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Culture licite du cannabis : La Beldia marocaine entame sa Reconquista [INTÉGRAL]


Rédigé par Omar ASSIF Lundi 11 Mars 2024

L’ANRAC a récemment autorisé la coopérative agricole Adebibe à débuter un projet de valorisation licite de la Beldia. Zoom sur les avantages indiscutables du recours à la souche autochtone du kif.



Vers une nouvelle stratègie de développement du cannabis licite.
Vers une nouvelle stratègie de développement du cannabis licite.
L’information a été révélée en premier par nos confrères du Le360.ma : l’Agence Nationale de Réglementation des Activités relatives au Cannabis (ANRAC) a récemment donné son feu vert pour une première expérience de culture, légale et strictement encadrée, de la variété autochtone (Beldia) dans la région d’Al Hoceima. Si à l’écriture de ces lignes, l’ANRAC n’a pas encore officiellement confirmé cette annonce, les sources du média précisent que « la culture de cette variété est toutefois soumise à des conditions strictes, et sa généralisation reste tributaire des résultats de tests et d’analyses biologiques ». Contacté par nos soins, le porteur du projet, M. Abdellatif Adebibe, évoque une « nouvelle étape » qui vient conclure plusieurs années de militance pour une réelle reconnaissance de la « Beldia ». Le président de la Coopérative Agricole Adebibe précise par ailleurs que les autorisations pour cette première expérience ont été effectivement délivrées par l’ANRAC.
 
« Véritable aboutissement »
 
Spécialiste de la culture légale du cannabis et également président de l’Association pour le Développement du Rif Central, notre interlocuteur rappelle que cette reconnaissance de la Beldia intervient après plusieurs années de mobilisation. « Je suis le premier Marocain qui a milité pour la réglementation du cannabis au niveau international. Cela avait commencé dès 1999. J’ai représenté les peuples du monde aux Nations Unies, autant les peuples que les plantes autochtones. Deux fois à Vienne et deux fois à New York. Nous avons milité pour la réglementation, mais également et en particulier j’ai milité pour la Beldia », tient-il à souligner. L’aboutissement de ces efforts est certainement dû à l’orientation que le Royaume a prise depuis quelques années afin de mettre en place une filière de valorisation légale du cannabis, destinée aux usages licites de cette plante. Les spécificités particulières et intrinsèques de la variété locale du cannabis ont également été déterminantes.
 
Aspects écologiques
 
« Contrairement aux autres variétés importées, la souche autochtone du cannabis présente une multitudes d’avantages. D’abord, il s’agit d’une variété dont le berceau historique correspond à la région nord du Rif Central. La Beldia est donc extrêmement bien adaptée à cette zone, à son microclimat, à son sol et à sa biodiversité », détaille Abdellatif Adebibe. Dans un contexte de rareté de l’eau et de prolifération de variétés de cannabis introduites de l’étranger dont la culture nécessite des apports importants en eau d’irrigation (voir article ci-contre), la souche locale Beldia résiste pour sa part à la sècheresse et peut être cultivée sans impacter les ressources hydriques. « La Beldia est bio. Contrairement aux autres variétés, sa culture ne nécessite pas l’utilisation de pesticides. Les cultivateurs locaux disposent d’un savoir-faire ancestral qui fait de cette plante un patrimoine naturel mais également culturel », ajoute le président de l’Association pour le Développement du Rif Central.
Reconnaissance internationale
 
Concernant le premier projet de culture autorisée de la Beldia, notre interlocuteur nous révèle que la zone pilote s’étend sur près de 30 hectares, cultivés par plusieurs agriculteurs locaux qui ont été autorisés dans ce sens, et répartis sur les quatre versants du Jbel Tidirhine, plus haut sommet de la chaîne du Rif. A terme, les premières récoltes seront destinées à une valorisation pour un usage industriel dans le secteur de la pharmacologie et de la cosmétique. Abdelatif Adebibe nous confirme par ailleurs que cette zone a fait l’objet d’études de la part de l’INRA depuis un peu plus de deux ans. « L’INRA avait étudié 8 écotypes de la Beldia au niveau des 4 versants de la montagne de Tidirhine afin de faire la caractérisation nécessaire. L’année dernière, nous avons fait une autre expérimentation sur la sélection avec pour objectif d’améliorer la variété locale et lui permettre de résister à l’invasion des variétés modifiées », explique M. Adebibe qui estime que la prochaine étape logique devrait être « l’inscription de la Beldia dans le Catalogue International ».

3 questions à Abdellatif Adebibe, expert en culture licite du cannabis « Il s’agit d’une variété locale, rustique, adaptée au territoire, bio et peu consommatrice en eau »

Président de la Coopérative Agricole Adebibe, de l’Association pour le Développement du Rif Central, et vice-président de la coopérative Adrar Nouh, Abdellatif Adebibe répond à nos questions.
Président de la Coopérative Agricole Adebibe, de l’Association pour le Développement du Rif Central, et vice-président de la coopérative Adrar Nouh, Abdellatif Adebibe répond à nos questions.
  • Comment ont réagi les cultivateurs locaux de la région de Ketama à cette première autorisation pour la valorisation de la Beldia ?

- Très favorablement, d’autant plus que nous avons toujours demandé aux autorités de capitaliser sur cette variété locale dans les projets de valorisation du cannabis pour les usages licites. Beaucoup d’entre nous refusaient de participer à cette dynamique tant que la Beldia ne figurait pas parmi les variétés autorisées. D’abord, parce qu’il s’agit d’une variété locale, rustique, adaptée au territoire, bio, peu consommatrice en eau et dont le cycle de culture est plus court que les variétés étrangères. Ensuite, parce qu’il était aberrant pour les cultivateurs de devoir importer et payer des graines depuis l’étranger. Sur ce terrain, nous ne pourrons jamais concurrencer les producteurs internationaux. Mais avec la Beldia et ses caractéristiques uniques, nous pouvons positionner les produits marocains à l’échelle internationale.
 
  • Pensez-vous que la culture et la valorisation légale de la Beldia pourront bénéficier au développement local de la région ?

- Je tiens d’abord à rappeler un triste constat. La région Nord du Rif Central a été historiquement parmi les territoires qui ont grandement œuvré pour résister à la colonisation et contribuer à l’indépendance du Royaume du Maroc. Cela dit, après cette phase, la région est restée marginalisée avec très peu d’investissements que ce soit pour le développement local ou même les infrastructures de base. Notre conviction est que la culture et la valorisation légale de la Beldia sont la solution pour débuter une nouvelle étape de développement local et de prospérité socio-économique. Cela dit, la nouvelle orientation pour valoriser la Beldia a créé beaucoup d’attentes auprès des populations et l’enjeu actuel est de ne pas décevoir ces attentes.
 
  • Quelles sont les prochaines étapes pour votre projet de valorisation de la Beldia ?

- Justement. Maintenant que les autorisations sont là, il faut absolument boucler le reste de la chaîne du projet afin de garantir l’atteinte des résultats escomptés sans retard. A cet égard, les cultivateurs locaux espèrent que les décideurs nous aideront à disposer d’un terrain adapté à Issaguen afin d’installer une unité de transformation et de valorisation. L’autre besoin qui subsiste également est un appui pour l’acquisition des équipements nécessaires pour cette unité. En mettant en place ces prérequis, nous sommes certains que la Beldia pourra autant bénéficier au développement local, qu’au leadership international des produits marocains issus de la variété locale du cannabis qui est absolument unique en son genre.
 

Étude : Les fonds de lutte contre le cannabis réinjectés dans la biodiversité

En 2021, la Commission des stupéfiants des Nations Unies (CND) avait adopté le classement du cannabis hors de la catégorie des drogues les plus dangereuses (où il figurait depuis 1961 aux côtés d'opioïdes mortels et toxicomanogènes).

L’ONU avait souligné que « la décision pourrait également conduire à des recherches scientifiques supplémentaires sur les propriétés médicinales de la plante et agir comme un catalyseur pour que les pays légalisent la drogue à usage médical ».

Cette décision s’est par ailleurs appuyée sur plusieurs études sur l’intérêt d’une légalisation du cannabis, notamment pour une utilisation dans l’industrie cosmétique et médicinale. Une de ces études menée par l’Université d’Oxford concluait dès 2014 que la légalisation du cannabis permettrait à la fois de cumuler les bénéfices environnementaux liés à un meilleur contrôle de la production, d’éliminer les effets néfastes de la culture sauvage, mais aussi de développer une meilleure allocation des ressources dans la protection de l’environnement, et surtout de la biodiversité.
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Eau : Les variétés importées de cannabis impactent les ressources hydriques

Culture licite du cannabis : La Beldia marocaine entame sa Reconquista  [INTÉGRAL]
Selon les experts, l’augmentation de la consommation hydrique des cultures de cannabis au Maroc est due à l’utilisation croissante de diverses variétés introduites. « Khardala », « Critikal », « Amnésia » ou encore « Gorilla » : ces variétés ont certes des caractéristiques différentes, mais ont cependant toutes en commun la fâcheuse tendance de dépendre d’un apport conséquent d’irrigation. « Contrairement à la variété autochtone de cannabis dont la culture était pluviale, les nouvelles variétés qui sont actuellement utilisées ont été sélectionnées pour leur capacité de production et de développement rapide. Elles augmentent de taille d’une manière significative par rapport à la souche locale, mais pour cela, elles ont besoin d’apports en eau qui sont importants », nous confirmait (dans un précédent entretien) Pr Mohamed Fekhaoui, directeur de l’Institut Scientifique de Rabat (IS). Face à la reconversion des cultures qui depuis plusieurs années privilégient ces variétés introduites, les besoins hydriques (et en intrants chimiques) des agriculteurs de kif ont explosé, d’autant plus qu’ils doivent faire pousser des plantes qui ne sont pas adaptées au contexte climatique du Royaume. « La souche locale de cannabis résulte d’une longue adaptation qui lui permet de résister au stress hydrique en perdant des feuilles par exemple. Les variétés introduites pour leur part ne s’adaptent pas. Elles ont besoin d’un apport conséquent d’eau pour se développer, autrement, elles ne survivent tout simplement pas au stress », souligne Pr Mohamed Fekhaoui.








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