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Crise et chômage : La guerre


Rédigé par Samir BELAHSEN le Mardi 12 Mai 2020

Je veux bien croire que c'est une crise sanitaire (les gens ne risquent pas juste de perdre leurs emplois mais leurs vies), psychologiquement l'impact est différent. Mais la crise économique est bien là.



Dr Samir BELAHSEN
Dr Samir BELAHSEN
L'impact économique est aussi différent, ce n'est pas une crise de confiance ou une simple bulle avec des prix arbitraires qui grimpent puis rechutent.

C'est véritablement les usines qui ne produisent plus. Mais la bulle, au niveau international, est que les prix en bourse sont à des niveaux élevés malgré des usines fermées. Une anticipation de la reprise ou juste de la spéculation, certainement une conjugaison des deux.
 
Aux États-Unis, le taux de chômeurs bénéficiant d’une indemnité est désormais de 11 % de la population active, en Février il était de 3,5%. Plus de 20 millions de personnes ont demandé une allocation chômage pour la première fois.  Le choc sur l’emploi est dix fois plus fort qu’en 2008.
Devant ce constat, Donald Trump président-candidat et son challenger démocrate, Joe Biden, s’accordent sur, l’urgence de faire redémarrer l’économie américaine.
 
En Europe, le taux de chômage était de 6,5 % dans l'Union et  de 7,3 % dans la zone euro, un mois avant le confinement lié au Covid-19.
Le Fonds monétaire international,  anticipe un recul du PIB du continent de 7,5% en 2020 avant un rebond de 4,7% l'année prochaine. En France, on compte 13 millions de chômeurs partiels, le continent en compte plus de 35 millions.
En Chine, la banque Nomura table sur 18 millions d’emplois supprimés rien que dans le domaine de l’export.
Au Maroc, on compte plus de 900 000 employés déclarés à la CNSS en arrêt de travail.
Si on y ajoute le million de chômeurs d’avant Covid et les travailleurs précaires de l’informel, on peut estimer que 4 à 5 millions de ménages Marocains sont concernés par le chômage ou la précarité dès le deuxième semestre 2020. On parle d’une population de plus de 20 millions de Marocains.
 
Je crois pouvoir affirmer qu’on devrait raisonnablement parler de la nécessité d’une guerre contre le chômage.
Si la nécessité d’une relance Keynésienne ne fait pas débat, la déclaration de guerre doit s’accompagner d’une stratégie volontariste largement débattue et clairement définie.
Le maintien du « front intérieur » est à ce prix.
 
Toutes les pistes doivent être explorées pour reprendre les emplois perdus et pour explorer les nouvelles opportunités.
Tous les secteurs doivent avoir des plans de sortie de crise, l’industrie (branche par branche), le bâtiment, l’agriculture, la pêche, les services…
Une attention particulière doit être accordée à toutes les activités exportatrices ou ayant une opportunité d’export sans exclure une réflexion sur la valeur de la devise nationale.
 
Pour Bank Al Maghreb, ma doctrine est déjà ancienne, je n’ai jamais compris pourquoi une banque centrale devait être indépendante d’un exécutif issu de la volonté populaire.  
 
Les efforts budgétaires de l’État devraient à notre sens s’orienter vers le secteur privé compétitif à fort potentiel d’emplois.
L’objectif Emploi doit s’accompagner d’une recherche continue de l’amélioration du positionnement du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales.
 
Les opportunités en termes de relocalisation doivent être traitées avec rapidité et audace, un plan de pêche agressif diplomatico-économique est largement souhaité.
 
Ce que l’on doit éviter à ce niveau c’est la cupidité de certains acteurs, la population pourra accepter les sacrifices mais ne pourrait pas tolérer la trahison.
Des mesures de soutien pour le démarrage ou le redémarrage devront être mises en place pour les PME : financement à long terme, capital investissement, assistance à l’export…
 
Un patriotisme économique intelligent sera nécessaire : la préférence nationale, une taxation de solidarité des produits de luxe importés... Les mesures sociales ciblées pour accompagner la relance devront assurer la cohésion et la paix sociale : l’assistance aux familles nécessiteuses devrait durer…
 
Une diplomatie économique dynamique serait un atout majeur dans cette guerre contre le chômage.  Il faut espérer en plus une rapide reprise chez nos principaux partenaires, voir un retour à la raison chez nos voisins.  Le comité de veille planche, paraît-il, sur plusieurs pistes, la CGEM est associée à ces travaux, plusieurs associations ne le sont pas. Il faut espérer que les ministères concernés par les plans sectoriels donnent un meilleur exemple en associant l’ensemble des acteurs.
 
Tous ces défis économiques ne peuvent pas nous faire oublier que nos institutions démocratiques sont un atout, le comité de veille ne devrait pas faire gouvernement et notre parlement devrait assumer ses prérogatives de législation et de contrôle malgré le confinement. La nécessité de passer par une loi de finances rectificative n’est plus à démontrer.
 
Enfin, il est légitime de poser la question qui fâche. Le Maroc a-t-il le gouvernement qui convient pour mener cette guerre ?
 
Dr Samir BELAHSEN