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Défis hydriques dans la zone MENA : Cap sur la protection des écosystèmes d’eau douce ? [INTÉGRAL]


Rédigé par Souhail AMRABI Mercredi 22 Mai 2024

Lancé officiellement à Ifrane le 13 mai 2024, le projet MENAWET a pour objectif de mettre en place une approche commune de conservation et de restauration des zones humides de la région.



Lancement du projet MENAWET pour la conservation et la restauration des zones humides.
Lancement du projet MENAWET pour la conservation et la restauration des zones humides.
La région Afrique du Nord et Moyen-Orient (MENA) comprend 12 pays parmi les plus touchés par le stress hydrique au monde, où la disponibilité moyenne de l'eau est 6 fois inférieure à la moyenne mondiale. La situation préoccupante des zones humides et des écosystèmes d’eau douce de la région, de même que les prévisions alarmantes de la prochaine décennie, nécessitent une mobilisation de toutes les parties prenantes ainsi que la mise en œuvre d’activités urgentes de protection et de restauration. Plusieurs études ont récemment souligné cette évidence, notamment le rapport de la Banque Mondiale publié en 2023 qui émet plusieurs recommandations en matière de réformes institutionnelles et de gestion des ressources pour atténuer le stress hydrique dans la région. C’est dans ce contexte que le Maroc a récemment pris l’initiative de lancer un projet régional et intersectoriel dont la principale mission est d’amorcer les synergies nécessaires pour la protection et la conservation des écosystèmes d'eau douce dans plusieurs pays d’Afrique du Nord et Moyen-Orient.
 
Projet MENAWET
 
Intitulé « MENAWET », le projet est porté par l’ONG marocaine Living Planet Morocco (LPM), Ishara Conseil et la Société Royale de Conservation de la Nature de Jordanie, avec un financement de DIMFE (Initiative lancée par la Fondation du Prince Albert II de Monaco, la Fondation Aage V. Jensen et la Fondation MAVA), de la Fondation Coca-Cola et du programme de Microfinancements du PNUD. La cérémonie de lancement officiel du projet s’est déroulée le 13 mai à Ifrane, en partenariat avec l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), et en présence de représentants nationaux d’institutions publiques, d’associations, d’instituts de recherche et d’Universités, ainsi que des invités de pays de la zone MENA. « Durant sa première phase 2024-2025, MENAWET ambitionne de construire les bases d’une coopération Sud-Sud à travers un réseau de collaboration et d’échange des expertises et des bonnes pratiques », souligne Yousra Madani, présidente de Living Planet Morocco.
 
Mise en réseau
 
Un programme qui a débuté la semaine dernière à travers plusieurs ateliers qui se sont succédé du 14 au 16 mai, au bénéfice des participants issus de plusieurs pays de la zone MENA et de représentants d’ONG, d’institutions publiques et de recherche scientifique. « La composante relative à la mise en réseau, d’amélioration des connaissances et au partage des expériences est une phase importante qui permettra de passer rapidement à des projets de terrain. Notre objectif en tant que collectif est de coordonner et d’initier des projets de restauration des zones humides dans des sites-pilotes prioritaires à travers au moins 4 pays de la région MENA (le Maroc, la Tunisie, La Libye et la Jordanie) en partenariat avec les institutions publiques, le secteur privé et la société civile », poursuit notre interlocutrice, qui précise par ailleurs que le projet de démonstration prévu au Maroc est la restauration écologique du lac de Dayet Aoua qui a été initié par l’ONG (voir article ci-contre).
 
Activités de terrain
 
Le projet de restauration et de réhabilitation des zones humides de la zone MENA se revendique par ailleurs comme une initiative qui s’affranchit des considérations politiques, au vu du caractère stratégique commun de ces écosystèmes pour l’atténuation des impacts des changements climatiques. « Notre approche a été co-construite avec nos partenaires autour de 5 axes : construire un solide réseau régional qui facilite la collaboration, soutenir le renforcement des capacités, améliorer les connaissances et encourager l'engagement des jeunes et des femmes dans la recherche, mettre en œuvre des activités concrètes de restauration et de réhabilitation des zones humides, et, enfin, développer des outils de communication et de collecte de fonds efficaces », conclut la présidente de Living Planet Morocco. A noter que le projet MENAWET intervient « dans un contexte de faible collaboration entre les pays de la zone MENA en matière de conservation et de restauration des zones humides et l’absence d’un réseau officiel qui faciliterait le partage des connaissances et la collecte de fonds pour les écosystèmes d'eau douce de la région ».
 

Rapport : L’inquiétant assèchement des bassins aquifères de la zone MENA

En plus de l’état déjà alarmant de leurs ressources en eau douce, les pays de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient (MENA) se retrouvent au cœur des zones les plus menacées par la régression des ressources hydriques souterraines durant les prochaines décennies. Un triste constat qui a été confirmé par une modélisation de l’impact du réchauffement climatique sur les principaux aquifères du monde à l’horizon 2100.

Publié dans la revue Earth’s Future en 2023, ce travail a été synthétisé sous forme d’une carte montrant l’évolution du niveau d’eau des nappes phréatiques contenues dans les 218 principaux bassins aquifères non-confinés du monde (voir infographie ci-contre).

Réalisée par des chercheurs du Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM), cette simulation s’appuie sur un scénario mis en place pour le 6ème rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). La baisse du niveau des aquifères à l’horizon 2071-2100 a été simulée en prenant comme référence la période 1985-2014. 
 

3 questions à Yousra Madani : « Le projet MENAWET est une initiative qui répond à un réel besoin de collaboration régionale »

Présidente de l’Organisation marocaine Living Planet Morocco, Yousra Madani répond à nos questions sur l’initiative de protection et de restauration des zones humides dans la région MENA.
Présidente de l’Organisation marocaine Living Planet Morocco, Yousra Madani répond à nos questions sur l’initiative de protection et de restauration des zones humides dans la région MENA.
 
  • Comment vous est venue l’idée de construire un projet qui se focalise sur les zones humides d’une région aussi vaste que la zone MENA ?

- Durant ces dernières années, nous avons participé à plusieurs événements internationaux où nous avons rencontré des experts institutionnels, civils ou universitaires de la zone MENA qui ont exprimé la nécessité de mettre en œuvre une approche commune pour la protection des zones humides. Nous avons ensemble pris le temps de construire un projet qui tient en considération les enjeux, mais également les spécificités locales de la zone MENA afin de développer des solutions techniques et méthodologiques portées par des acteurs locaux. Le projet MENAWET est, de ce fait, une initiative qui répond à un réel besoin de collaboration régionale pour lutter contre un phénomène global de changement climatique dont les conséquences sont particulièrement inquiétantes en Afrique du Nord et dans le Moyen-Orient.
 
  • Pourquoi se focaliser principalement sur la conservation et la restauration des zones humides ?

- Les écosystèmes naturels, en général, et les zones humides, en particulier, sont des espaces qui fournissent des services écosystémiques précieux, notamment en matière d’atténuation des phénomènes extrêmes et des impacts des changements climatiques. Au vu du contexte hydrique difficile de la zone MENA et de l’état inquiétant qui est constaté au niveau des écosystèmes d’eau douce de cette région, il était vital de les considérer comme des cibles prioritaires pour les efforts de restauration et de conservation.
 
  • La région MENA dispose-t-elle des expertises nécessaires pour relever les défis de protection des zones humides ?

- Oui, plusieurs experts en matière de restauration et de conservation des écosystèmes d’eau douce sont actifs au niveau de la région MENA, dont un certain nombre fait partie des institutions partenaires du projet. Il existe également des success-stories dans la région qui méritent d’être collectivement étudiées pour être adaptées et répliquées dans d’autres sites similaires. Je tiens à cet égard à remercier nos partenaires et nos donateurs pour leur soutien et leur appui dans cette nouvelle aventure qui nous permettra d’amorcer un travail participatif pour préserver des écosystèmes stratégiques. 

Projet-pilote : Vers la restauration écologique de l’emblématique Dayet Aoua ?

À sec depuis fin 2018, Dayet Aoua est historiquement considérée comme l’un des lacs les plus réputés et visités du Maroc et comme l'une des précieuses zones humides montagneuses disposant d’habitats remarquables et variés. Cet écosystème remarquable fait l’objet d’un ambitieux projet de restauration écologique porté par l’ONG Living Planet Morocco en partenariat avec la Province d’Ifrane, la Commune de Dayet Aoua, l’Agence du Bassin Hydraulique de Sebou, la Direction Régionale de l’Agence Nationale des Eaux et Forêts – Région Fès Meknès et la Direction Provinciale de l’Agriculture d’Ifrane. La première phase de ce projet s’est basée sur la réalisation d’un ensemble d’études d’ingénierie et géotechniques afin d’initier des travaux de réhabilitation et de construction des séguias situées dans le bassin hydrologique du lac, de mise en place d’un ouvrage de préservation du lac dans l’objectif de réduire les écoulements souterrains, ainsi que d’aménagement d’un canal d’alimentation de la zone Z1, considérée comme la partie naturelle de cette zone humide. Le chantier de restauration du lac de Dayet Aoua comporte également des actions de sensibilisation et de rationalisation de l’utilisation des ressources hydriques au niveau de la Commune territoriale de Dayet Aoua. À noter que le lac Dayet Aoua est désigné comme Site national d’Intérêt Biologique et Écologique (SIBE), Aire d’importance internationale pour les oiseaux et Zone humide importante du site Ramsar Lacs d'Imouzzer du Kandar.
 








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