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Détention provisoire : Bête noire des prisons marocaines


Rédigé par Kawtar CHAAT Dimanche 20 Mars 2022

Les conditions à l’intérieur des prisons marocaines, les enjeux liés à la politique pénale adoptée et les déséquilibres qui ne permettent pas un saut qualitatif au sein des prisons, ce sont les thèmes abordés par un rapport qui détaille la réalité de la vie carcérale au Maroc.



Détention provisoire : Bête noire des prisons marocaines
Présenté mercredi à Rabat par le délégué général à l’Administration pénitentiaire et à la réinsertion, Mohamed Salah Tamek, ce document est le fruit d’une coopération entre le Centre d’études en droits humains et démocratie (CEDHD), le Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité (DCAF) et la Délégation générale à l’Administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR).

Le rapport intitulé «Situation des prisons au Maroc à la lumière des standards internationaux, de la législation nationale et de la nécessité des réformes (2016-2020)» aborde les enjeux liés à la détention provisoire au Maroc, précisant qu’elle constitue l’une des décisions les plus fréquemment rendues par la Justice marocaine alors que d’autres procédures alternatives à l’emprisonnement sont négligées.

Le pourcentage élevé est corroboré par les données de la DGAPR, mettant en exergue, pour l’année 2019, un taux de 39% de détenus prévenus et, pour l’année 2020, de 45,27%. Avec une moyenne de 40,04% de détenus à titre préventif pour la période 2015-2019, la détention provisoire est une exception qui, au Maroc, tendrait à devenir une règle générale, indique le rapport citant la DGAPR. Cette catégorie de détenus se trouverait en prison par anticipation. Très souvent, elle est prévenue de délits mineurs, ce qui explique dans une large mesure le nombre élevé annuellement des acquittements et des condamnations à l’amende ou au sursis.

Durée excessive, une autre source de préoccupation

Au-delà de ce recours intensif, le rapport interroge la détention provisoire en raison de sa durée. Il n’est en effet pas rare de constater dans certains pays une durée excessive de la détention préventive, ce facteur constituant l’une des causes majeures de la surpopulation carcérale. 

La raison explicative de l’augmentation de la durée de la détention provisoire réside principalement dans les retards constatés au niveau des procédures pénales (retards de l’enquête, coopération non coordonnée entre les acteurs judiciaires, lourdeur des procédures et ajournements fréquents des jugements en raison de l’engorgement des tribunaux).

Outre son atteinte au principe d’efficacité de la justice et la prolongation de la période d’incertitude en ce qui concerne la présomption d’innocence, la détention provisoire a des conséquences négatives majeures sur les personnes concernées et leurs familles, s’indigne ledit document, notant que les centres de détention provisoire manquent de moyens nécessaires pour organiser des programmes d’activités et des visites, et les détenus perdent de plus en plus le contact avec le monde extérieur.

Des peines alternatives s’imposent Le législateur marocain, à travers le principe de l’individualisation des peines, octroie aux juges un pouvoir d’appréciation souverain pour l’application des peines alternatives selon la nature de l’infraction et la personne du condamné. Le projet de loi modifiant et complétant la loi n°22.01 sur la procédure pénale, actuellement en cours d’examen par les instances partenaires du ministère de la Justice, prévoit nombre d’amendements de nature à rationaliser le recours jugé excessif à la détention préventive.

Ainsi, des peines alternatives pourront être réservées aux coupables de simples infractions, notamment le placement sous surveillance électronique prévu par le projet du code de procédure pénale, qui constitue une mesure octroyée aux juges d’instruction. Contrairement à la peine de résidence obligatoire, la surveillance électronique permet au condamné de se déplacer dans un périmètre déterminé par le jugement.

Pénalités courtes : un recours systématique ?

Le rapport souligne que le déséquilibre du système pénal au Maroc ne réside pas tant dans l’allongement de la durée des sanctions que dans la prédominance du recours à des sanctions à court terme. «De manière générale, lorsqu’on compare le taux de surpopulation des catégories de détenus, on peut observer que ce sont surtout les condamnés à de longues peines qui séjournent dans des établissements ne souffrant pas de surpopulation. A l’inverse, les prisons les plus surpeuplées hébergent un pourcentage élevé de prévenus ou de condamnés à de plus courtes peines», relève-t-on.

S’agissant du classement selon la durée de la peine, les détenus pour l’année 2019 ont été dominés par les peines de moins de deux ans, représentant 66% des peines. Le même document insiste sur la nécessité d’éviter les sanctions courtes et très courtes. Dès que la peine de prison dépasse quelques semaines, elle engendre très probablement la perte du travail, du logement et des services sociaux, exposant les familles et leurs entourages à des situations difficiles ou à la désintégration.

Ainsi, afin de favoriser l’amélioration et l’humanisation des conditions carcérales, le rapport appelle à l’atténuation du problème de surpopulation dans les prisons. Une solution qui passe nécessairement par la révision de la détention provisoire en tant que notion juridique et l’adoption de dispositions juridiques qui la rendent exceptionnelle, ainsi que la révision des peines d’emprisonnement de courte durée, dans la perspective de les remplacer par des peines alternatives.



Kawtar CHAAT









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