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Covid-19: Un an après, les médecins au point de rupture


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 13 Avril 2021

Délaissés et épuisés d’une année accablante, les médecins du secteur public ont poussé un nouveau cri de colère contre la procrastination du ministère de la Santé qui n’a pas encore répondu à leurs revendications. Détails.



« Nous n’en pouvons plus », un nouveau cri de colère et de désarroi que les médecins ont lancé à l’encontre de l’inaction du ministère de la Santé, jugé « insouciant » vis-à-vis de leur souffrance. Ça fait plus d’un an que les médecins sont pris dans le calvaire de la pandémie, meurtris d’une année de labeur sans répit et sans une rétribution compensatoire digne de ce nom. La colère est ressentie davantage dans les services de réanimation, mis sous pression de l’afflux des cas de Covid-19, qui nécessitent un suivi permanent. Outre cela, avec la campagne de vaccination, le personnel de Santé a dû faire des efforts supplémentaires dans les centres d’injection, dans des conditions de travail parfois pénibles. « L’hôpital est devenu repoussant et ne plaît plus à personne », nous confient trois médecins, syndiqués, dont un cardiologue au CHU de Rabat. Un sentiment partagé par nombre de leurs collègues, guère satisfaits de l’état de la Santé publique, dont la vulnérabilité a été clairement trahie par la Covid-19.   

Toute cette situation n’est plus supportable pour le Syndicat national de la Santé publique, d’autant que les membres du personnel de Santé sont en proie au burn-out et à un épuisement imminent, à cause des heures de travail intensives, la suspension des congés, le manque d’effectifs et le sous-équipement dont souffre l’hôpital public.  Dans un communiqué, le Syndicat a tiré la sonnette d’alarme à propos de la détresse des médecins, infirmiers et aides-soignants, faisant état d’une montée de la colère parmi leurs rangs à cause de leur délaissement et de l’insouciance des autorités qui ne les récompensent pas à hauteur de leurs efforts. 

Une prime Covid-19 suffit-elle ? 

En dépit des promesses du ministre de la Santé Khalid Ait Taleb, la prime exceptionnelle du « Covid-19 » ne semble ni satisfaire ni remonter le moral des médecins. Le syndicat a indiqué que les montants proposés sont dérisoires et ne récompensent pas équitablement leurs sacrifices. Ils sont nombreux à avoir été sidérés de l’offre du ministère de l’Economie et des Finances qui a proposé, selon des médecins, que nous avons contactés, près de 15 dirhams pour chaque journée de travail dans les services dédiés au Covid-19. En effet, cette rétribution est loin de respecter les standards internationaux. En France, le personnel soignant comme les médecins peuvent toucher jusqu’à 1500 euros avec une majoration des heures supplémentaires.  « C’est loin d’être une prime », nous confient des membres du Syndicat national des médecins du secteur public qui nous ont indiqué que la prime exceptionnelle ne vaut rien par rapport à leurs revendications. 

Dialogue social suspendu 

Le syndicat a noté également le silence du ministère de la Santé en tant que département de tutelle, critiquant le « double-discours » du gouvernement qui prétend que la santé est une priorité pour lui, alors qu’il s’évertue à tourner le dos aux revendications des professionnels du secteur. En réalité, plusieurs corporations de médecins comme d’infirmiers attendent toujours la réponse du gouvernement à leur cahier revendicatif, sachant qu’ils se sont déjà mis en grève en novembre dernier, en réaction à la suspension du dialogue social. 

En plus de l’indemnité de risque, les médecins demandent une amélioration de leur rémunération par une révision de leur statut afin qu’ils soient rémunérés autant que les docteurs dans la Fonction publique. Ils revendiquent également l’amélioration de leurs conditions de travail par l’investissement dans les équipements et l’augmentation des effectifs. 


Trois questions au Dr El Mountadar Alaoui

« Le secteur public devient de plus en plus dur à supporter pour les médecins »

El Mountadar Alaoui, président du Syndicat national des médecins du secteur public, a répondu à nos questions sur l’épuisement du personnel soignant et l’état des pourparlers engagés avec le ministère de la Santé. 

- Le personnel soignant est en état d’épuisement après une année laborieuse, médecins et infirmiers sont-ils à ce point au bord de l’effondrement ? 

- En vérité, la situation au sein de l’hôpital public n’est guère réjouissante, les conditions de travail sont encore difficiles pour l’ensemble des professionnels que ce soit des médecins, des infirmiers ou des aides-soignants. Sans parler de la rémunération qui reste dérisoire, nous travaillons en sous-effectif et sous pression permanente. Ceci a toujours été le cas même avant la pandémie, celle-ci n’a fait que dévoiler une réalité qui existait bien déjà. Faute de motivation et de perspectives d’évolution, nombreux sont ceux qui songent à démissionner, sachant qu’il existe de nombreux problèmes de mobilité, d’organisation et de valorisation de l’initiative individuelle. 

- Les indemnités exceptionnelles relatives au Covid-19 ont commencé à être versées, le ministère en a-t-il fait assez, selon vous ? 

- Comme tout le monde le sait, les indemnités Covid-19 ne sont que des montants dérisoires que le gouvernement a mis en place pour gagner la sympathie des professionnels de Santé qui ont fait d’énormes sacrifices durant la crise sanitaire. Le montant n’est que symbolique puisque les médecins ayant travaillé dans les services de réanimation et d’autres liés au Covid-19 n’ont obtenu que 4000 dirhams chacun pour toute l’année. Evidemment que c’est insuffisant. En tant que syndicat, ce que nous attendons impatiemment est l’approbation de notre cahier revendicatif, que nous avions présenté depuis longtemps pour remédier aux vrais dysfonctionnements du secteur de la Santé. 

- Où en êtes-vous dans les négociations avec le gouvernement sur votre cahier revendicatif ? 

- Toutes les revendications que nous avons exprimées jusqu’à maintenant ont été approuvées par le ministère de la Santé. Pourtant, le dossier est encore entre les mains du ministère de l’Economie et des Finances qui examine le coût financier de nos revendications. En effet, nous avons demandé plus d’investissement en équipements et en ressources humaines, avec une amélioration de notre statut salarial. Je vous rappelle que les médecins sont rémunérés comme détenteurs de master et non comme docteurs.  

Propos recueillis par Anass MACHLOUKH 

 








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