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Culture

De l’indignation à la révolte : L’indiscipline et les chemins de la liberté


Rédigé par Abdallah BENSMAÏN le Mercredi 10 Novembre 2021



Driss Ksikes : « Dans les sentiers de l’indiscipline ». Ed. En toutes lettres
Driss Ksikes : « Dans les sentiers de l’indiscipline ». Ed. En toutes lettres
La discipline peut être scolaire comme elle est martiale, militaire en somme. Le terme en lui-même revêt une certaine banalité et relève, si l’on peut dire, d’une forme de réflexion civile, civique dans des perspectives de changement « soft ». Les printemps arabes furent ainsi des formes d’indiscipline : la foule révoltée l’est par le verbe et non par les armes.

Dans ce concept, c’est en quelque sorte, la force de la dissidence qui peut s’en trouver amoindrie pour ne pas dire désarmée. Le printemps arabe, c’est la foule dans les places publiques, sans leaders pour la guider mais des slogans pour l’enflammer.

Au-delà du politique, le débat sur le printemps arabe peut être également d’ordre épistémologique, mais la question que se pose Driss Ksikes réside ailleurs et englobe un champ au vaste spectre de significations et de développements possibles.

Dès l’introduction ou « Pré-texte » selon le vocabulaire de l’auteur, le cadre est posé dans sa double déclinaison : la foule et le penseur, dans son individualité, penseur qui peut-être l’intellectuel au sens large du terme ou encore le « créateur » culturel dans sa diversité. La révolte procède d’un malaise et d’une quête de la liberté ou de la singularité : la foule a faim de liberté (et de pain, aussi ! sinon nous serions dans les prémisses de l’anarchie et guère dans une logique politique et sociale), le créateur de reconnaissance d’une forme de singularité sans laquelle il ne serait qu’un suiveur, un imitateur, une voix perdue parmi tant d’autres voix. Ces « individus « ingouvernables » par la politique, pour la foule, non soumis à une sorte de « doxa » intellectuelle et culturelle pour les créateurs, se prêtent à une observation qui peut se faire réflexion.

« Dans les sentiers de l’indiscipline », le propos se construit autour de quelques figures emblématiques qui se présentent comme des repères ou des bordures pour en délimiter les marges. Marge ? Khatibi se voulait dans la marge et rarement sinon jamais dans le flux intellectuel dominant. Il est de la race des maîtres du soupçon qui fait peser le doute sur la moindre des certitudes : Freud, Marx, Nietzsche et son milieu ambiant, les penseurs de sa génération, Barthes, Derrida et quelques autres. A côté de Khatibi, Driss Ksikes illumine son chemin à la clarté des lumières que représentent Fatima Mernissi pour la sociologie et Abdelfattah Kilito pour… la lecture, l’écriture devenant, à ce stade, une sorte de contingence.

Dans les pages du livre, Driss Ksikes improvise un dialogue entre Jorge Luis Borges et Abdelfattah Kilito. Ils ont en partage les textes arabes anciens, avec une pièce centrale celui des 1001 Nuits… et la passion non pas de l’écriture, encore une fois, mais de la lecture. Parmi les lanternes qui illuminent le chemin de Driss Ksikes, comment ne pas citer Edward Saïd, le visionnaire de l’Orient inventé par l’Occident ou encore Frantz Fanon, le penseur des masques qui s’actualise de façon exemplaire avec la pensée « décoloniale » qui reprend de la vigueur depuis quelques années. Par-delà les soulèvements (Pré-texte), il faut garder la flamme (Après-texte).

Mais est-ce que cela est-il possible ? La révolte souvent finit par retomber, en une sorte d’assagissement qui mène à la sagesse. C’est l’histoire partagée des foules et des précurseurs dans la pensée. Dans la marge et au bord de l’abîme, les limites de la dissidence (de l’indiscipline, dira Driss Ksikes) ne peuvent être, en effet, indéfiniment repoussée.

Abdallah BENSMAÏN







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