L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

Covoiturage: La loi s'en mêle !


Rédigé par Mina Elkhodari Vendredi 22 Juillet 2022

Si l’auto-stop consiste à héler des automobilistes en levant un pouce vers le haut au bord de la route pour se faire transporter gratuitement au beau milieu de nulle part, le covoiturage, quant à lui, reste un des principaux moteurs de l’économie collaborative. Sous d’autres cieux, il est totalement légal d’exercer cette activité. Au Maroc, les juristes s’en méfient comme de la peste. Détails.



Pour arrondir ses fins de mois ou esquiver les aléas du transport en commun, d’aucuns n’hésitent pas à se ruer vers les applications de covoiturage du style « Pip Pip Yalah ». Un mode de vie radin-malin qui ne va pas jusqu’à laisser les juristes sans avis.
 
Seulement voilà, l’économie collective n’en est pas l’unique motivation. Des personnes engagées pensent, aussi, à la préservation de l’environnement et au monde que nous laisserons aux générations futures en évitant la surcharge du transport en commun qui cause de maléfiques torts à Mère nature.
 
D’ailleurs, moult sites et plateformes surfent sur la tendance en proposant aux passagers ce service en quelques clics seulement. En revanche, malgré son développement et le nombre énorme de ses utilisateurs, le covoiturage provoque désormais des questionnements quant à son cadre légal.  

Qu’en pensent les juristes ?

Pour en avoir le cœur net, nous avons interrogé Maître Mohamed Ben Dakak, avocat au bureau de Casablanca qui nous a livré ses réponses à propos de cette problématique.
 
Si le transport routier est régi par le code de transport tenant son origine du code du commerce marocain, selon notre expert, « afin d’exercer l’activité de transport au Maroc, il faut un agrément de l’Etat et un contrat de transport ». D’une perspective d’expert, «  dans l’absence d’un contrat liant le conducteur et le passager, le covoiturage reste donc une sorte de contrat de société civile ».      
 
Toujours selon notre protagoniste, il s’agit d’un contrat entre deux individus permettant de réaliser un objectif commun. De ce fait, les deux parties prenantes participent, un avec son véhicule et un autre avec sa part d’argent pour arriver à la destination escomptée. Le tout est, donc, une affaire de « gain commun » comme l’appelle-t-on couramment dans le jargon juridique, cet « ultime principe du contrat de société civile ». Ce qui veut dire que l’action de covoiturer devient d'intérêt civique.
 
Mais, le covoiturage reste libre et non régi par le code de transport marocain, a regretté l’avocat. « Cette activité est loin d'être anodine et il convient de dire qu'elle a besoin d’une réglementation urgente ».
 
Selon notre expert, la question du covoiturage est devenue sérieuse pour deux raisons majeures. « Les covoitureurs sont souvent confondus avec les transporteurs clandestins (Khtafa) ce qui les met en conflit permanent avec les autorités. Le contraire est valable aussi. Certains transporteurs travaillent sous profit de cette nouvelle forme de transport pour fuir les autorités ou même pour exercer certaines activités déloyales comme l’agression… », a indiqué  Ben Dakak.
 
Si la confiance investie dans les agences de covoiturage n’empêche pas les surprises, le Maroc manque toujours d’une loi exclusive à ce cadre particulier, afin d’agir en cas d’acte illicite. « En cas d’existence d’un acte illicite commis par le transporteur contre le client, c’est le code pénal qui entre en jeu, quelque soit le cadre de l'acte; taxis, bus ou même dans le cadre de covoiturage », a expliqué Ben Dakak tout en rappelant que « le cadre du délit ou du crime ne change rien dans les pénalités ».
 
Devant le succès fulgurant que ces applications de covoiturage génèrent, bon an, mal an, et afin de formaliser cette activité qui risquent de peser sur la vie de plusieurs d’entre nous, l’avocat au bureau de Casablanca souligne l’urgence d’inscrire le covoiturage dans le cadre du code des obligations et des contrats (DOC). Toujours selon ses élucidations, il faut que le législateur mette en place, au moins, des conditions pour se lancer dans le transport des gens. Par exemple, le transporteur, physique ou morale, doit fournir préalablement toutes les infos à propos de lui, s’engage à respecter les autres conventions établies entre les parties, rassure sur l’état de véhicules et le système de sécurité et possède le permis de conduite.

Cadre légal pour le covoiturage: qu'est ce qu'en dit les acteurs de cette activité ?

« Pip Pip Yalah » est une des applications dont le nom fuse de partout dès que le phénomène est abordé. Pour la petite histoire, tout a commencé sur un groupe du site communautaire Facebook où un nombre non-négligeable d’utilisateurs opte pour le covoiturage comme véritable «easy way out ». En 2019, le projet est sorti des limbes, au grand bonheur de ses adeptes.
 
Ceci étant dit et à la lumière du triomphe de « Pip Pip Yalah » ou d’autres applications de covoiturage et dans l’absence d’une loi qui réglemente ce nouveau mode de transport, comment est-ce possible que les jeunes derrière cette application assurent la sécurité de leurs passagers? Et que pensent-ils d’un cadre légal pour organiser cette activité? 
 
Otman Harrak, cofondateur de Pip Yalah répond à nos questions.
 
« Pip Pip Yalah n’est pas une agence de transport mais une société de mise en relation. Notre service s’inscrit dans le chantier de transformation des habitudes de mobilité notamment la mobilité durable », a indiqué Otman Harrak tout en mentionnant que « cette activité assiste à une absence d’encadrement et c’est quelque chose pour laquelle on a fait plusieurs appels aux entités responsables notamment au ministère de transport ».
 
Devant la faible confiance que les gens peuvent avoir à l’égard de ce nouveau type de transport « durable », le jeune entrepreneur entrevoit qu'un « cadre légal qui définit le covoiturage va certainement rassurer les passagers et booster la culture du transport durable dans notre société mais aussi protège les passagers et les transporteurs notamment ceux qui ont peur vis à vis de la loi d’un arrêt de policier qui confond les covoitureurs avec les transporteurs clandestins ».
 
Et si selon, Otman Harrak, l’équipe de Pip Pip Yalah est mobilisée pour assurer la vérification de l’identité de chaque nouveau profil inscrit dans l’application ainsi que pour garantir la sécurité des passagers au cours de leurs trajets,  les surprises ne manquent pas. « Les commentaires des clients nous aident à évaluer la qualité de nos transporteurs collaborateurs », appuie- il. Et a ajouté « en cas de réclamation client à propos d’un acte, nous nous mettons en contact avec le conducteur, et on procède au blocage et à la suspension de son compte pour l'empêcher de recommencer une nouvelle fois. Sa carte nationale devient en liste noir », a conclu le jeune entrepreneur.
 
Somme toute, une chose demeure certaine. Même si les efforts des administrateurs des applications de covoiturage se poursuivent afin de maximiser la sécurité des passagers, les questionnements au sujet de la réglementation du covoiturage comme nouveau modèle de transport persistent.







🔴 Top News