des produits de la mer au Maroc, organisée par la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche (FENIP) en partenariat avec le Programme suisse de promotion des importations (SIPPO).

Réglementation et collaboration

Durant cet événement, plusieurs thématiques liées aux enjeux de durabilité des ressources halieutiques ont été abordées, notamment l’optimisation des chaînes de valeur halieutique ou encore les défis liés au développement de l’aquaculture marine. M. Hassan Sentissi El Idrissi, président de la FENIP, a rappelé que « la durabilité des ressources halieutiques constitue un pilier stratégique de développement du secteur. Cette dernière exige une exploitation rationnelle des ressources halieutiques, à travers notamment les plans d’aménagement des pêcheries et la réforme de la réglementation sur la taille marchande (des espèces capturées, ndlr) qui, en plus de préserver la ressource, permettront d’améliorer l’approvisionnement et la valorisation des produits ».

M. Sentissi a souligné l’importance de mettre en place un partenariat rapproché entre les professionnels de la transformation des produits de la pêche et les pouvoirs publics afin de « permettre aux ressources de se regénérer et se reproduire à des niveaux de rendement économiquement rentables, mais écologiquement soutenables ».

Monitoring et exploitation durable

La perspective scientifique dans l’exploitation des ressources halieutiques a pour sa part été incarnée par M. Abdelmalek Faraj, directeur de l’Institut National de Recherche Halieutique (INRH), qui a mis l’accent sur l’apport de la recherche scientifique comme« outil fondamental pour appuyer les décisions d’aménagement des ressources halieutiques et les innovations pour leur valorisation au bénéfice de cette génération et des générations futures.

Tout en mettant en exergue les efforts déployés et les résultats atteints dans ce domaine, M. Faraj a considéré que « des efforts importants sont encore nécessaires pour gagner la bataille de la durabilité, en intégrant ensemble, et non en les opposant, les dimensions : sociale, environnementale et économique ».

Cette perspective rejoint celle mise en avant par Mme Zakia Driouich, Secrétaire général du Département de la Pêche Maritime, qui a mis en avant les objectifs assignés du Département, à savoir : « Limiter les pertes des ressources halieutiques, ne pas créer de pollution ni d’impacts environnementaux néfastes tout en appuyant l’industrie pour valoriser la production au maximum ».

Reconstruction post-Covid du secteur

La conférence s’est également penchée sur les tendances et défis liés à l’exploitation rationnelle des ressources halieutiques au niveau mondial. Les participants et organisateurs ont cependant pu synthétiser plusieurs conclusions pour permettre au Royaume de relever ses propres standards.

Parmi les principales recommandations relayées dans le compte-rendu de l’événement qui a été diffusé par les organisateurs : l’impératif de coordonner les efforts des diverses parties prenantes pour « accélérer la mise en oeuvre de réformes structurelles, à même de garantir la durabilité des ressources halieutiques pour nous et pour les générations futures ».

Pour les participants à cette 2ème conférence, la reconstruction post-Covid du secteur devrait s’articuler autour d’une démarche participative qui s’appuie sur : l’innovation pour améliorer la performance, la recherche scientifique pour appuyer l’aménagement des ressources halieutiques et la concertation entre divers acteurs pour une « planification intégrée entre les usagers du littoral et du domaine maritime ».


Souhail AMRABI

Repères

Le SIPPO et la FENIP
Depuis son démarrage en 2017 au Maroc, le programme SIPPO a inscrit l’enjeu de la durabilité des ressources halieutiques au centre de son programme de travail et de collaboration avec la FENIP pour aider le secteur à maîtriser les outils d’accès aux marchés mondiaux afin d’asseoir et de renforcer sa compétitivité, à travers une bonne compréhension et une meilleure maîtrise des enjeux des mesures non-tarifaires (MNT), dans le plein respect par les pouvoirs publics et privés, les producteurs et les exportateurs, des normes sanitaires, de qualité, écologiques et sociales.
Surexploitation halieutique mondiale
La production halieutique mondiale est passée d’environ 58 millions de tonnes en 1980 à 177,8 millions de tonnes en 2019, soit une croissance moyenne de 5.3 % par an. Pendant la même période, la population mondiale a progressé à un rythme annuel moyen de 1.9 %. Cependant, le taux de stocks de poissons surexploités n’a cessé d’augmenter, passant de moins de 10 % en 1974 à 35.6 % en 2019. La Banque Mondiale estime à plus de 83 milliards $ EUA/an le manque à gagner à cause de la surexploitation des stocks de poisson.

L'info...Graphie

Développement durable : Vers une reconstruction post-Covid de l’industrie halieutique

Transformation des produits de la mer


Un pilier de développement en besoin de garanties de durabilité
 
Le secteur de la transformation des produits de la mer occupe une place privilégiée dans l’économie marocaine en assurant 50% des exportations agro-alimentaires et 12% des exportations totales du Royaume. Cette industrie à haute valeur ajoutée traite près de 70% des captures de la pêche côtière et exporte environ 85% de sa production à quelque 128 pays.

Au niveau international, cette industrie est marquée par un effet de la mondialisation qui a parfois étendu les chaînes de valeur à travers les pays et les continents : les unités halio-industrielles marocaines transforment aussi bien des espèces pêchées au Maroc que provenant d’autres pays (anchois d’Argentine, Thon du Sénégal et de la Thaïlande, crevettes de la Mer du Nord, etc.).

À noter que dans un contexte global marqué par une exploitation intensive des ressources halieutiques, la durabilité est devenue un enjeu d’envergure mondiale avec un fort impact au niveau national et local, notamment pour les pays à haut potentiel halieutique comme le Maroc.
 

Défis


L’industrie halieutique face à la pandémie et à l’invasion de la bécasse
 
Aux impacts de la pandémie qui ont perturbé les chaînes de valeur de la transformation des produits de la mer au Maroc, s’est ajouté un autre défi : la prolifération de la bécasse, une espèce qui a fait son apparition dans le littoral marocain, qui est difficile à valoriser d’un point de vue alimentaire, et qui remplace petit à petit d’autres espèces à fort potentiel économique.

« Notre secteur a été rudement mis à l’épreuve par la pandémie, mais la filière a globalement pu résister. Nous espérons que cela va durer, mais nous sommes particulièrement inquiets par l’impact engendré par la bécasse », confie M. Hassan Sentissi El Idrissi, président de la FENIP.

Depuis 2019, les autorités marocaines se sont mobilisées pour comprendre l’ampleur de ce phénomène de « remplacement » et tenter de le limiter. L’INRH a ainsi affrété un navire en fin 2019 « afin d’approfondir les études biologiques, écologiques et technologiques de ce phénomène de prolifération et d’étudier les possibilités pour y faire face ». Le Département de la Pêche maritime a depuis mis en place une série de mesures susceptibles de limiter la prolifération de ce poisson.

« Pour l’instant, la prolifération de la bécasse continue. Le rôle technique et scientifique joué par l’INRH est à cet égard très important. Nous espérons pouvoir mettre en place des réunions périodiques avec l’Institut pour suivre de près ce problème et collaborer ensemble afin de trouver les moyens les plus appropriés pour limiter les dégâts », conclut le président de la FENIP.

 

3 question à Hassan Sentissi El Idrissi, président de la FENIP

Développement durable : Vers une reconstruction post-Covid de l’industrie halieutique

« La concertation avec les professionnels doit se renforcer de sorte à les intégrer dans l’élaboration des stratégies et dans la prise de décision »

 
Président de la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche, M. Hassan Sentissi El Idrissi répond à nos questions.


- Durant la conférence, vous avez évoqué l’importance des plans d’aménagement des pêcheries. Pouvez-vous nous en dire plus ?

- C’est en effet un enjeu important pour notre filière, car les plans d’aménagement des pêcheries sont un levier essentiel pour garantir la durabilité de l’exploitation des ressources halieutiques. Il y a quelques décennies, l’absence de ces plans avait causé des déclins notables des ressources. C’est pour cette raison que nous considérons ces plans comme un outil incontournable pour une exploitation viable et soutenable.


- Vous avez également abordé l’enjeu de la réforme de la réglementation sur la taille marchande…

- Effectivement, j’ai mis l’accent sur cet enjeu, car il est très important. En tant que professionnels, nous avons remarqué un phénomène inquiétant, à savoir la pêche de poissons juvéniles. C’est une pratique qui ne permet pas aux stocks de se renouveler et qui, donc, impacte la durabilité de l’exploitation halieutique. C’est pour cette raison que nous prônons un meilleur contrôle du respect des périodes de repos biologiques, mais également un renforcement de la réglementation qui définit les tailles minimales des espèces capturées.



- Qu’en est-il du partenariat entre les pouvoirs publics et les professionnels de la transformation des produits de la pêche ?

- Nous avons souligné l’importance d’un « partenariat rapproché ». Notre besoin par rapport à ce sujet va vers une meilleure prise en compte des réalités que vivent les professionnels. Pour cela, la concertation avec les professionnels doit se renforcer de sorte à les intégrer dans l’élaboration des stratégies et dans la prise de décision.

 

Recueillis par S. A.